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La PAC, composante européenne des colères agricoles

La PAC, composante européenne des colères agricoles

Le 1er février 2024, plusieurs centaines d'agriculteurs européens ont manifesté à Bruxelles en marge d'un sommet des dirigeants des Vingt-Sept. Au cœur d'une crise d'ampleur, le secteur agricole est réglementé par l'Union européenne par le biais de la Politique agricole commune, l'une des principales pourvoyeuses de subventions aux agriculteurs en échange du respect d'un certain nombre de règles. Ainsi, dès la fin des années 1960, les agriculteurs avaient manifesté de la sorte. En 1971, l'un de ces rassemblements réunissait plus de 50 000 personnes dans la capitale belge et faisait un mort.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 01.02.2024
 

L'ACTU.

Le 1er février 2024, près d'un millier de tracteurs, principalement belges et français, ont investi les rues de Bruxelles en marge d’un sommet des dirigeants des Vingt-Sept. Depuis la mi-janvier, un mouvement de protestation a émergé dans le monde agricole européen et en particulier français. L'Union européenne, par le biais de la Politique agricole commune, encadre la pratique des agriculteurs français. Créée avec le traité de Rome de 1957, la PAC doit permettre d’orienter et de soutenir les agriculteurs européens ainsi que de stabiliser et de sécuriser les marchés. C'est l'un des piliers de l'Union européenne, et bien avant celle-ci, de la Communauté économique européenne.

Pour pouvoir prétendre aux aides européennes, les exploitants doivent ainsi respecter toute une série de conditions. Depuis le début de la crise agricole et en dehors de la demande commune de meilleurs revenus, certains syndicats historiquement productivistes comme la FNSEA dénoncent la surcharge administrative et de normes environnementales imposées par Bruxelles.

Composante importante pour les agriculteurs, la PAC est régulièrement l'objet de contestations. Notamment dans les rues de Bruxelles. Comme en 1971, lors de l'une des premières grandes manifestations agricoles européennes.

LES ARCHIVES.

« Bruxelles au début de l’après-midi. Nous sommes au point de ralliement que se sont donnés 80 000 agriculteurs de toute l'Europe. » Le 23 mars 1971, des milliers d’agriculteurs convergeaient vers Bruxelles pour manifester contre une grande réforme de l'agriculture dans la Communauté économique européenne. Elle était portée par le Néerlandais Sicco Mansholt, commissaire chargé de l'Agriculture et père de la Politique agricole commune. Il voulait moderniser l'agriculture européenne, notamment en poussant à l'agrandissement des exploitations agricoles. À l'époque, Le Monde décrivait l'homme comme le « partisan d'une "liquidation" planifiée et subventionnée de l'actuel secteur paysan artisanal ».

Dès 1968, de premières oppositions issues du monde agricole avaient pris la forme de manifestations dans la capitale politique européenne, Bruxelles. Trois ans plus tard, le mouvement avait pris de l'ampleur. En mars 1971, les ministres de l'Agriculture des six pays membres de la CEE se réunissaient à Bruxelles pour discuter du plan Mansholt et « délibérer des propositions de prix pour la campagne prochaine ». Dans les rues de la capitale belge, emmenés notamment par la Copa-Cogeca, le regroupement de syndicats agricoles européens comme la FNSEA, plusieurs milliers de manifestants formaient donc cette première grande manifestation agricole européenne. « Le contingent le plus important provient bien entendu de Belgique, mais il y a des agriculteurs venus d'Allemagne, des Pays-Bas, de France et d'Italie. »

Dans l'archive en tête d'article, Jean Deleau, vice-président de la FNSEA, s'insurgeait : « Je n'ai pas peur de dire que c'est tout l'avenir de l'Europe qui est en jeu aujourd’hui. En effet, il ne sera de l'Europe que si elle respecte les impératifs qu'elle s'est donnée dans le Traité de Rome. Or, que voyons-nous aujourd'hui ? (...) Nous voyons un développement d'un certain nombre de revenus, nous voyons des situations s'améliorer, mais en même temps, nous voyons le revenu des agriculteurs qui diminue. Cela ça n'était pas dans le Traité de Rome ! »

Des pommes de terre aux pavés

« Très vite, des pommes de terre, on est passé aux pavés ». Cette manifestation se solda par un mort accidentel et près de 140 blessés. Selon l'archive ci-dessous, « Bruxelles paie son titre de capitale européenne ». Les passants belges se montraient sévères sur la violence du mouvement tout en soutenant les revendications des agriculteurs. « Qu'ils manifestent ça je leur donne raison. Ils ont raison, parce qu'ils ne gagnent pas assez, mais alors, ils ne devraient pas venir faire des choses comme ça ! »

Et le reporter de résumer les raisons de ces violences : « Les agriculteurs ont le sentiment (...) que le marché commun n'a pas de politique agricole et que s'il en a une, en tout cas, elle est dirigée contre eux ».

Mars 1971 fut certainement l'une des manifestations les plus importantes et violentes. Mais elle ne fut pas le dernier mouvement de revendication agricole européen. Au gré des réformes de la PAC et de la hausse, ou non, des prix agricoles, Bruxelles fut régulièrement le théâtre de protestations issues du monde agricole. Exemple en 1982 ci-dessous, où dans le cortège, plusieurs banderoles de fédérations locales du syndicat français FNSEA pouvaient être observées.

Ou encore en 1999. Comme le montre l'archive ci-dessous, une mobilisation importante contre une réforme majeure de la PAC avait de nouveau pris place dans les rues bruxelloises. Toujours en marge de la réunion de ministres des membres de l'UE, des agriculteurs faisaient connaître leurs craintes d'une baisse du revenu agricole.

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