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14 mai 1990 : l'immense marche transpartisane contre l'antisémitisme après les profanations de Carpentras

14 mai 1990 : l'immense marche transpartisane contre l'antisémitisme après les profanations de Carpentras

Dimanche 12 novembre, la majorité appelle à une grande manifestation contre l'antisémitisme dans un contexte de hausse des actes antisémites en France depuis l'attaque du Hamas en Israël. Tous les partis politiques devraient être présents à l'exception de La France insoumise qui dénonce la présence du Rassemblement national. En 1990, une immense manifestation transpartisane contre le racisme et antisémitisme avait fait date. Retour en archives sur cet événement.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 08.11.2023
Compte-rendu manifestation - 1990 - 02:45 - vidéo
 

L'ACTU.

Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale issue de la majorité, ainsi que Gérard Larcher, président Les Républicains du Sénat, appellent à une grande marche contre l'antisémitisme dimanche 12 novembre. Cette mobilisation a lieu dans le contexte d'une hausse des actes antisémites en France depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Tous les partis devraient être représentés dans cette manifestation, à l'exception de La France insoumise qui dénonce la présence du parti d'extrême droite le Rassemblement national. Dans un communiqué, le parti a expliqué : « Lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme est impraticable aux côtés d’un parti qui trouve ses origines dans l’histoire de la collaboration avec le nazisme. » D'autres partis comme le Parti socialiste, les Écologistes ou encore le Parti communiste ont dénoncé la participation des partis d'extrême droite Reconquête et le Rassemblement national, mais ont tout de même confirmé leur volonté de défiler dimanche.

En 1990, une immense marche contre l'antisémitisme transpartisane avait eu lieu à Paris, après la profanation de tombes juives à Carpentras (Vaucluse). Cette fois-ci, sans le Front national, à l'époque dirigé par Jean-Marie Le Pen.

LES ARCHIVES.

« C'est sans doute la présence unanime de l'ensemble de la classe politique à l'exception bien sûr du Front national que l'on retiendra d'abord. » Le 10 mai 1990, 34 sépultures juives profanées étaient découvertes au cimetière de Carpentras. Parmi elles, celle d'un homme enterré seulement quelques jours auparavant et dont le corps a été retrouvé sorti de sa tombe.

Face au choc national, le ministre de l'Intérieur Pierre Joxe réagissait très rapidement, condamnant l'antisémitisme et des « abominations racistes », puis se rendait sur place. Les faits faisaient la une des journaux, bien que ces actes ne soient pas revendiqués. Un vif émoi gagnait la France et la classe politique. Plusieurs manifestations eurent lieu dans les jours qui suivirent pour dénoncer les événements, le racisme, l'antisémitisme.

En particulier, le 14 mai, un rassemblement historique avait lieu à Paris à l'appel du Crif, le Conseil représentatif des institutions juives de France. Dans Soir 3, le présentateur prenait un ton lyrique pour en rendre compte : « Bonsoir, c'est bien tout un peu peuple qui était ce soir dans la rue à Paris, des centaines de milliers de personnes pour une marche silencieuse, une seule banderole, en tête du cortège : "Non au racisme et non à l'antisémitisme". »

Une manifestation historique

Le récit de cette manifestation, visible dans l'archive disponible en tête de cet article, évoquait un jour « historique », pour laquelle il y aurait un « avant et un après ». La présence exceptionnelle du président de la République François Mitterrand, « fait sans précédent depuis 45 ans », marquait les esprits.

Une « véritable marée humaine » décrivait ainsi le commentaire, dans un poncif journalistique qui prenait pourtant réellement forme à l'image. Près de 200 000 personnes entre Bastille et République selon les organisateurs, « 80 000 selon d'autres pointages ». Et pourtant, c'était « sans doute la présence unanime de l'ensemble de la classe politique à l'exception bien sûr du Front national que l'on retiendra d'abord. Au-delà du président de la République, tous étaient là : du premier ministre Michel Rocard aux élus de tous bords, de Jacques Chirac à Pierre Mauroy ».

« Ce soir, nous sommes tous juifs et antiracistes », disait Pierre Bérégovoy, alors ministre de l'Économie, l'air affecté. Chacune des personnalités présentes allait de son mot de soutien. L'ancien ministre François Léotard (bien François et non Philippe comme indiqué par erreur à l'époque dans le reportage) ajoutait : « Nous refusons ce que dit monsieur Jean-Marie Le Pen, car ce sont possiblement ces mots-là qui ont poussé à ces actes-là ».

Jean-Marie Le Pen se fait martyr

Il reprenait ainsi les accusations portées par le ministre de l'Intérieur Pierre Joxe dès le 10 mai et que rapporte l'archive ci-dessous. À une époque où le parti d'extrême droite prenait de l'importance, « le ministre de l'Intérieur estimait que les idées du leader du Front national, il s'agit de Jean-Marie Le Pen, pouvaient conduire à des violences qui dépassent l’imagination. » Et d'ajouter, toujours selon l'archive ci-dessous que « monsieur Le Pen est un raciste et un provocateur qui ferait mieux de garder le silence. »

Jean Marie Le Pen : réactions
1990 - 01:34 - vidéo

Jean-Marie Le Pen se présentait en martyr de la classe politique, parlait d'un « coup monté » pour s'attaquer au Front national et accusait à tout va. « En essayant d'impliquer le Front national dans les affaires de Carpentras, où le Front national n'a strictement rien à faire. Moi, je pense qu'il faut tout de même chercher soit du côté des Communistes, qui semblent être les maîtres d'œuvres de toute cette opération ». Et de porter également ses accusations sur « des mouvements subversifs islamiques dont on sait qu'ils ne portent pas spécialement les Juifs dans leur cœur ».

L'enquête pour trouver les responsables de la profanation de Carpentras piétina pendant plusieurs années. En 1996, un skinhead avouait puis était arrêté suivi de trois autres. Proches de mouvements néonazis, aucun lien avec le FN ne fut avéré.

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