La priorité nationale, c'est la clé de voûte du programme de Marine Le Pen. Dans les années 1980, déjà, son père Jean-Marie Le Pen, aux manettes du Front national, développait cette idée. Exemple le 16 octobre 1985 sur le plateau de « L'Heure de vérité » : « Convenez avec moi qu’il vaudrait mieux augmenter les prestations qui sont réservées aux femmes françaises qui n’ont que deux enfants plutôt que d’encourager des femmes étrangères à avoir sur notre sol 3, 4, 5 ou 6 enfants. C’est la raison pour laquelle le FN propose [...] que les services sociaux soient séparés entre Français et étrangers.
Si en octobre 1985, la formule « préférence nationale » n’est pas encore lâchée, l'idée est là. Elle sera théorisée quelques mois plus tard par Jean-Yves Le Gallou dans un livre, La préférence nationale : réponse à l'immigration. Son auteur s'en explique le 13 décembre 1985 sur le plateau du journal Provence Alpes de France 3 : « Dans ce livre j’essaye non seulement de porter un diagnostic mais de montrer qu’il y a des solutions au problème de l’immigration. »
Selon l’essayiste, membre du Front national, priver les étrangers des aides sociales serait un moyen de pression pour les inciter à quitter la France. A partir de cette date, les cadres du parti d'extrême droite vont faire de cette théorie leur credo.
Et quand Marine Le Pen prend les rênes du parti en 2011, c’est le même discours avec un petit changement : « préférence » devient « priorité ». Mais avec exactement les mêmes arguments que son père, comme elle l'explique sur le plateau de l'émission « Des paroles et des actes » diffusée le 21 février 2013 : « Ma philosophie est la suivante : les étrangers qui veulent venir sur notre territoire doivent subvenir à leur propre besoin. » Une proposition qui fait en effet écho à celle de son père, prononcée le 3 mars 2007 à Marseille, lors d'un meeting pour l'élection présidentielle : « Les immigrés qui viennent chez nous, illégaux et légaux, doivent savoir qu’ils ne bénéficieront d’aucune aide spécifique et qu’ils devront trouver par eux-même les moyens légaux de logement, de subsistance ou de soin. »
Référendum
Mais alors comment mettre en place cette priorité nationale ? Car de fait elle instaure un principe de discrimination contraire à la constitution. Là aussi, la réponse n'a pas changé depuis 35 ans : Une révision de la constitution via un référendum. C'est ce que proposait Jean-Marie Le Pen le 7 février 1986 sur le plateau du 13h de TF1 : « Vous savez que tout référendum se heurte à la difficulté de devoir répondre par oui ou non, mais il me parait quand même important que le peuple français soit interrogé sur le point de savoir s’ils souhaitent comme le veut Monsieur Stasi, une France multiculturelle, ou si au contraire il exprime un vote en faveur d’une préférence nationale telle que nous la défendons nous même. »
Le 12 avril 2022, sur le plateau de TF1, Marine Le Pen, candidate RN qualifiée au second tour de l'élection présidentielle, choisit elle-aussi la voie référendaire : « Je vais inscrire dans la constitution, par l’intermédiaire de ce référendum, une révision, pour permettre la priorité nationale. »
Mais pour faire appel à l'article 89 qui pourrait modifier la constitution, il faut que la question de ce référendum soit validée par le Sénat et l’Assemblée nationale à la majorité absolue. Un détail qui risque de bloquer.