Le 14 mars au soir, en plein journal télévisé, la journaliste russe Marina Ovsiannikova a brandi un panneau contre la guerre en Ukraine. Pour ce geste, elle risque jusqu’à 15 ans de prison. Cette censure des médias s’est accentuée sous la présidence de Vladimir Poutine.
2001, Vladimir Poutine est au pouvoir depuis quelques mois seulement. Et déjà, une chaîne de télé indépendante, NTV, est dans son collimateur : sa ligne éditoriale, critique et satirique envers le Kremlin, ne plaît pas au chef de l’Etat, comme l'explique Gregory Kritchevsky, directeur de la rédaction NTV : «Si on dit la vérité sur la corruption, la Tchétchénie, alors le Kremlin pense que c’est de la critique. Mais nous, on informe les gens, c’est tout !». NTV passe sous le contrôle de l’Etat en 2001. Dans les médias, le pouvoir est omniprésent, ou presque. Partout, c’est une chasse aux sorcières qui démarre. En 2004, Alexeï Venediktov, rédacteur en chef de Echo de Moscou, témoigne : «Les gouverneurs pratiquent la même méthode que le président, les maires aussi. On pratique l’autocensure. Les journalistes ont peur de perdre leur travail, c’est tout.»
La répression est massive. Certains journalistes sont quotidiennement menacés. Et ça peut aller beaucoup plus loin… Gare en effet à ceux qui critiquent l’entourage de Vladimir Poutine, et les fortunes parfois douteuses des oligarques russes. En 2004, le journaliste américain d'origine russe Paul Klebnikov expliquait les motivations de son travail : «Nous voulions introduire plus de transparence dans ce milieu opaque, toute cette économie parallèle.» Le 9 juillet 2004, il est tué à Moscou, à cause de ses enquêtes. «Une voiture aux vitres fumées suivait le journaliste. Le chauffeur a baissé la vitre et a tiré plusieurs fois sur lui», explique en 2004 Svetlana Petrenko, vice-procureur de Moscou.
«Ils ont tué notre âme»
Deux ans plus tard, en 2006, nouvel assassinat d’une journaliste. La Russe Anna Politkovskaïa est tuée à Moscou. Elle aussi était très critique envers la politique menée par Vladimir Poutine. La journaliste avait déjà été victime d’une tentative d'empoisonnement en 2004.
C’est une nouvelle mise en garde du Kremlin. Sa consoeur Anna Sadovnikova, journaliste, témoigne en 2006 : «C’est une nouvelle dévastatrice pour nous les journalistes. Ce qui est clair, c’est que nous maintenant nous pouvons être moins ouverts sur ce que nous pensons et ressentons.»
2008, Vladimir Poutine n’est plus au pouvoir. Dmitri Medvedev est le nouveau chef de l’Etat. Mais les assassinats de journalistes se poursuivent.
En 2009, la journaliste ukrainienne Anastasia Babourova est assassinée. Tout comme Natalia Estemirova. Cette journaliste et militante russe des droits de l’homme est sauvagement assassinée en Russie. Pour Oleg Orlov, président de l’ONG «Memorial», «elle était l’âme de notre travail, de notre organisation. Ils ont tué notre âme. Je ne sais pas comment nous allons travailler maintenant. Nous allons devoir réfléchir après cette tragédie terrible.» Depuis, d’autres journalistes opposés à la politique de Vladimir Poutine sont morts assassinés.
En 2021, la Russie occupait la 150e place sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse. Un chiffre publié par l’organisation non gouvernementale Reporters Sans Frontières.