La guerre d'algérie : Jacques Soustelle et l'état d'urgence
Jacques Soustelle : « Je suis arrivé à Alger, et on m?a dit à ce moment-là qu?il fallait qu?un gouverneur général civil, bien entendu, se présente revêtu d?un uniforme, soit la jaquette, le pantalon rayé, le col cassé, la cravate plastron et le chapeau haut-de-forme. Je me suis muni de tous ces accessoires et c?est dans cette tenue que je suis arrivé à Alger. Le temps et l?accueil étaient frais. Pourquoi ? Car l?opinion pied-noire était déjà très susceptible, amère, alertée par l?incompréhension de la métropole. Mendès France et Mitterrand avaient une réputation d?ultralibéraux qu?on me prêtait aussi. On avait raconté que je m?appelais en réalité Bensoussan et que j?étais un juif constantinois, enfin toutes sortes d?âneries. J?ai été accueilli très correctement, il n?y a pas eu le moindre incident, à part avec Jacques Chevallier, le maire d?Alger. J?ai tout de suite pris contact avec les autorités générales et je me suis aperçu rapidement que le gouvernement et l?administration en Algérie étaient comme un radeau qui flottait sur un océan dont on ignorait les courants et à plus forte raison la profondeur. Il y avait une sous-administration absolument effroyable. En fait, il n?y avait aucun contact véritable entre l?administration et la population. Je n?ai pas besoin de vous dire que les émissaires du FLN avaient tout loisir de provoquer des troubles dans ces populations qui étaient complètement abandonnées. Comme on n?avait pas reconnu qu?il y avait un état de guerre, on se trouvait dans des situations ubuesques. Si, par exemple, il y avait une attaque contre un poste, les gendarmes tiraient et un fellaga était tué. Immédiatement, c?était l?ouverture d?une instruction. C?est tout juste si on ne faisait pas comparaitre en justice les gens qui avaient tiré ! Par ailleurs, les forces françaises en Algérie étaient réduites à très peu de chose. C?est à ce moment-là que j?ai tiré la sonnette d?alarme. Edgar Faure avait été investi et j?ai demandé que l?on veuille bien admettre qu?il y avait un état d?urgence particulier qui nécessitait que l?on reconnût la réalité, qu?il y avait des agressions et des ripostes. Cet état d?urgence a été voté à l?Assemblé nationale. Si j?ai bonne mémoire, les communistes l?ont voté. »
Producteur / co-producteur |
Communauté des radios publiques de langue française, Radio France |
Générique | Réalisateur : Christine Bernard Sugy Producteur : Patrice Gélinet Présentateur : Patrice Gélinet Participant : Jacques Soustelle |
Descripteur(s) | Algérie, Guerre d'Algérie, Politique |