Aller au contenu principal
À la découverte du métier de conducteur d'autobus au temps des machinistes

À la découverte du métier de conducteur d'autobus au temps des machinistes

Dans un contexte de pénurie d’effectifs, la RATP a annoncé le 20 février 2023 son intention de lancer une campagne de recrutement. Pénibilité, absentéisme, démission... Le métier n’attire plus, bien que les conditions de conduite se soient améliorées. Mais à quoi ressemblait le métier de machiniste autrefois ? Réponse en archives.

Par Florence Dartois - Publié le 21.02.2023
Les nouveaux bus parisiens - 1971 - 04:58 - vidéo
 

L’ACTU.

La RATP a lancé une campagne de recrutement d’envergure. La régie parisienne de transport compte embaucher 6600 personnes en Île-de-France en 2023, dont 4900 en CDI. Du jamais vu ! Une démarche qui s’inscrit dans la perspective de la Coupe du monde de rugby 2023 et des Jeux olympiques 2024. Des problèmes de sous-effectif ont conduit à une dégradation du service sur plusieurs lignes de bus et de métro. L’entreprise dirigée par Jean Castex, l’ancien Premier ministre, s'est aussi donné l’ambition de féminiser ses effectifs.

Manque d'attractivité, pénibilité, la profession n'attire plus et l'entreprise doit faire face à une vague d'absentéisme et de démissions. L'ambiance était bien différente autrefois, comme vous allez le découvrir dans l'archive en tête d'article.

L’ARCHIVE.

Au début des années 1970, la RATP engage un processus de modernisation du matériel roulant et décide de retirer de manière définitive les vieux autobus parisiens à plateformes. Le dernier voyage se déroule le 22 janvier 1971, avec le retrait des dernières voitures de la ligne 21 (Gare Saint-Lazare - Porte de Gentilly). Comme souvent, la télévision se déplace pour filmer l’ultime trajet. L’archive en tête d’article est un extrait du reportage réalisé ce jour-là par le magazine « Rond-Point ».

C'est une révolution, car ces bus munis d'une plateforme à l'air libre à l'arrière, circulaient depuis 1911. Ils avaient signé en leur temps la fin des omnibus à traction animale, (le dernier omnibus à cheval a été retiré du service le 12 janvier 1913). C'était à leur tour de céder la place à de nouveaux bus modernes, fermés, plus faciles à conduire.

Les images de 1971 nous plongent dans le dernier autobus en circulation. À bord, les passagers étaient déjà nostalgiques de cet autobus ouvert aux quatre vents, qui rythmait leurs déplacements. Banquettes en bois rudimentaires, larges baies vitrées... Les passagères interrogées regrettaient la disparition de ces grandes ouvertures permettant de profiter du spectacle de la rue. Mais ce qui attristait les usagers, c’était surtout la disparition de la fameuse plateforme arrière, où il faisait si bon prendre un bol d’air lorsque le soleil illuminait la ville.

Les usagers n'étaient pas les seuls à déplorer cette disparition. Une fois le service terminé, les conducteurs et receveurs confiaient également leur regret de devoir abandonner leur bonne vieille plateforme, où l’on pouvait « fumer tranquillement », ou éventuellement sauter en marche lorsqu'on était « un usager retardataire ».

L'évolution du métier de machiniste

La suite du reportage revenait sur l'histoire de ces bus à plateformes à travers le témoignage d'un ancien machiniste. Pour Monsieur Hedde, ce furent de belles années remplies « d'aventures ». Le retraité avait parcouru une distance égale à « vingt fois le tour de la terre » dans ces véhicules !

Assis dans un bus aux côtés d’un jeune collègue, ce vétéran du bitume parisien racontait avec vivacité ses longues années de service qui avaient débutées bien avant la Première Guerre mondiale. Cet ancien conducteur avait connu l’arrivée des pneumatiques, « à la suite d’une campagne de presse » qui avait ironisé sur le fait « que les cochons étaient mieux transportés que les Parisiens », se souvenait-il.

Monsieur Hedde confiait aussi qu’il avait connu les embouteillages d’avant 1921, une époque où il n’existait pas encore de sens uniques à Paris. Sur des images d’archives d’avant-guerre illustrant ses propos, l’ancien conducteur évoquait la circulation dans les rues de la capitale où se mêlaient, omnibus à chevaux, tramways et premières tractions-avant.

L’ancien chauffeur évoquait ensuite l’arrivée des « autobus Renault de type PN » en 1929. Un progrès, selon lui : « il était petit et il n’y avait que 36 places, autant que je m’en souvienne et il se conduisait comme un taxi ». En 1939, les véhicules de la RATP avaient été mobilisés pour « amener les troupes sur le front » relatait-il. Le retraité racontait comment le service avait pu continuer, à partir de mai 1940, grâce à des « autobus à gaz », utilisés faute d’essence : « on a mis un immense ballon sur les toits d’autobus qu’il fallait rentrer au dépôt deux ou trois fois chaque jour, pour le remplissage, pour alimenter le moteur », ajoutait-il.

Le vieil homme décrivait ensuite des progrès des véhicules, avec l'avènement du chauffage, des automatismes, de la maniabilité, « le volant assisté, le cerveau-frein et surtout l’embrayage automatique », autant d’innovations qui simplifiait la conduite, et pas seulement celle des hommes. Monsieur Hedde, au fait de l'évolution du métier, ajoutait que le progrès bénéficiait à présent aux femmes, leur permettant « de conduire ces gros autobus modernes aussi facilement que celles qui conduisent un taxi ».

Les femmes prennent le volant dans les années 1960

L’archive proposée ci-dessous présente justement l’une des pionnières à conduire un autobus. Il s’agit d’un extrait du magazine « Aujourd’hui madame » diffusé en mai 1972. À l’époque, il y avait 176 femmes « machinistes » à la RATP. Ce reportage suit Madame Martin, conductrice d'autobus sur la ligne 27 à Paris. Au cours de son trajet, la jeune femme racontait pourquoi elle avait choisi de se reconvertir (elle était receveuse). Elle décrivait sa formation, ses relations avec ses collègues masculins...

L’interview de la conductrice était présentée en alternance avec celle d’un responsable de la RATP donnant des précisions sur les modalités de recrutement des femmes, instauré dès 1957 et mis en place en février 1961. Il rappelait notamment que pendant la guerre 14, les femmes avaient remplacé avec succès les hommes partis sur le front à la conduite des tramways et des bus.

Dans cette autre archive, la jeune femme abordait les difficultés du métier, déjà bien présentes : les risques d’accidents, le stress lié à la circulation, aux embouteillages, aux horaires et aux taxis, qu'elle qualifiait ironiquement de « cochons qui ne font pas de cadeaux ! ». Quelques passagers donnaient également leur avis plutôt sympathique sur cette conductrice « très concentrée sur sa route ».

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.