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Benoîte Groult, "défenderesse" de la féminisation des titres et fonctions

Benoîte Groult, "défenderesse" de la féminisation des titres et fonctions

La journaliste Benoîte Groult s'est éteinte le 20 juin 2016. Egalement romancière, elle était aussi une fervente militante féministe. Elle luttait notamment pour la féminisation des titres et fonctions et dénonçait le sexisme de la langue française.

Par Florence Dartois - Publié le 22.02.2019 - Mis à jour le 18.06.2021
 

Benoîte Groult aurait aimé assister au vote qui s'est tenu à l’Académie française le 28 février 2019. Ce jour-là, l'illustre institution se prononçait en faveur d’une ouverture à la féminisation des noms de métiers, de fonctions, de titres et de grades. Une décision attendue et approuvée à une très large majorité (seules deux voix contre), le rapport émanait d’une commission d’étude composée de Gabriel de Broglie, Michael Edwards, Danièle Sallenave et Dominique Bona. En 1994 déjà, dans l'émission Français si vous parliez, animée par André Bercoff, Benoîte Groult, journaliste et aussi auteure très engagée en matière de féminisme, regrettait le sexisme de la langue française et revendiquait la féminisation des titres et fonctions.

"Je trouve que le langage est très symbolique. C'est important d'être à l'aise dans les mots et de se désigner par un féminin. Au Moyen-Age, on était une "venderesse", on était une "tisserande" et tout à coup, aujourd'hui, par une espèce de réflexe frileux - dans les professions de prestige, parce que dans les professions ordinaires ça passe très bien – On est" agricultrice" mais on est "écrivain" ! Dès qu'on monte en grade. C'est lié au prestige. On est "la secrétaire d'un patron" mais dans les postes supérieurs, on est "madame le Secrétaire d'Etat". La "doyenne des Français" mais "madame le doyen à l'université". Donc, ce n'est pas la langue qui refuse, ce sont les têtes. Et on voudrait simplement régulariser..."

"Il y a un domaine, celui de la langue et celui du pouvoir où les hommes s'accrochent à leur place"

Pour elle, c'était une évidence, le français était une langue sexiste, pourtant à l'époque le Comité de l'Europe et l'UNESCO venaient de prendre des décisions pour féminiser le langage : "Parce qu'on ne sait plus si on s'adresse à une femme ou à un homme quand on dit : le directeur de tel service, au lieu de dire la directrice. C'est la confusion des genres. Alors ces grandes entreprises ont recommandé à tous les Etats membres de l'Europe de féminiser les noms de métiers et de dire la déléguée, la conseillère fédérale en Suisse, etc.

Selon elle, le pouvoir et la langue étaient intimement liés : "En France, on est l'avant dernier pays d'Europe pour la représentation des femmes au Parlement. Il y a un domaine, celui de la langue et celui du pouvoir où les hommes s'accrochent à leur place et refusent d'ouvrir la porte aux femmes complètement."

Le vote du 28 février 2019 était une sorte de révolution. C'était la première fois que l’institution, créée en 1634, allait aussi loin dans la reconnaissance du féminin des mots. Et pourtant, ce n'était, comme l'expliquait très bien Benoîte Groult dans cette archive, qu'un juste retour en arrière, avec une pratique courante au Moyen Age. Mais pas question de légiférer, l’Académie se contentant de tenir le rôle de gardienne du "bon usage".

Pour aller plus loin

1984. Création de la "Commission de terminologie relative au vocabulaire concernant les activités des femmes", chargée d'étudier la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres. Elle a été créée par décret gouvernemental. Sa présidente est Benoîte Groult. Elle détaille ici les motifs de la création de cette commission. (Antenne 2 midi, 27 avril 1984)

1985. La commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, fonctions, grades, ou titres, présidée par Benoîte Groult, vient de remettre son rapport à Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme. (C'est la vie, 3 décembre 1985)

1998. Une circulaire du ministre de l'éducation nationale, Claude Allègre, demande la féminisation de certaines fonctions, au plus grand mécontentement de certains académiciens qui s'indignent de la vanité des gouvernants... Une polémique s'ensuit. (Le 19-20 de France 3 du 30 juin 1998)

2000. Bernard Pivot anime une discussion entre Claude Hagège, Denise Bombardier et Jean Yanne autour de la résistance de l'Académie française à la féminisation des noms de métiers dans la langue française. (Bouillon de culture, 17 novembre 2000)

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