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Autorité palestinienne : Mahmoud Abbas, «un interlocuteur valable» de plus en plus effacé

Autorité palestinienne : Mahmoud Abbas, «un interlocuteur valable» de plus en plus effacé

Militant historique de la cause palestinienne, négociateur des accords d'Oslo et président de l'autorité palestinienne depuis presque 20 ans, Mahmoud Abbas a rencontré Emmanuel Macron mardi 24 octobre. Portrait en archives d'un dirigeant en perte de vitesse et de plus en plus contesté.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 24.10.2023
 

L'ACTU.

Emmanuel Macron s'est rendu en Israël mardi 24 octobre où il a rencontré le premier ministre Benyamin Nétanyahou. Ce déplacement a eu lieu dans le contexte de la guerre qui oppose l'État hébreu au Hamas depuis le 7 octobre. « La lutte doit être sans merci, mais pas sans règles, car nous sommes des démocraties qui luttons contre des terroristes, des démocraties donc qui respectent le droit de la guerre », a déclaré le président français.

Dans le même temps, Emmanuel Macron a rencontré Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne. Le président français en a profité pour encourager son interlocuteur à la « reprise d’un processus de paix » dans l’espoir de voir « deux États en capacité de cohabiter ». Au pouvoir depuis bientôt 20 ans, le dirigeant de 87 ans, architecte des accords d'Oslo, est pourtant de plus en plus contesté. Portrait en archives.

LES ARCHIVES.

« Vous n'imaginez pas à quel point le processus de paix est dynamique. » Né en 1935, Mahmoud Abbas s'est engagé dès les années 1950 dans la cause palestinienne. Il a rejoint Yasser Arafat et d'autres militants à la création du Fatah, parti politique nationaliste palestinien qui avait au départ pour objectif de lutter contre l'État d'Israël, créé en 1948. Ce parti devint quelques années plus tard, l'un des éléments principaux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), fondée en 1964.

Militant historique, donc, de la cause palestinienne, il occupa plusieurs postes importants au sein de l'OLP. C'est à cette période de sa vie qu'il reçut le surnom bien connu d'Abou Mazen. Dans les années 1990, il devint l'un des facilitateurs du dialogue avec Israël.

Architecte palestinien des accords d'Oslo en 1994

Dans l'archive de 1993 en tête d'article, on pouvait ainsi voir Mahmoud Abbas, tout sourire aux côtés de Shimon Peres, ministre des Affaires étrangères israélien et également artisan des négociations d'un accord de paix avec l'OLP. « Deux mois de négociations sont prévus pour la mise en œuvre concrète de cet accord d'autonomie », décrivait la journaliste sur France 2. Et de poursuivre : « Dès ce matin, Abou Mazen, l'homme clé de ces négociations secrètes, pouvait afficher son bonheur de discussion au grand jour ».

« Pas de doute, les progrès sont quotidiens, vous n'imaginez pas à quel point le processus de paix est dynamique, chaque jour, nous progresserons selon nos souhaits » assurait alors Mahmoud Abbas. Shimon Peres se réjouissait, lui, de discussions permettant de « trouver le bon climat pour la paix ». Ces discussions menèrent à l'historique poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin célébrant les accords d'Oslo, sur la pelouse de la Maison-Blanche, le 13 septembre 1993. Ces accords soulevaient l'espoir d'une résolution du conflit israélo-palestinien.

Le premier ministre de Yasser Arafat

Entre une seconde intifada, l'occupation par Israël de plusieurs zones de Cisjordanie et des négociations au point mort avec Yasser Arafat, rapidement, le dialogue israélo-palestinien s'enlisa. L'espoir retombait. Mahmoud Abbas, architecte souterrain des accords d'Oslo, représentait alors pour Israël et les Occidentaux la possibilité de reprendre un processus de paix. Début 2003, il était nommé premier ministre de son mentor, Yasser Arafat.

