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Foulards de Creil : le début de la discorde sur le voile

Foulards de Creil : le début de la discorde sur le voile

Le dimanche 27 août sur TF1, Gabriel Attal, le nouveau ministre de l'Enseignement a annoncé l'interdiction le port de l'abaya à l'école. Cette longue robe recouvrant l'ensemble du corps est portée par des jeunes filles souvent de confession musulmane, selon le ministre. En 1989, c'était le port du foulard qui se retrouvait au cœur d'une polémique et se faisait interdire par le gouvernement. Retour sur cette affaire en archives.

Par Ludivine Lopez - Publié le 28.08.2023
 

L'ACTU.

Gabriel Attal, le nouveau ministre de l'Enseignement a annoncé sur TF1, le dimanche 27 août, l'interdiction du port de l'abaya à l'école, une longue robe associée à une tenue religieuse par le ministre. Près de vingt ans après la loi de mars 2004 sur les signes et tenues religieuses à l'école interdisant le port de signes ostensibles d'appartenance religieuse, cette décision du ministre relance le débat. L'abaya est portée par-dessus les vêtements, elle couvre une grande partie du corps. Certains s'interrogent sur la nature religieuse de la tenue visée, alors que de nombreux établissements signalent des atteintes à la laïcité et réclament une clarification du texte.

Il est difficile de déterminer si les élèves portant cette tenue le font pour marquer leur foi ou par goût personnel, les spécialistes eux-mêmes ont du mal à lever l’ambiguïté. Ce vêtement ne faisait pas partie de la circulaire de 2004 qui laissait l'opportunité d'élargir le champ de l'interdiction, le texte étant rédigé « de manière à répondre à l'apparition de nouveaux signes, voire à d'éventuelles tentatives de contournement de la loi ».

L'une des premières polémiques au sujet des tenues religieuses à l'école date de 1989, elle concernait le port du voile islamique, un sujet qui agite régulièrement le débat public. Le montage d'archives revient sur cette affaire qui défraya la chronique.

L'ARCHIVE.

Octobre 1989. À Creil, dans l’Oise, trois jeunes filles sont exclues par leur principal parce qu’elles portent le foulard islamique dans l’enceinte de leur collège. Le début d’un feuilleton politico-médiatique sur fond de laïcité qui résonne encore aujourd’hui.

Une interrogation émerge alors : le port du voile est-il compatible avec l’école laïque de la République française ? Pendant plusieurs semaines, la question vampirise le débat public, mais aussi la sphère médiatique. Intellectuels et politiques s’affrontent sur le sujet. Lionel Jospin alors ministre de l’Éducation nationale apportait lui une réponse plutôt ambiguë, défendant le principe de laïcité, mais appelant aussi à la tolérance : « C’est cette école que je défends, l’école publique qui donne une formidable leçon de tolérance, car elle accueille tous les enfants sans distinction (...) notamment avec un foulard sur la tête. Je préconise que les directeurs et les enseignants disent à ces enfants et à leurs parents qu’ils ne doivent pas venir à l’école dans ces conditions. S'il y a blocage et s'il y a refus, je dis alors l’école doit accepter et accueillir ces enfants. »

Un dernier avis qui ne faisait pas vraiment l’unanimité. Dans l’opposition d’abord, mais surtout au sein même du parti de Lionel Jospin. Pour exprimer leur désaccord deux députés socialistes s’affichaient à l’Assemblée, coiffés d’un foulard. Division aussi au sein du gouvernement. Si le premier ministre Michel Rocard dénonçait l’exclusion des filles voilées, Jean-Pierre Chevènement, le ministre de la Défense, ne faisait aucune concession : « À l’école laïque, il ne peut y avoir ni soutane, ni kippa, ni tchador. Parce que l’école laïque, c’est l’école de la liberté. »

Dans le monde associatif, les divergences s’affichaient aussi. En novembre 1986, l’avocate Gisèle Halimi quittait SOS racisme. Selon elle, la question du droit des femmes n’était pas assez prise en compte par l’association : « Je trouve que les moyens employés ont été inexistants et ne tenaient pas compte de ce qui est fondamental pour moi dans cette affaire, c'est-à-dire, la défense de la dignité de la femme. »

Avis contrastés aussi du côté des femmes musulmanes. Si certaines dénonçaient une atteinte à la vie privée des collégiennes, d’autres s’opposaient fermement au port du voile à l’école, comme Hala Kodmani, responsable communication Ligue arabe : « À l’école, je préférerais que les jeunes filles musulmanes ne portent pas le voile, qu’elles n’affichent pas une telle différence vis-à-vis de leurs camarades. »

Face à ces désaccords, le Conseil d’État, sollicité par Lionel Jospin, prenait une décision fin novembre 1989 : tant qu’elle ne constitue pas un acte de pression ou de prosélytisme l’expression des convictions religieuses ne peut être interdite à l’école.

15 ans plus tard, en 2004, une loi interdira finalement les signes religieux ostensibles à l’école.

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