La centrale de Cordemais : l'histoire du joyau d'EDF qui produit de l'électricité depuis 60 ans

L’ACTU.

La centrale thermique à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique) a redémarré dans la nuit du mercredi 10 au jeudi 11 janvier 2024 pour produire de l'électricité et compenser la hausse de consommation électrique provoquée par l’épisode de froid qui frappe l’hexagone. Avec Saint-Avold en Moselle, elle fait partie des dernières centrales à charbon françaises en fonctionnement partiel. Durant l’hiver 2022-2023, dans un contexte énergétique tendu, avec l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires, la centrale à charbon de Cordemais, d’une puissance totale de 1200 MW, avait déjà été autorisée par décret à tourner à plein régime pour injecter de l’électricité dans le réseau EDF.

Selon le site internet du gestionnaire du réseau RTE, la centrale de Cordemais produit actuellement près de 300 Mégawatts (MV). Toujours selon RTE, le pic de consommation d'électricité a été atteint mercredi 10 janvier à 19 heures, avec 83 524 Mégawatts-heure.

La centrale à charbon fait partie du paysage de Cordemais depuis les années 1960. Dans cette commune de 3700 habitants, près de 10% de la population travaille à la centrale. Sa fermeture, retardée, est maintenant prévue en 2026.

L’ARCHIVE.

La centrale de Cordemais, a été mise en service en 1970, mais sa construction a débuté en juillet 1966. Elle fut d’abord conçue pour fonctionner au fioul, un carburant qui ne coutait presque rien jusqu’à la crise pétrolière de 1974. Elle ne sera adaptée au charbon qu’à partir de 1983.

En juin 1969, un reportage des actualités de Télé Pays de Loire décrivait l’avancement du « gigantesque chantier ». C'est cette archive que nous vous invitons à découvrir en tête d'article. La centrale s'érigeait sur les bords de la Loire, à quelques kilomètres de la raffinerie de Donges. Un point crucial pour une centrale au fioul.

Rattachée au réseau général d’électricité français et européen, sa production était néanmoins réservée à la région ouest. Dans ce reportage qui permet de se faire une idée de la superficie du chantier, on découvre de magnifiques images noir et blanc des installations. Un responsable expliquait alors ce qui avait présidé au choix du site de Cordemais, idéalement situé près de la Loire. Son débit pouvait fournir les 25 mètres cubes par seconde nécessaires à la quantité d'eau indispensable à la réfrigération, « ce qui est absolument énorme, ce qui fait 90 000 mètres cubes d’eau par heure », s’extasiait-il.

À l’époque, les centrales thermiques assuraient 60% de la consommation d’électricité française. Le reportage donnait des chiffres précis et impressionnants de la consommation d'une telle centrale : « 3000 tonnes de fioul jour et 400 mètres cubes d’air par seconde et 1800 tonnes d’eau douce par heure ».

Un fleuron régional

Un ingénieur décrivait ensuite le fonctionnement de cette « chaudière géante » assez similaire à « un chauffage central », plaisantait-il. Tout était monumental dans ce lieu où s'activait une ruche d'ouvriers. Les caméras filmaient la haute cheminée qui culminait à 150 mètres de hauteur, assez haut pour évacuer les fumées afin d'éviter les retombées polluantes.

Revenant sur l’avancée du chantier, le responsable expliquait que la plupart des ouvriers, environ 500, avaient été recrutés dans la région. Il estimait que la consommation en fioul des différentes tranches à venir rentabiliserait l’activité de la raffinerie de Donges, « et ceci est bénéfique, incontestablement, à l’économie régionale », assurait-il, ajoutant qu’il était souhaitable que d’autres industries pétrochimiques s’installent également dans la région à proximité de cette centrale.

La centrale fut mise en activité en 1970. Le reportage ci-dessous daté d’avril 1971 a été réalisé à l’occasion d’une porte ouverte. Les images sont muettes, mais nous permettent de découvrir à quoi ressemblait la centrale flambant neuve et quels étaient les projets d’expansion.

