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1959 : à la découverte d'Odessa, port cosmopolite

1959 : à la découverte d'Odessa, port cosmopolite

Un bombardement russe a touché pour la première fois lundi 21 mars les faubourgs d'Odessa, la 3e ville d'Ukraine, peuplée de plus d'1 million d'habitants. En 1959, le magazine «Voyage sans passeport» donnait à voir cette ville souvent comparée à Marseille, et qui possède depuis sa fondation au début du XIXe siècle par un descendant du cardinal de Richelieu une riche identité cosmopolite.

Par Cyrille Beyer - Publié le 21.03.2022
Visite d'Odessa - 1959 - 01:42 - vidéo
 

Les autorités d’Odessa ont fait état pour la première fois, lundi 21 mars, de bombardements sur les faubourgs de la ville portuaire de la mer Noire. Des habitations ont été détruites mais sans faire de victime, selon la mairie. Alors que les habitants se préparent à défendre leur ville d’une attaque russe, nous avons retrouvé dans les archives de l’INA un reportage montrant à voir quelques images de la cité à l’époque soviétique. Le 2 mai 1959, l’émission « Voyage sans passeport » consacrée ce jour-là aux villes des Républiques populaires communistes, s’arrête quelques instants dans ce « grand port […] qu’on pourrait comparer à Marseille ». Le journaliste qui présente le reportage précise que l’accueil des Roumains d’Odessa a été « très chaleureux », beaucoup plus que celui de la communauté russe, une différence qu’il explique par le fait que « les Roumains parlent [beaucoup mieux] le français ».

« Roumain, Russes », le journaliste de « Voyage sans passeport » aurait pu citer aussi d’innombrables autres communautés qui ont façonné l’identité cosmopolite de la ville, comme les juifs, les Grecs [la société secrète Filiki Eteria, fondée en 1814, joua un rôle fondamental dans la préparation de la guerre d'indépendance grecque, à partir de 1821, NDLR], les Tatars de Crimée… et les Français. Car même si dans les années 1960, on ne rencontrait que peu de nos compatriotes dans les rues de la ville, Odessa doit tout à un certain Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu. Ce lointain descendant du cardinal de Richelieu a fondé la ville au début du XIXe siècle au nom de l’impératrice de Russie Catherine II pour développer une région, la « Nouvelle Russie », tout juste conquise par l’empire russe entre 1768 et 1774, comme le raconte un article publié le 20 mars par Le Parisien. Dans les colonnes du quotidien, on lit ainsi à quel point les Odessites révèrent encore aujourd’hui Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu, qui a, pour développer sa ville, fait appel à de « nombreux Français, Allemands et Russes de l'intérieur ».

L’empreinte de « Notre Duc », comme l’appellent les habitants, est partout, nous explique encore Le Parisien : « les jardins Richelieu, le grand théâtre, le lycée, la rue Richelieu ». « En terrasse, les Odessites peuvent boire une cuvée brut de champagne Le Duc, avant d’aller se faire une toile au cinéma le Duc en or ». Ces origines françaises de la ville se retrouvent dans l’architecture de la ville, qui prend des airs français et italiens, méditerranéens, plus que russes.

Signes communistes

La statue du duc de Richelieu trône aussi au sommet du monumental escalier, qu’on peut voir dans l’archive de « Voyage sans passeport », un symbole de la ville popularisé par le film d’Eisenstein Le Cuirassé Potemkine (1925) grâce à une scène iconique – le landau d’un bébé qui dévale les volées de marches – qui sera reprise des décennies plus tard par Brian De Palma dans son film Les Incorruptibles (1987). Le film de Sergueï Eisenstein relate avec un parti pris bolchevique la révolte des marins du Potemkine, qui fut l’un des épisodes marquants de la révolution russe de 1905.

Toujours dans le court reportage de « Voyage sans passeport », on peut voir la marque du régime communiste avec ces « tableaux d’honneur des ouvriers », une coutume qui veut que « chaque semaine ou chaque mois, lorsqu’un ouvrier a fait un rendement supérieur à la moyenne, il [se retrouve] au tableau d’honneur, et sa photo est alors exposée pendant un temps dans la ville. » Autre manifestation tangible du régime communiste, l’explication donnée par le journaliste que les « magasins d’état ne vendent certaines choses que certains jours », une spécificité commerciale qui nécessite pour les habitants une certaine organisation.

Marquée par ce riche passé cosmopolite, à la fois européenne, russe et ukrainienne, Odessa a connu un drame en 2014, à la suite de la révolution de l’Euromaïdan. Alors que les tensions sont fortes entre Ukrainiens favorables au changement de régime de Kiev et pro-russes, 42 personnes pro-russes meurent le 2 mai 2014, en majorité dans l’incendie de la Maison des syndicats de la ville, des suites d’échanges de tirs de cocktails Molotov.

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