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La colère de Marseillais dans les années 90 contre les trafics de drogue

La colère de Marseillais dans les années 90 contre les trafics de drogue

Des citoyens qui s'organisent pour alerter les autorités sur les conséquences du narcotrafic à Marseille et demander des actions, c'était déjà le cas en 1990. Point de situation en archives à l'occasion de la visite surprise sur place d'Emmanuel Macron, mardi 19 mars 2024.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 12.09.2023 - Mis à jour le 19.03.2024
Drogue Marseille - 1990 - 01:44 - vidéo
 

L'ACTU.

Le président Emmanuel Macron, en visite surprise mardi 19 mars 2024 à Marseille sur la lutte anti-drogue, a assuré que le gouvernement avait lancé une opération sans précédent contre les trafics dans la cité phocéenne et d'autres villes de France. La guerre de territoires pour le contrôle des juteux points de deal a ensanglanté Marseille comme jamais en 2023, avec 49 personnes tuées dans des narchomicides, dont quatre victimes collatérales.

La drogue à Marseille est un sujet ancien. Différentes actions locales et citoyennes ont attiré les journalistes par le passé, souhaitant illustrer les moyens mis en place pour lutter contre le fléau. Et notamment comment les habitants des quartiers où les trafics prospèrent agissaient.

L'ARCHIVE.

« Une cité HLM de Marseille veut se protéger contre la drogue. Depuis quelques jours une quarantaine d'habitants de ces HLM des quartiers nord se relaient pour filtrer l'accès de leur cité. » En mai 1990, des seringues par dizaine ne cessaient d'être retrouvées par les riverains de la cité Leduc. Ils le racontaient à la caméra d'Antenne 2, comme on peut le voir dans l'archive en tête d'article. Dans ce quartier, les consommateurs de drogue et les trafiquants se faisaient de plus en plus nombreux. La solution des habitants, en l'absence d'une réponse suffisante du pouvoir local et des forces de l'ordre : « faire la loi au pied du HLM » et empêcher l'entrée du quartier à tout inconnu. Leur message : « Ils ne veulent plus que les dealers fassent leur trafic chez eux. »

« Un barrage de fortune marque la frontière », décrivait le commentaire. À proximité, les habitants témoignaient : « La tranquillité, on ne l'a pas parce qu'il y a des enfants qui viennent s'amuser et qui ramassent par terre des aiguilles ». Maria-Dolores Rodriguez, de l'association «Touche pas à mon gosse », renchérissait : « La seule chose qui peut se faire, c'est que la police fasse une descente et qu'ils puissent les coincer ! ».

« On manifeste parce qu'on ne veut pas de la drogue dans notre cité ». Dans une seconde archive, disponible ci-dessous, les riverains poursuivaient leurs alertes : « Les caves sont défoncées, les boites aux lettres sont défoncées, pleine de drogue, le matin, je ne prends même plus mon courrier parce qu'on me le déchire pour de la drogue. On m'a cassé ma moto, ils se mettent en bas des balcons et même ils nous menacent maintenant les drogués ». Et de poursuivre : « C'est pour ça qu'on a peur et qu'on demande à la police qu'elle nous aide, à la mairie, même au maire de Marseille. Ils ne font rien. »

Et pourtant, cette solution de faire la loi eux-mêmes comportait un risque : « Nous craignons des représailles de la part des dealers ». L'initiative avait cependant essaimé : dans la cité de Castellas, dans le 15e arrondissement, puis dans le quartier du Panier, dans le centre-ville de Marseille. Le journal L'Humanité rapportait la mobilisation des proches d'un jeune homme mort d'overdose, Farah Harti : « Chaque soir, à 19 heures, derrière une banderole portant une seringue barrée, elles empêchent les dealers de vendre la drogue. Elles sont sans cesse plus nombreuses. »

Manifester pour interpeller les autorités

Une majorité de femmes s'étaient ainsi rassemblées pour manifester. « Non à la drogue, non à la drogue ! », scandait le cortège avec force, dans l'archive ci-dessous. Sa mère était dévastée : « Je ne peux plus rester à Marseille maintenant que mon fils est mort, je n'ai rien que lui et le bon dieu. » Toutes les manifestantes tentaient d'intervenir au micro de France 3 Marseille : « Il faut que tout ça cesse ! », « IIs les attrapent avec des sachets de poudre et de l'argent sur eux, une heure après, ils sont relâchés, ce n'est pas normal », « la police ne fait rien ». Et la journaliste de commenter : « En quatre mois, l'année 1990 a vu autant de mort par overdose que l'année 1989 tout entière. »

À ces demandes d'aide, Joël Canicave, président du Conseil communal de prévention délinquance, répondait par un plan d'information pour lutter contre la drogue et le sentiment d'insécurité des Marseillais. Et se disait heureux que « les gens des quartiers se mobilisent et se responsabilisent un peu », promettant des « petit pas de tous les jours » en lien, désormais, avec les habitants du quartier.

À l'époque Le Monde notait dans un reportage à la cité Leduc : « À l'intérieur des appartements, les murs sont noircis par l'humidité. L'installation électrique est défectueuse et hors normes. Ni eau chaude ni chauffage. Ajoutons un taux de chômage important et une petite délinquance qui empoisonne la vie et l'on comprend alors comment l'arrivée de la drogue a détruit ce qui restait d'un tissu social déjà terriblement dégradé. » Le journaliste soulignant ainsi un cadre de vie qui s'altérait progressivement.

Au fil des années, l'emprise du trafic sur certains quartiers de Marseille a pris de l'ampleur, jusqu'à faire, parfois, des victimes collatérales. Comme cette jeune femme du quartier de Saint Thys dans le 10e arrondissement de Marseille mi-septembre 2023. Elle s'appelait Socayna.

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