Valentin Moncler et Grégoire Filliatreau en pleine prestation.
Le 25 mars 2022, les 9 étudiants en 2e année du Master « création musicale » ont joué pour la première fois leurs compositions dans l’amphithéâtre Copernic de l’Université Gustave Eiffel : des « pièces » de musique électroacoustiques et expérimentales. Depuis deux ans, ils ont collecté des sons et des bruits du quotidien comme le frottement d’une éponge, le rebond d’une balle de ping-pong ou la déglutition de leur salive... Grâce au Groupe de recherches musicales, INA grm, ils ont découvert les opportunités musicales de ces sons. Ils les ont amplifiés, les ont transformés, et les ont travaillés pour composer de la musique. En plus des enseignements et des expérimentations sur les nouvelles écritures du son donnés à l’université, ils sont venus une fois par semaine à Bry-sur-Marne pour apprendre la musique concrète, l’électroacoustique (la musique non exclusivement instrumentale) et l’acousmatique, ce genre musical qui a pour but de développer le sens de l’écoute, l’imagination et la perception mentale des sons.
Et au final, ils ont diffusé leur création sur l’Acousmonium. Ce dispositif du GRM est « un orchestre de haut-parleurs disposé en face, autour et dans le public du concert ». Les étudiants ont eux-mêmes installé les vingt enceintes pour comprendre la manière dont leurs pistes ont été mises en scène et comment tirer parti des haut-parleurs.
Le jour de la prestation, Callista Buissez est derrière la console de mixage. Elle joue la première. L'ordinateur est connecté à la console. Le premier son émerge du fond de l’auditorium. Un souffle. Ailleurs un battement. Plus loin un frottement. Peu à peu les sons s’agrègent. Ils circulent dans tout l’auditorium grâce à une savante utilisation de l’Acousmonium. Callista mixe ses sons. Son œuvre enveloppe le jury et les spectateurs. Elle a choisi de n’utiliser que des sons du corps humain, bruts dans sa première pièce, puis transformés dans la seconde. Une œuvre minimaliste dont le jury souligne « la clarté formelle, la qualité et la finesse des sons » ainsi que « la mise en espace ».
Tout au long de la journée, les étudiants ont enchaîné des pièces étonnantes. Nausicaä Rivallain qui a joué à la suite de Callista, a fait basculer l’atmosphère. Un souffle haletant a saisi l’auditoire. Elle a composé sa création, « Tunnel », « comme une narration » : « Je voulais construire une histoire sonore où l’on avance dans un mouvement continu, des environnements différents. Une histoire que chacun peut se raconter, où les images se créent », a-t-elle expliqué au jury. Julia Abadie, elle, a introduit des phrases complètes dans sa composition, pour écrire une pièce intime et poétique.
Laure s’est amusée des possibilités qu’offrait l’Acousmonium. La pièce composée en octoponie, à savoir une disposition initiale de 8 haut-parleurs situés autour de l'auditeur, utilise pleinement la spatialisation permise par les nombreux haut-parleurs de l'Acousmonium. Plus tard, en binôme, Grégoire Filliatreau et Valentin Moncler ont choisi de composer leur son en direct à l’aide d'un ballon de baudruche. Ils ont exploité le son initial, l’ont étiré, transformé et répété en improvisant. Aucune pièce ne ressemble à une autre. Une journée de concert comme un voyage immersif dans de multiples univers sonores inédits.
Après son intervention, Callista explique que la musique concrète a été une véritable découverte qui l’aide dans sa manière de composer. Désormais, elle réfléchit différemment sur les sons et sa manière d’écouter a changé. « Cela m’a rendu beaucoup plus sensible aux sons qui m’entourent. Je prends plaisir à écouter un paysage sonore comme par exemple les gens qui parlent autour de moi, les bruits de porte. Cela change vraiment la façon de voir la musique et donne une grande ouverture d’esprit. Je vais continuer à créer en concret ».
Une dimension intime
Pour Nicolas Debade, responsable recherche et développement au GRM, en charge de ce Master pour l’INA, la note est secondaire. Il cherche avant tout à faire mûrir l’approche de la composition et de la création des étudiants. Jouer en concert constitue pour eux une expérience précieuse. Jouer sur l’Acousmonium leur permet de travailler la dimension spatiale de la projection sonore.
Pour ces futurs compositeurs, la dimension intime rentre aussi en ligne de compte, comme l’explique Nicolas Debade : « Je crois qu’ils ont beaucoup appris sur eux-mêmes, sur leur capacité à partager et dévoiler des choses plus ou moins personnelles. Et réciproquement, ils m’ont aussi dit avoir apprécié entendre les pièces de chacun(e) et d’avoir l’impression de mieux apprendre à les connaître. »