La plus puissante centrale de France

Cordemais est la dernière centrale électrique au charbon construite par EDF. Avec trois tranches au charbon et deux au fioul, elle devint la seule centrale électrique à alimenter tout l’ouest de la France. Le 8 novembre 1984, le journal régional Télé Pays de Loire de FR3, lui consacrait un long reportage, alors que les deux dernières tranches (4 et 5), fonctionnant au charbon, venaient d’être mises en service.

Pour la première fois, la centrale « à flammes » de Cordemais allait tourner à plein régime. Cela faisait d’elle la plus puissante centrale de France et d’Europe précisait son responsable.

Pour alimenter la centrale, il fallait utiliser « 13 000 tonnes de charbon par jour ». Le commentaire se voulait rassurant : pour limiter la pollution des « poussières de charbon », le carburant était constamment « compacté par des bulldozers ». Le risque de pollution était surveillé en permanence par des stations de mesures, réparties tout autour de la centrale, sur une distance pouvant aller à 25-30 kilomètres. Jusqu’à cette date, aucune anomalie n’avait été constatée, assurait le responsable.

Le charbon provenait d’Afrique, d’Australie et du Canada, « là où il est le moins cher », précisait le commentaire. Environ 5000 tonnes étaient acheminées chaque jour par un train reliant Montoire à Cordemais. La centrale pouvait stocker jusqu’à « un mois et demi de consommation ».

Son importance dans le réseau représentait aussi une faille nationale en matière d'approvisionnement d'électricité. En 1987, un accident lié au gel provoquait l’arrêt de l’alimentation, privant l’ouest de la France et une partie de la région parisienne d’électricité. L'archive ci-dessous, du 13 janvier 1987, revient sur la chronologie de l'accident.

À quoi ressemblait la centrale 20 ans après sa mise en fonction ? 600 personnes travaillaient alors sur le site dont l’avenir « était assuré », expliquait-on. Lors de cet anniversaire, la direction de Cordemais avait organisé une nouvelle porte ouverte. Deux cheminées trônaient à présent sur le site (150 et 229 mètres de haut) et le risque de pollution dû aux fumées émises par les cheminées était pris en compte, avec le recyclage des cendres.

Un lent déclin programmé

Un avenir remis en cause dès 2016 comme l’expliquait un sujet du 19/20 de FR3 du 1er décembre. Le reportage était consacré à l'avenir des centrales à charbon dont la fermeture était programmée pour 2023, selon les engagements écologiques de la France. Les salariés redoutaient de perdre leur emploi et espéraient une reconversion de leurs centrales, avec l’évocation des essais effectués à partir des combustibles de biomasse.

En 2019, à Cordemais, pour éviter une fermeture, EDF expérimentait un nouveau procédé qui mêlait le charbon et une grosse proportion de bois. (20% de charbon et 80% de récupération de bois). 450 emplois étaient en jeu. Si le projet était soutenu localement, des associations s'y opposaient

Ce projet baptisé « Ecocombust Cordemais » allait finalement être abandonné en 2021. Il prévoyait de remplacer le charbon par des déchets verts et de bois. Le site était donc voué à la fermeture à l'horizon 2026. La surprise à Cordemais faisait place à la colère et l'émotion comme le montre une archive de juillet 2021 diffusée dans le JT de 19/20 Édition Pays de la Loire.

En 2021, un nouveau projet vit le jour. Celui de faire place, peut-être, à une petite centrale nucléaire, les fameuses SMR : elles moins puissantes, moins consommatrices d'eau et plus facile à installer que les centrales nucléaires classiques. Mais l’annonce d’une éventuelle implantation à Cordemais à l'horizon 2030 divisait la population qui bénéficie davantages liés à leur centrale, avec des infrastructures dernier cri, comme son terrain de foot synthétique au pied de la centrale, l'hippodrome, sa piscine et un projet de centre culturel.

Tout reste possible, en attendant 2026,l'exploitation de la centrale à pleine puissance doit être limitée à 750 heures par an pour répondre aux besoins de toute la région ouest, notamment en hiver.