Salman Rushdie, un écrivain sous le coup d'une fatwa depuis 1989

L'ACTU.

L'écrivain Salman Rushdie raconte dans Le Couteau l'attaque qui a failli le tuer en 2022, dernier épisode d'une vie sous la menace depuis ses Versets sataniques.

Ce livre et l'écrivain avaient embrasé une partie du monde musulman en 1988, conduisant le fondateur de la République islamique, l'ayatollah Khomeini, à émettre en 1989 une fatwa réclamant son assassinat. Cette fatwa n'a jamais été levée.

LES ARCHIVES.

Les versets sataniques est un livre jugé blasphématoire qui a modifié la vie d'un homme, Salman Rushdie. L'archive en tête d'article, diffusée dans le journal télévisé d'Antenne 2 le 13 février 1989, montre l'ampleur de la violence à laquelle l'auteur avait dû faire face. À Bradford, en Angleterre, des Pakistanais musulmans avaient brûlé son livre sur la place publique.

Mais quels écrits pouvaient engendrer une telle sentence ? Dans Les versets sataniques, Rushdie, qui est né dans une famille musulmane, prêtait au prophète Mahomet, au cours d'un rêve, des pensées qui avaient choqué.

Le livre étant considéré blasphématoire envers l'islam, l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Indonésie, l’Égypte allaient interdire sa publication. L'ouvrage était brûlé en place publique. Des manifestations s'organisaient en Inde, au Pakistan et ailleurs. Mais le coup de grâce allait tomber le 14 février 1989. Ce jour-là, une fatwa réclamant l'exécution à mort de Rushdie était proclamée sur Radio Téhéran par l'ayatollah Khomeyni. La fatwa portait sur lui, mais également sur tout éditeur qui aurait la velléité de le publier, jusqu'au traducteur qui travaillerait sur son texte.

Né à Bombay le 19 juin 1947, Salman Rushdie quitte l'Inde à 14 ans pour vivre au Royaume-Uni. Après un premier essai de science-fiction passé inaperçu, l'écrivain accède à la notoriété en 1981 avec Les enfants de minuit pour lequel il recevra trois distinctions (James Tait Black Memorial Prize, le Booker Prize, et le meilleur Booker Prize de tous les temps). Mais pour le grand public, Salman Rushdie reste l'auteur des Versets sataniques, publié en septembre 1988. Héraut d'un style littéraire que l'on pourrait qualifier de réalisme magique, Salman Rushdie a ceci de particulier qu'il agrémente ses textes empreints de réalisme d'un soupçon de mythe et une pincée de fantaisie.

L'auteur s'est toujours défendu d'avoir voulu blasphémer l'islam et le prophète Mahomet, comme on le voit ci-dessous :

Dix ans de clandestinité

En Grande-Bretagne, l'affaire était prise au sérieux. L'écrivain sera condamné à l'exil intérieur et bénéficiera de la protection de Scotland Yard. C'était le début d'un long calvaire pour Salman Rushdie, obligé de vivre reclus. Mais il continua d'écrire, sa façon aussi de montrer que cette condamnation ne le condamnait pas au silence. Après avoir échappé à de nombreuses tentatives d'assassinats, l'écrivain sortait de la clandestinité le 25 septembre 1998, dix ans après la publication du livre. Le nouveau gouvernement iranien indiquant qu'il ne tenterait pas de faire appliquer le décret de feu Khomeiny. À Londres, où il savourait ses premières heures de liberté, « très heureux et ému ». Mais certains n'en démordaient pas, il avait insulté le prophète et pour cela il devait mourir. Jamais à l’abri du geste d'un fanatique, il bénéficiait régulièrement d'une protection policière.

Au cours de l'été 2022, en pleine conférence littéraire au bord des Grands lacs américains, au nord de New York, un homme s'est rué sur lui. Couteau à la main, il l'a poignardé à de multiples reprises, le blessant grièvement au visage, au cou et à l'abdomen. L'écrivain a notamment perdu la vue d'un oeil. L'homme qui a bouleversé sa vie est un jeune Américain d'origine libanaise, sympathisant de la République islamique d'Iran. Un rappel «brutal» de la fatwa émise par Téhéran en 1989, a déclaré le romancier en octobre 2023, lors de la foire internationale du livre de Francfort, en Allemagne.