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Sûreté nucléaire : André Aschieri, le député vert à l'origine de l'indépendance de l’IRSN

Sûreté nucléaire : André Aschieri, le député vert à l'origine de l'indépendance de l’IRSN

Le 15 mars, l'Assemblée nationale a rejeté en première lecture la réforme de sûreté nucléaire qui prévoyait de fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Une décision qui aurait supprimé l’indépendance de l'expertise scientifique en vigueur depuis une loi de 2002 qui mettait en place une organisation duale.

Par Florence Dartois - Publié le 20.02.2023 - Mis à jour le 16.03.2023
De la nécessité de créer l'IRSN - 2001 - 01:04 - vidéo
 

L'ACTU.

Le 15 mars, l'Assemblée nationale a rejeté en première lecture la réforme de sûreté nucléaire qui prévoyait de fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les députés, dont quelques-uns de la majorité, ont approuvé à main levée un amendement de Benjamin Saint-Huile, du groupe indépendant Liot, demandant la préservation d'une « organisation duale » entre l’IRSN et l’Autorité de sûreté. Malgré ce vote, le gouvernement pourrait encore recourir à une deuxième délibération.

Le 20 février 2023, l’intersyndicale des salariés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de la sécurité et de la radioprotection, avait lancé un mouvement de grève pour s’opposer au démantèlement de leur institution. Cette restructuration, annoncée par le gouvernement, devait permettre d’instaurer un « pôle unique et indépendant de sûreté ». Elle s’inscrivait dans le grand plan de relance de la filière nucléaire souhaité par Emmanuel Macron (14 EPR en service en 2050 et la prolongation « à 60 ans et au-delà » des centrales existantes) et dont le projet de loi arrive à l'Assemblée.

L'objectif était selon le gouvernement de faciliter, « consolider et fluidifier » le processus d’examen technique et de prise de décision dans une perspective d’accélération du plan de construction des futures centrales. Dans sa lettre de mission, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, précisait que les compétences techniques de l’IRSN seraient réparties entre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Cette annonce marquant un tournant dans la politique de surveillance du parc nucléaire français.

LE CONTEXTE.

Ce parc, qui comprend actuellement 56 centrales - c'est le plus important au monde, après celui du Japon - est né en 1974 de l’impulsion de Pierre Mesmer qui désirait donner à la France son autonomie énergétique en pleine crise du pétrole. À l’époque, la surveillance nucléaire dépendait du CEA et de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI), directement rattachés au ministère de la Santé. Mais en 2001, il avait été décidé de séparer la gestion administrative des centrales du contrôle de leur sécurité.

La loi du 9 mai 2001 allait mettre en place une organisation tripartite, avec l’instauration d’une nette séparation des rôles : EDF pour l’exploitation et la sûreté du parc nucléaire. L’IRSN, un organisme indépendant d'expertise scientifique et de protection de l’homme et de l’environnement, pour la sécurité nucléaire, Et enfin, une autorité administrative de gestion, l’ASN, rattachée depuis 2006 au programme budgétaire « Prévention des risques » du ministère de l’Écologie.

LES ARCHIVES.

Derrière cette volonté d’indépendance et de séparation de l’expertise scientifique de l’influence politique se cache un homme discret, le député écologiste et maire de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), André Aschieri (1937-2021). C'est grâce à sa volonté qu'est né l'IRSN. Le 23 avril 2001, sur le plateau du JT Soir Côte d'Azur, le député vert expliquait son postulat. Il défendait alors la proposition de loi SUI devant aboutir à la création d'une agence de « sécurité sanitaire environnementale », un travail long et compliqué, en partie à cause du poids des lobbies qui ne souhaitaient pas que les « choses changent ».

À la veille du vote définitif de la loi (loi n° 2001-398 du 9 mai 2001), le défenseur du texte craignait encore des blocages, notamment à cause du volet nucléaire qu’il avait souhaité ajouter à ce texte, « ce qu’on m’avait interdit de faire dès le départ », précisait-il, ajoutant que cela représentait une « petite révolution ». Avec une pointe d'ironie, l'élu soulignait que généralement ceux qui fabriquaient l’énergie nucléaire étaient ceux qui la contrôlaient. Avec cette loi, il souhaitait « dissocier le contrôleur du contrôlé », et ainsi garantir une meilleure objectivité. Pour ce faire, il avait souhaité la création d'un institut indépendant dont il annonçait le nom : l’IRSN, qui aurait pour mission « de surveiller les installations, leur sécurité, mais aussi et surtout, les réactions sur la population du nucléaire ».

2002 : l'équilibre des pouvoirs

La loi allait être votée sans encombres et l’année suivante, en avril 2002, le ministre de l’Environnement, Yves Cochet présentait au gouvernement les décrets de création de deux nouveaux organismes de surveillance et de contrôle du nucléaire : la DGSNR (Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection) et l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire). L’archive ci-dessous revient sur les détails de cette création et souligne la coupure nette entre ce nouvel institut indépendant et le CEA, (Commissariat à l’Énergie Atomique) : « les experts ne sont plus juges et parties », précisait le commentaire. Quant à la nouvelle direction générale, la DGSNR, elle serait chapeautée par les ministères de l’Industrie et de l’Environnement, « mais aussi par celui de la Santé, ce qui aidera peut-être à équilibrer les pouvoirs ministériels », ajoutait le journaliste.

Police de sûreté nucléaire
2002 - 02:54 - vidéo

Depuis sa création en 2002, l’IRSN, comme organisme scientifique et technique, s’est consacré exclusivement à l’évaluation du risque, sans se préoccuper de la décision politique. Parmi ses missions de recherches et d’expertises indépendantes en matière de sûreté nucléaire : les transports de matières radioactives et fissiles, mais également la protection de l’homme et de l’environnement et le contrôle des matières nucléaires, ainsi que la protection des installations nucléaires contre les actes de malveillance. Découvrez ci-dessous quelques exemples des études menées par l’IRSN au fil des années.

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