En 1945, la classe populaire est bien présente à l’Assemblée Nationale. Au total, 65 ouvriers parmi 522 députés, une proportion qui restera un record. Mais rapidement, les ouvriers sont moins nombreux sur les bancs de l’Assemblée. Pourtant en 1967 la représentativité sociale semblait cruciale pour ce député : « Je crois que le fait d’avoir dans une assemblée des personnes provenant d'activités et de professions différentes est extrêmement important parce que chacun fait bénéficier les autres de son expérience, et cela me paraît essentiel. »
A la place des ouvriers : des fonctionnaires, des cadres et autres professions libérales s’installent à l’Assemblée. De quoi susciter la critique d'un journaliste de l’Humanité, en 1972, face à Robert Boulin, ministre Délégué auprès du Ministre chargé des relations avec le parlement : « Vous pensez que les députés de votre parti UDR qui compte plus de 60 administrateurs de société sont représentatifs vraiment de la nation ? la composition sociale de la nation parce que faut bien en rappeler que ces administrateurs de société appartiennent à une certaine classe qui appartiennent à l’argent alors est ce que vous pensez que vous êtes représentatifs de ce point de vue de la nation ? » Pour le ministre, au contraire, seul compte le choix des électeurs : « Je crois bien que c’est le peuple qui a élu ces députés alors qu’ils aient pris un directeur de société, un ouvrier ou un fonctionnaire, ça c’est le choix des électeurs. »
En bleu de travail à l'Assemblée
Les élections s'enchaînent et la classe populaire disparaît lentement de l’Assemblée. Même dans les années 80, alors que la gauche est au pouvoir, la chute du nombre d’ouvriers continue. Ils étaient 22 députés en 1981, 19 députés ouvriers en 1986 et 11 en 1988. Les raisons de ce changement ? Le parti communiste s’effondre un peu plus à chaque législative, le PS s'embourgeoise. Alors quand un ouvrier fait son entrée à l’Assemblée nationale en 1997, ça devient un événement. Patrice Carvalho, député PCF de l'Oise entre 1997 et 2002 commente ainsi son arrivée dans l'hémicycle : « L’idée vient surtout des gens avec qui je travaille, qui m’ont dit : "il faut que tu montres que tu représentes le monde ouvrier et ça serait bien que pour la première séance tu y ailles en bleu de travail !" j’ai accédé à leur demande!»
En 2012, retour du parti socialiste : un seul député ouvrier sur 577 prend place dans l'Assemblée. 2017, sonne le glas : plus aucun ouvrier dans l'hémicycle. C’est une première depuis 1946. Pourtant, l’Assemblée nationale comptait 75% de nouveaux députés : 0% d’ouvriers à l’Assemblée nationale en 2017 alors qu’ils représentent 20% des Français. En revanche, 76% de cadres et de professions intellectuelles alors qu’ils représentent 17,1% de la population.
