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Dans quelle circonstance un policier peut-il faire usage de son arme ?

Dans quelle circonstance un policier peut-il faire usage de son arme ?

Le 27 juin à Nanterre, Nahel M., un jeune homme de 17 ans, a été tué par le tir d'un policier. Au volant d'une voiture, il avait refusé d'obtempérer lors d'un contrôle. L'usage des armes par les policiers revient au centre des débats. Depuis 2017, la loi les autorise à faire usage de leurs armes. Retour sur cette évolution souvent critiquée.

Par Florence Dartois - Publié le 30.06.2023
 

LE CONTEXTE.

Depuis la loi du 28 février 2017, le code de la sécurité intérieure prévoit que les policiers, comme les gendarmes le pouvaient déjà, peuvent faire usage de leurs armes en cas d'« absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ». Depuis les attentats de 2015, les policiers manifestaient chaque semaine pour réclamer une loi sur la légitime défense. Le 21 décembre 2016, leur demande était entendue, comme l'explique l'archive en tête d'article, extraite du 13 heures de France 2.

L'ARCHIVE.

Le matin même, un projet de loi sur la légitime défense était présenté en Conseil des ministres. Dans la conférence de presse qui suivait, Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, revenait sur la genèse de cette décision, expliquant qu’il était question de donner les mêmes droits aux policiers qu’aux gendarmes : « les policiers n’avaient pas les mêmes règles d’utilisation de leurs armes que les gendarmes en cas de légitime défense, donc on harmonise l’ensemble des dispositions pour permettre d’avoir les décisions les plus rapides face à des risques. »

Avant cette réforme, les forces de l'ordre étaient soumises à la loi sur la légitime défense, comme n'importe quel citoyen, précisait le commentaire, ajoutant que leur riposte devait être « nécessaire », « proportionnée à menace » et « simultanée à l’attaque ». Pour tirer, ils devaient auparavant attendre que l’assaillant attaque le premier. Avec cette loi, le policier pourrait désormais utiliser son arme si les « somations restaient sans effet, pour défendre une zone ou pour immobiliser un véhicule ».

Les syndicats de police se déclaraient satisfaits, à l’image de Frédéric Lagache, du syndicat de police Alliance, se félicitant de cette notable évolution, notamment sur un point capital : « Nos collègues pourront être en sécurité juridique et administrative, ça lèvera un poids énorme », en l’occurrence en supprimant « l’appréhension de tirer. », précisait-il.

Le 28 février 2017, le code de la sécurité intérieure détaillait dans quelles circonstances les policiers et les gendarmes pouvaient dorénavant faire usage de leurs armes, notamment lorsque des atteintes à la vie ou l'intégrité physique sont portées contre eux. La difficulté du texte de loi résidant dans l’interprétation des notions d'« absolue nécessité » ou de « menace ».

Les forces de l'ordre s'équipent

En juin 2017, F3 Champagne-Ardennes se rendait à la police municipale de Reims qui venait de recevoir des armes. Les agents de la ville étaient maintenant autorisés à porter une arme à feu dans le cadre de leur service. Une mesure votée par la municipalité, suite aux attentats terroristes de 2015, mais également en raison de l'évolution des situations auxquelles ces agents étaient confrontés sur le terrain expliquait Arnaud Robinet, le maire LR de Reims.

Pour Fabrice, un agent, cette avancée était indispensable : « Pour notre sécurité et celle des usagers, il fallait à tout prix qu’on passe par là », déclarait-il serein.

Les fonctionnaires concernés avaient bénéficié de 9 jours de formation. Ils avaient notamment subi une expertise cognitive et psychologique au maniement des armes, pour mesurer leur « capacité à intégrer la relation à la violence et au port de l’arme », précisait le directeur de la police municipale de Reims. Pour l'heure, ils étaient 46 sur 108 à être équipés d'un revolver, dont l'utilisation était encadrée par la loi et restreinte au cas de légitime défense.

