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L'affaire Mis et Thiennot : une «bagarre pour obtenir justice» depuis 1950

L'affaire Mis et Thiennot : une «bagarre pour obtenir justice» depuis 1950

La Cour de révision et de réexamen a été saisie de l'affaire Mis et Thiennot, du nom de ses deux hommes condamnés il y a 73 ans pour un meurtre, dont ils se sont toujours dit innocents.

Par la rédaction de l'INA avec AFP - Publié le 06.10.2023
 

La Cour de révision et de réexamen a été saisie jeudi 5 octobre 2023 de l'affaire Raymond Mis et Gabriel Thiennot, trois quarts de siècle après le meurtre d'un garde-chasse en 1946 pour lequel les deux hommes, aujourd'hui décédés, clamaient leur innocence.

À l'annonce de la décision de la commission d'instruction, qui était chargée de statuer sur cette 7e demande en révision, Thierry Thiennot, l'un des fils de Gabriel, a pleuré de joie. «La commission nous a donné satisfaction sur l'ensemble de nos demandes, et a donc saisi la Cour de révision», s'est félicité l'un des avocats des familles, Me Jean-Pierre Mignard.

En juillet 1950, Raymond Mis et Gabriel Thiennot avaient été condamnés à 15 ans de travaux forcés au terme d'un troisième procès pour le meurtre de Louis Boistard, garde-chasse retrouvé mort le 31 décembre 1946 (ou le 1er janvier 1947 comme il est dit dans l'archive en tête de cet article) dans un étang de Saint-Michel-en-Brenne (Indre). Âgés de 21 et 20 ans au moment des faits, les deux jeunes chasseurs avaient avoué le meurtre début 1947 avant de se rétracter. Ils n'avaient ensuite jamais cessé de clamer leur innocence, dénonçant de graves sévices subis au cours de leurs neuf jours de garde à vue.

Les deux hommes avaient été graciés en 1954 par le président René Coty, mais cette grâce ne vaut pas annulation de leur condamnation.

Raymond Mis et Gabriel Thiennot sont décédés respectivement en 2009 et 2003 après un long combat contre ce qu'ils estimaient être une «erreur judiciaire», poursuivi à leur mort par leurs proches et les avocats des familles soutenant toujours que leurs aveux avaient été obtenus sous la torture.

Vers une réhabilitation à titre posthume ?

Depuis 1980, six précédentes demandes en révision avaient été déposées, toutes rejetées. Mais un amendement de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, votée en 2021, permettant d'annuler des aveux recueillis «à la suite de violences exercées par les enquêteurs», a rebattu les cartes.

«La commission a expressément indiqué oralement que, tant Raymond Mis que Gabriel Thiennot avaient subi des violences, et que ces violences avaient eu pour conséquence des aveux», a indiqué Me Pierre-Emmanuel Blard, second avocat des familles. Ces violences sont notamment clairement détaillées dans les archives.

La Cour de révision se réunira à une date qui reste à préciser. Seule cette dernière peut annuler les condamnations de Raymond Mis et Gabriel Thiennot et ainsi «décharger leur mémoire», c'est-à-dire les réhabiliter à titre posthume.

La Cour de révision et de réexamen

La révision d’une décision pénale définitive peut être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit lorsque, après une condamnation, un fait nouveau se produit ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès est révélé.

Il est nécessaire que ces éléments d'information inédits soient de nature à établir l’innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. C'est la Cour de cassation qui statue en qualité de Cour de révision et de réexamen, après avoir été saisie sur commission d'instruction. La Cour de révision et de réexamen statue par un arrêt motivé non susceptible de recours.

Les révisions de condamnations criminelles sont très rares en France : seules une dizaine de requêtes ont abouti depuis 1945, dans des affaires de meurtre ou de viol.

Patrick Dils, condamné à la perpétuité en 1989 pour le meurtre de deux enfants en 1986 à Montigny-lès-Metz (Moselle), puis après révision à 25 ans de réclusion en 2001, avait été finalement acquitté en appel en 2002 après avoir passé 15 ans derrière les barreaux.

Marc Machin, condamné à 18 ans de réclusion pour le meurtre d'une femme en 2001 au pont de Neuilly (Hauts-de-Seine), avait été acquitté au terme d'un troisième procès en 2012 après annulation de sa condamnation. Il avait déjà purgé sept ans de prison ferme.

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