Lait cru contre lait pasteurisé, le débat remonte en réalité à plusieurs décennies. En 1977, un reportage pointait déjà du doigt la concurrence entre les deux productions, mettant en garde contre la marginalisation de la fabrication à base de lait cru.
« Dans cette fromagerie de la vallée d’Auge, on continue la tradition du véritable camembert de Normandie, fait à partir de lait cru, moulé à la louche, et affiné en cave. Mais ce fromage qui nécessite du temps, de la main d’œuvre et du doigté, a deux défauts pour les tenants du modernisme. D’une part il se conserve moins bien, ce qui ne fait pas l’affaire des libre services et des grandes surfaces, d’autre part il revient plus cher que le camembert fabriqué industriellement à partir d’un lait pasteurisé. Le vrai camembert est en train de disparaître et il ne représente plus que 8 à 10 % des quelques deux millions de camemberts fabriqués chaque jour à la chaîne. »
Et pour Madame Courtonne, productrice, la différence entre les deux recettes était évidente : « Il y a dans le camembert fermier un goût de terroir qu’on ne trouve pas dans les camemberts industriels . La fabrication fermière est faite avec des choses naturelles et les bestiaux nourris avec des choses naturelles […] un bon lait de ferme est encore ce qu’il y a de meilleur. »
La situation du marché du camembert était en fait plus complexe à décrypter pour le consommateur puisqu'elle dépassait largement le seul choix entre lait cru et lait pasteurisé. Le reportage faisant état de pas moins de cinq catégories de camembert différentes, entre les simples « imitations », les camemberts produits en « Poitou-Charentes ou en Alsace », les simples « camemberts de Normandie », ceux désignés par le label rouge comme des « véritables camemberts de Normandie » mais pouvant être « soit au lait cru soit au lait pasteurisé », et enfin, le « véritable camembert fermier, d'autant plus véritable qu'il est fabriqué à Camembert ». A base de lait cru, il s'entend.