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La Camargue, du temps où les flamants voyaient encore la vie en rose

La Camargue, du temps où les flamants voyaient encore la vie en rose

La montée du niveau de la mer menace les flamants roses en Camargue. Une étude scientifique parue le 16 mai 2024 annonce qu'à l'horizon 2100, un tiers des zones humides côtières méditerranéennes seront submergées, le parc naturel régional de Camargue ne fera pas exception.

Par Florence Dartois - Publié le 21.05.2024
 

L'ACTU.

Une étude publiée le 16 mai 2024 dans la revue britannique Conservation Biology alerte sur les conséquences du réchauffement climatique en Méditerranée d'ici à 2100. En se basant sur les travaux du Giec, une équipe internationale de scientifiques a modélisé la submersion marine pour 938 sites côtiers du pourtour méditerranéen et a déterminé 320 zones humides côtières qui pourraient disparaître sous les eaux. Parmi elles, le parc naturel régional de Camargue qui représente la plus grande zone humide française.

Pour la première fois, une étude s'est intéressée au sort de 150 espèces d’oiseaux vivant ou fréquentant cette zone côtière. Ses conclusions sont sans appel comme l'a expliqué Fabien Verniest, auteur principal de cette recherche coordonnée par le Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Muséum national d’histoire naturelle, CNRS, Sorbonne Université et l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat) à Libération : « Même dans le scénario climatique le plus optimiste (44 cm de hausse du niveau marin) plus d’un tiers des zones étudiées seront partiellement ou entièrement submergées par la mer d'ici à la fin du siècle (...) On ne s’attendait pas à un tel chiffre. »

Ainsi les espèces vivant dans ces zones humides vont peu à peu perdre leur habitat. Les pires projections estiment la montée des eaux entre 44 cm et 1,61 mètre dans ce périmètre. Ce qui serait catastrophique pour certaines espèces fréquentant les vasières tels l'avocette élégante dont les échasses courtes ou le canard siffleur qui ne peut pas survivre en eau profonde, mais également l'emblématique flamant rose, cet oiseau migrateur, haut sur patte, venu d’Afrique et qui, chaque hiver, prend ses quartiers en Camargue. La présence de cet échassier a connu des hauts et des bas, notamment à cause de l'augmentation de la présence humaine, de la pollution, du tourisme et même de l'apparition des rizières. Mais la création du parc naturel régional en 1970 a permis de protéger durablement ses effectifs.

Protection de la nature en Camargue
1970 - 00:00 - vidéo

Visite de la réserve camarguaise en 1970. Un reportage tout en images, sans commentaire.

LES ARCHIVES.

Nos archives font la part belle aux flamants roses. Les volatiles ont fasciné la télévision bien avant que la couleur n'apparaisse sur le petit écran. Leur magie donnait déjà, aux speakers de l'époque, le goût des envolées lyriques qui seules étaient capables de décrire aux spectateurs la féérie émanant de ces échassiers voyageurs. La description de leur silhouette élancée et de leur plumage, offrant un camaïeu de rose acquit grâce à la consommation de crustacés, constituait un exercice journalistique. À l'image de l'archive ci-dessous, un bel exemple de reportage (en noir et blanc) diffusé en novembre 1956 dans le journal télévisé de « Provence Actualité », dans lequel Axel Toursky digressait sur la faune camarguaise, ses chevaux, ses aigrettes et ses incontournables flamants « au bec aussi long que la cigogne » qui « voient la vie en rose ».

Nous approchons des sommets de la poésie, un vrai plaisir jubilatoire, lorsque le journaliste décrivait l'étang de Vaccarès, silencieux et trouble, qui contrastait avec les lignes épurées des oiseaux « au cou svelte où posent d'étranges triolets ». Un échassier qu'il comparait volontiers à un académicien. Voici pourquoi.

La faune en Camargue
1956 - 00:00 - vidéo

Un volatile fascinant, mais très « plan-plan »

Il faut attendre les années 1970 pour qu’enfin la télévision dévoile la couleur teintée du plumage de ces beaux oiseaux. Chaque année, ces migrateurs venus d'Afrique élisaient domicile en Camargue, leur lieu de villégiature privilégié. L'archive disponible en tête d'article est un reportage couleur diffusé dans le magazine « Les animaux du monde » de juillet 1976. Il dévoile le quotidien des flamants roses dans les vasières peu profondes des eaux salées camarguaises. Un environnement décrit comme peu accueillant mais où les échassiers trouvaient leur bonheur et filaient le parfait amour.