Dans l'archive ci-dessous, TF1 décryptait ainsi : « Aujourd'hui, cédant aux très fortes pressions internationales, mais aussi à celles de son entourage pour réformer l'Autorité palestinienne, son chef accepte pour la première fois la nomination d'un premier ministre précisant, sans sourire, que cette décision est la continuation de l'héritage démocratique de l'OLP. » Une accession au pouvoir pour Mahmoud Abbas, qu'il refusa de vivre comme une simple promotion. « Abou Mazen, rompu aux intrigues de palais palestiniennes, n'est pas homme à se contenter d'un rôle de simple figurant. Sa réponse définitive dépendra des pouvoirs effectifs qui lui seront accordés. »

Quand, quelques mois plus tard, Arafat et Abbas trouvaient enfin un accord, la télévision française y voyait la possibilité de reprendre le dialogue avec Israël. France 3 parlait d'un « accord in extremis qui va relancer les espoirs de paix avec les Israéliens ». Et d'aboutir « à un État palestinien en 2005 ».

Mahmoud Abbas était décrit comme « défenseur de longue date d'une résistance pacifique contre Israël », ce qui avait permis d'en faire « un interlocuteur valable pour les occidentaux et pour Israël ». Mais dans les territoires palestiniens, déjà, sa popularité n'était pas garantie, certains Palestiniens l'accusant de « faire le jeu des États-Unis ».

Il quitta son poste de Premier ministre dès septembre 2003.

Président l'autorité palestinienne depuis 2005

À la mort de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas resta un successeur désigné. Voilà comment TF1 annonçait la nouvelle : « C'est donc sans surprise que le chef de l'OLP Mahmoud Abbas a remporté l'élection présidentielle palestinienne avec plus de 62 % des voix. Dès hier soir, il a dédié sa victoire à son prédécesseur Yasser Arafat ».

Le tout nouveau chef de l'Autorité palestinienne s'engagea à lutter pour la création d'un État dont Jérusalem serait la capitale. Un regain d'espoir en une solution pacifique au conflit israélo-palestinien semblait se dessiner. Dans le reportage ci-dessous, un Palestinien disait : « J'ai confiance en Mahmoud Abbas, ça va changer, j'ai confiance surtout en la libération des prisonniers et puis un jour, on aura notre État. » Et le journaliste de prévenir d'une déception qui pourrait être à la hauteur de l'espoir suscité et d'un « retour à la violence inéluctable ».

Un mois plus tard, Mahmoud Abbas rencontrait le Premier ministre Ariel Sharon dans un sommet à Charm el-Cheikh en Égypte. Ils proclamaient alors un cessez-le-feu.

Malgré un dialogue rétabli, les autres organisations opérant en territoires palestiniens, dont le Hamas, ne respectèrent pas le cessez-le-feu. Et en 2006, l'organisation islamique remportait les élections législatives. La situation politique interne aux Territoires palestiniens se fit d'autant plus complexe. À partir de 2007, avec la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza, le Fatah de Mahmoud Abbas n'imposa plus son autorité qu'en Cisjordanie.

Un dirigeant en perte de légitimité

Depuis sa prise de pouvoir, Mahmoud Abbas se maintient au pouvoir, écarte ses concurrents, et reporte les élections. En 2009, il était reconduit à son poste indéfiniment et en 2014, un accord avec le Hamas tentait de mettre fin aux luttes d'apaiser le conflit en Palestine. En vain.

L'une de ses dernières victoires fut la reconnaissance en 2012 de la Palestine comme État observateur à l'ONU. Dans l'archive ci-dessous, même à Gaza, le président de l'Autorité palestinienne était célébré, son discours applaudi. Pour autant, dans ce reportage, le porte-parole du Premier ministre israélien appelait à de vraies discussions de paix et dénonçait un spectacle de la part des Palestiniens à l'ONU.

En octobre 2023, plusieurs médias français ont rapporté combien Mahmoud Abbas est contesté, voire accusé de proximité avec l'État d'Israël qui poursuit une colonisation en Cisjordanie. Une contestation qui était donc déjà présente avant l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier. Face à Emmanuel Macron mardi 24 octobre, Mahmoud Abbas a dit regretté que la solution à deux États ait été « remplacée par l’annexion, le nettoyage ethnique et l’apartheid ». Et d'appeler, une nouvelle fois, à une « conférence internationale de paix ».

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