Augmentation de l'usage des armes

Le 27 juin 2018, dans son bilan annuel, et dans une volonté de transparence, l'Inspection générale de la police nationale dévoilait un rapport sur l’augmentation de l’usage des armes par les policiers depuis 2017. Comparé à 2016, la hausse était très nette et cela valait pour toutes les catégories d'armes : + 20% pour les tasers, + 46% pour les flash-ball, la hausse était même de 54% pour les pistolets.

Sur le plateau du 20 heures de France 2, Anne-Charlotte Hinet expliquait que cela venait de l’augmentation des chauffards ! Selon l'IGPN, déclarait la journaliste, « 1/3 des tirs de pistolets concernent des véhicules en fuite (...) et c'est vrai, les refus d'obtempérer lors des contrôles policiers sont en hausse, + 10% par rapport à 2016», ajoutait-elle. La deuxième raison avancée était l’assouplissement de la loi évoquée plus haut, « les policiers sont désormais habilités à utiliser leurs armes et à tirer, quand une voiture leur fonce dessus sur un barrage par exemple », precisait-elle.

Autre nouveauté, pour la première fois, l'IGPN révélait combien de personnes étaient mortes lors d'interventions de la police. « 100 blessés et 14 morts parmi les civils lors d'interventions de police. C'est le bilan de l'année, et attention ce recensement n'est pas celui des bavures policières ! Parmi ces décès, 4 étaient des suicides, une grosse partie étaient des terroristes abattus par la police. Avant ou après leurs passages à l'acte », concluait Anne-Charlotte Hinet.

Polémique autour de l'usage des armes

Quelques jours plus tard, le 4 juillet 2018, la mort d’un jeune homme tué par un policier déclenchait une controverse. La veille au soir, des violences avait eu lieu à Nantes. Lors d'un contrôle de police qui avait dégénéré, un jeune homme de 22 ans, touché par balle, était mort. Une enquête était en cours pour connaître les positions et comportements précis des policiers et de la victime. Selon les forces de l'ordre, l'homme tentait d'échapper au contrôle lorsqu'il avait percuté avec son véhicule un agent qui avait ouvert le feu.

Ce soir-là, le journal de 20 heures de France 2 revenait sur les règles d’usage des armes par les policiers. Jean-Baptiste Marteau expliquait quelles étaient les conditions dans lesquelles un policier pouvait ouvrir le feu. La loi précisait bien qu’il existait cinq situations de légitime défense :

- Lorsque sa vie ou celle d'autrui est menacée

- Après un meurtre ou une tentative de meurtre

- Lorsqu'un suspect tente de s'échapper

- Pour arrêter un véhicule en fuite

- Pour défendre un bâtiment qui serait attaqué

Mais ajoutait-il, « pour que la légitime défense soit légale, il faut qu'elle s'accompagne de deux conditions : avoir fait deux sommations à haute voix. Par exemple le policier doit ordonner clairement au suspect de s'arrêter. Et puis deuxième condition, que la riposte soit proportionnelle à la menace »

Le journaliste soulignait que depuis l’entrée en vigueur du texte de loi de 2017, le comportement des policiers avait changé, « à la lecture du rapport de la police des polices publié la semaine dernière [évoqué dans l’archive précédente], l'usage de leur pistolet automatique a par exemple augmenté de 54% entre 2016 et 2017 ».

Utilisation des armes par les policiers
2018 - 01:11 - vidéo

Selon les sources officielles, en 2021, 27.700 refus d'obtempérer ont été recensés. Une hausse de 50 % en 10 ans. Sur ce chiffre, 5247 refus d'obtempérer « avec risque de mort ou de blessures » ont été recensés, selon la Sécurité routière. Une hausse de 88 % depuis dix ans.

Au total, en 2021, 201 tirs de policiers et de gendarmes ont été effectués pour stopper ces refus d'obtempérer. Soit une ouverture de feu dans 0,76 % des cas. En 2022, 13 personnes ont perdu la vie dans ces circonstances.

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