De magnifiques images dévoilent de vastes marais protégés par les dunes et transformés en réserve naturelle, depuis 50 ans déjà, par la Société de Protection de la nature sur des territoires appartement aux compagnies exploitant le sel, expliquait le commentaire. La réserve est devenue un parc naturel en 1970. Il s’étend entre les deux bras du Rhône sur plus de 100 000 hectares, couvrant 75 km de façade maritime méditerranéenne que le risque de submersion menace à l'avenir.

Alain Reille dressait ensuite un portrait du volatile en évoquant sa façon de s'alimenter et sa gestuelle si étonnante : « Il n'y a pas de végétation là où se nourrissent les flamants et bien peu d'oiseaux d'autres espèces sont capables de trouver leur subsistance dans cette vase putride. Les végétaux, ils sont microscopiques, de même que la plupart des animaux, petits crustacés, mollusques, minuscules... Ce sont pourtant eux, dont se nourrissent les flamants en soulevant la vase par leur piétinement, puis en filtrant avec leurs curieux becs garnis de lamelles qui retiennent les matières organiques lorsque l'oiseau d'un coup de langue chasse l'eau et le sable qu'il a absorbé. Le bec sert aussi de charrue pour draguer la vase alors que l'oiseau tourne sur lui-même, dessinant un cercle sur le fond des marais. »

Le reportage décrivait des oiseaux grégaires, vivant en groupe, et dont les cris et gazouillis rappelaient « étrangement ceux des hommes ». Les longs plans montraient certains instants privilégiés de leur vie quotidienne, routinière à bien des égards : « manger, dormir et aussi faire sa toilette ». C'était un point essentiel de leur routine, car il était important, pour le flamant qui vit constamment dans l'eau, d'imperméabiliser son plumage en s'enduisant d'une graisse spéciale.

La dernière partie de ce portrait attachant était consacrée aux étranges nids de boue séchée que les couples plaçaient toujours à proximité immédiate de l'eau « saumâtre, » pour protéger les œufs en cas de montée des eaux. « Encore faut-il que celle-ci ne soit pas trop forte, précisait le journaliste, dont le commentaire fait étrangement écho avec l'annonce des scientifiques. Il ajoutait que c'était sur « ce cône tronqué » que les parents s'alterneraient, pendant un mois, « pour couver l'œuf unique du couple, tandis que l'autre conjoint gagnera les zones de nourrissage avant d'assurer lui-même à nouveau l'incubation. » Bref, des parents modèles !

Déjà menacé

Ce beau portrait ne doit pas faire oublier que les flamants roses étaient déjà menacés dans les années 1970. Mais les menaces étaient différentes de celles évoquées aujourd'hui. On ne parlait pas de montée des eaux, mais des nuisances générées par le sur-tourisme aux alentours des Saintes-Maries-de-la-Mer, mais surtout de la pollution provoquée par le port pétrolier et la zone industrielle de Fos-sur-Mer (hauts-fourneaux, pétrochimie etc.), de l'autre côté du Rhône et de ses rejets et déchets nocifs. Dans l'archive ci-dessous, Freddy Tondeur, un documentariste passionné de cette région, décrivait à François de La Grange, le producteur des « Animaux du monde », les conséquences des retombées de ces industries dans les marais et le risque d'asphyxie des eaux, privant la faune, en particulier les flamants roses de leur micro-nourriture. Son témoignage est illustré d'images extraites de l'un de ses documentaires sur place.

Camargue : les flamants roses
1977 - 00:00 - vidéo

« La seule cause réelle de rupture de l'équilibre naturel, c'est généralement l'homme par ses actions irréversibles... »

La pépite de dernière minute

Reportage dans une famille d'Hyères qui avait adopté un flamant rose femelle, prénommée Nina, en 1985. L'histoire ne nous dit pas si la majestueuse (et capricieuse) Nina a retrouvé son marais...

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