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En 2004, EDF pouvait couper l'électricité toute l'année

En 2004, EDF pouvait couper l'électricité toute l'année

Vendredi 12 novembre, EDF a annoncé qu’il ne couperait plus l'électricité en cas de factures impayées, même hors trêve hivernale, au profit d'une limitation de la puissance fournie. Une annonce qui aurait satisfait les habitants du Nord en 2004.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 12.11.2021
 

EDF, qui reste le premier fournisseur d’électricité de France avec 70 % de part de marché et 22,3 millions de clients, a annoncé vendredi 12 novembre qu’il ne couperait plus l'électricité en cas de factures impayées, mais procéderait à partir du 1er avril 2022, date de la fin de la trêve hivernale, à une limitation de puissance minimale garantie à 1 kilovoltampère (kVA, soit l’équivalent de 1000 watts).

Une annonce bien accueillie par la fondation Abbé Pierre qui a salué "un jour historique, une vraie réussite, un pas en avant".

Mais ce mode dégradé de la fourniture d'énergie reste néanmoins très limitatif puisqu'il ne permet aux foyers de ne conserver que quelques fonctions électriques importantes : le réfrigérateur, le rechargement de batteries ou le chauffe-bain, mais ne permet pas en revanche de se chauffer.

Depuis 2008, la loi imposait à tous les fournisseurs d'énergie de maintenir la fourniture d’électricité uniquement pendant 5 mois, lors de la trêve hivernale du logement, instaurée en 1956 sous l’impulsion de l’Abbé Pierre. Mais dès le 1er avril, ils retrouvaient le droit de couper le service pendant le reste de l'année. Un drame pour de nombreuses familles comme on le voit dans l'archive en tête de cet article, un reportage de 2004.

La précarité énergétique n'est pas un phénomène nouveau. Au début des années 2000, elle représentait déjà un véritable fléau qui poussait l'Etat à tenter de trouver une solution pour ne pas laisser les plus démunis sans électricité. En décembre 2004, au moment où les députés débattaient à l'Assemblée nationale de la loi dite de Cohésion sociale menée par Jean-Louis Borloo, le ministre de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances, le magazine "Nord, Pas-de-Calais, Picardie" de France 3 enquêtait auprès de familles privées d'énergie et de leurs défenseurs, des salariés d'EDF, des élus locaux ou des associations qui tentaient de trouver des solutions.

L'enfer de la précarité énergétique

L'archive nous conduit à Roubaix où Nathalie, mère et grand-mère de 11 enfants et petits-enfants vivait avec 700 euros d'allocations et de RMI. Surendettée, elle n'arrivait plus à payer ses factures. Elle devait 3000 euros à EDF. Dans ce reportage, elle expliquait qu'elle avait demandé à EDF d'étaler ses paiements, arrangement refusé par le fournisseur d'électricité qui lui avait demandé "de donner la totalité ou la moitié", déplorait-elle.

Selon ce reportage, à l'époque on comptait dans la métropole lilloise près de 3000 familles endettées auprès d'EDF pour plus de 500 euros. Résiliées ou coupées, plus de 800 familles vivaient alors sans électricité. Avant de couper le courant, à la première relance pour impayé dépassant 150 euros de dettes, EDF procédait déjà à la limitation du service : "Le maintien d'énergie à 3000 watts est un service limitant l'utilisation des appareils électriques". Si rien n'était remboursé, le service passait à 1000 watts (la même puissance que celle proposée ce vendredi par EDF).

Certains agents EDF sur le terrain constataient l'augmentation de la dégradation des conditions de vie de plus en plus de clients et agissaient. En désaccord avec la politique de leur entreprise, les membres du réseau militant des "Robins des bois" menaient une campagne de sensibilisation. L'un d'eux précisant : "L'esprit de l'opération c'est : on va couper les riches et on rétablit les pauvres".

Ce jour-là, ils étaient chez Nathalie pour rétablir l'électricité. Interrogé, ce technicien EDF de la CGT déplorait la perte de la fibre sociale de la mission de service public de son entreprise : "Il y a la politique d'EDF qui a évolué : de service public au service de la nation, maintenant c'est service public pour faire entrer des sous dans les caisses".

En quête de solutions

Des comités d'usagers, d'associations et de personnels syndiqués, réfléchissaient à des solutions, "on ne va pas réclamer le paradis, on voudrait simplement que l'enfer arrête", déclarait cet agent. Cet autre déplorait le manque de compassion, "il faudrait leur montrer ce que c'est de ne pas avoir d'électricité chez soi". Ils craignaient qu'à l'occasion de l'ouverture du marché, prévue pour 2007, le fossé ne s'aggrave encore avec "une énergie à deux vitesses pour ceux qui pourront payer et ceux qui ne pourront pas payer n'auront plus d'énergie".

Parmi les pistes proposées : un futur tarif social, plus de moyens humains pour traiter les dossiers ou la demande d'une trêve hivernale, qui n'existait pas encore. Tandis que les maires s'activaient pour trouver des solutions concrètes aux situations les plus tendues, la précarité énergétique était incluse au projet de loi de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo. Il proposait notamment un futur tarif social de l'électricité que Marc-Philippe Daubresse, qui était alors le ministre du logement, imaginait ainsi : "Une diminution du tarif de 30 à 50%". [Il sera mis en place en janvier 2005]

En 2021, 5,6 millions de ménages, soit une douzaine de millions de personnes, se trouvent toujours en situation de précarité énergétique. Un Français sur cinq (20 %) a encore déclaré avoir souffert du froid dans son logement durant le dernier hiver, selon le Médiateur de l'énergie.

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