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1998 : l'Iran bat les États-Unis et le peuple iranien rêve de liberté

1998 : l'Iran bat les États-Unis et le peuple iranien rêve de liberté

L'Iran et les États-Unis s'affrontaient mardi 29 novembre en match de poule de la Coupe du monde au Qatar. L'ambiance était bien différente de celle de 1998. À l'époque, les deux équipes s'étaient rencontrées à Lyon lors du mondial organisé en France. Les relations entre les deux pays étaient en cours de normalisation et l'ambiance à l'apaisement. Sur place, les femmes, bravant les autorités, envahissaient les stades pour supporter leur équipe.

Par Florence Dartois - Publié le 28.11.2022 - Mis à jour le 30.11.2022
 

L'ACTU.

À l'approche du match qui a opposé l'Iran et les États-Unis le 29 novembre, l'ambiance s'est tendue à la Coupe du monde de football du Qatar. Le pays des mollahs a reproché au compte Twitter de la fédération de football américaine d'avoir ôté du drapeau iranien la formule islamique inscrite au milieu des trois couleurs : « Il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah ». Téhéran a accusé également les États-Unis de soutenir le mouvement de contestation débuté mi-septembre après la mort d'une jeune femme, Mahsa Amini, tuée par la police religieuse pour ne pas avoir porté correctement son voile. Assumant ce geste, la fédération américaine a précisé qu’il s’agissait effectivement d’un moyen de montrer leur « solidarité avec les Iraniennes qui luttent pour leurs droits ». Une plainte a été déposée auprès de la Fifa réclamant un avertissement.

L'ARCHIVE.

Les deux équipes se sont déjà rencontrées lors d'une précédente Coupe du monde, c'était en France, au stade Gerland de Lyon, en 1998. Le reportage en tête d'article date du 20 juin 1998. Pour le journal de France 2, Morad Ait Habbouche s’était rendu à Téhéran pour prendre le pouls à l’approche du match. L'archive montre bien que le pays des mollahs s’apprêtaient à soutenir son équipe, c’était une question de fierté. Pourtant, à Téhéran, les portraits des joueurs ne s’affichaient pas en grand, seuls les leaders religieux « Khomeini en tête » avaient cet honneur. Mais le football était bel et bien « une religion à part entière » précisait le journaliste. Pas un quartier, une rue, un terrain vague sans un but de fortune et des gamins jouant au ballon rond. Lorsque l’Iran s’était qualifiée pour la Coupe du Monde, la folie s’était emparée du pays, comme le montraient les images de foule en liesse. Les joueurs nationaux, salués par des milliers de drapeaux vert-blanc-rouge, étaient traités en héros et ovationnés. Le stade s’était transformé ce jour-là en tribune politique et un événement extraordinaire s'était produit devant les caméras. Les femmes avaient osé franchir les portes et envahir les gradins pour célébrer la nouvelle.

Ces 4 ou 5 000 femmes avaient violé un véritable interdit : « jamais auparavant une femme n’était entrée dans ce stade », précisait le journaliste. Si l'objectif officiel était de vaincre les Américains, le « grand Satan », et de défendre l’honneur de la République islamique, le journaliste soulignait que pour les femmes, l'enjeu était tout autre. Les Iraniennes risquaient déjà leur vie pour se dévoiler en public : « mais celles qui attendent le plus d’une victoire, ce sont les femmes. Elles auraient là une nouvelle opportunité de tomber ce Tchador, et en toute liberté, crier leur amour du football et des footballeurs. », concluait-il dans son commentaire qui résonne fortement avec le contexte actuel.

Le match de l'espoir

Ce match se jouerait dans un climat géopolitique apaisé. Les deux pays menant alors une politique de réconciliation. Le président Khatami cherchait à aplanir la politique extérieure iranienne, quant au président Clinton, il montrait des signes de rapprochement. Le 21 juin 1998, le match débutait avec une image incroyable, celle de l'équipe iranienne entrant dans le stade avec des roses blanches, symbole de paix en Iran.

L'Iran allait gagner 2-1 face aux États-Unis. Certains, comme Daniel Bilalian dans le lancement du sujet à découvrir ci-dessous, voyait dans cette victoire un premier pas vers la sortie de l'isolement diplomatique du pays. Sur place, même optimisme palpable. Un espoir d'ouverture qui était perceptible dans les témoignages recueillis ce soir-là, par Jean-Marc Illouz, dans les rues de Téhéran. Ce qui se jouait, au-delà du sport, c'était une sorte de célébration de la « renaissance de l'Iran ». Les femmes étaient très nombreuses à exprimer leur joie, même si comme le constatait le journaliste, « le tchador n'était pas tombé ». Une jeune femme décrivait déjà un profond désir de progrès social : « Les femmes en Iran ont toujours essayé de revendiquer. J'espère que maintenant les droits de tous les hommes et femmes pourront progresser ». Isolés du reste du monde, les Iraniens semblaient réellement aspirer à plus de liberté. Un Iranien déclarant au journaliste français que le problème des Iraniens, ce n'était pas les Américains mais : « le gouvernement », affirmait-il, « et s'il veut des relations avec nous, il faut qu'il change ! »

Le contexte en 2022

24 ans plus tard, la participation de l’Iran à la Coupe du monde de football au Qatar revêt un enjeu aussi sportif que politique. Le match du 29 novembre (1-0 pour les Etats-Unis) s'inscrivait dans le cadre d’un vaste mouvement de contestation contre le régime, déclenché par les femmes à la mi-septembre. Au début de la compétition, face à l'Angleterre, les joueurs iraniens ont refusé de chanter pendant l'hymne national, un geste symbolique très fort perçu comme un acte de défiance vis-à-vis du pouvoir. Même révolte côté tribunes, où un homme a brandi un drapeau iranien sur lequel était inscrit le slogan « Woman Life Freedom » (Femme Vie Liberté). Une femme à ses côtés brandissant le maillot frappé du nom de Mahsa Amini et du numéro 22, l'âge de l'étudiante au moment de sa mort.

Les relations avec les États-Unis sont, elles aussi, plus conflictuelles qu'en 1998. Sur fond d'embargo, la reprise de l'enrichissement de l'uranium à 60%, en violation avec les accords conclus en 2015, inquiète la communauté internationale.

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