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1977 : des jeunes, la violence et la non-violence

1977 : des jeunes, la violence et la non-violence

Depuis le 27 juin, la France est submergée par une vague de violences provoquée par la mort de Nahel M., 17 ans, tué par un policier. La particularité de ces émeutes est d'impliquer de très jeunes adolescents. Nous avons retrouvé une archive de la fin des années 70 où des jeunes réfléchissaient sur la violence et la non-violence. Laissons-leur la parole.

Par Florence Dartois - Publié le 30.06.2023
Les jeunes et la non violence - 1977 - 08:11 - vidéo
 

L'ACTU.

Des émeutes urbaines ont débuté dans la soirée du 27 juin, après la mort de Nahel M., 17 ans, tué par un policier après avoir refusé d'obtempérer lors d'un contrôle à Nanterre. Avec 875 personnes, dont 1/3 de mineurs, interpellés partout en France dans la nuit du 29 au 30 juin, un point interpelle : le jeune âge des protagonistes. Leur violence en dit long sur l'état de la société. Mais les jeunes sont-ils plus violents qu'avant ? Quel rapport entretenaient-ils autrefois avec la violence ?

L'ARCHIVE.

Sans pouvoir répondre à cette question, nous avons retrouvé une archive de la fin des années 70, la génération «hippie » et «peace & love », dans laquelle on interrogeait des jeunes sur leur perception de la violence et de la non-violence ? S'ils n'avaient pas connu la guerre, ils vivaient déjà la fin des « Trente glorieuses » et les prémices de la crise économique. Ils étaient sensibilisés à des conflits lointains, grâce à la télévision, comme celui du Vietnam. Une guerre qui exaltait la fibre pacifiste de nombreux jeunes gens exprimant leur dégoût des armes dans les manifestations pacifistes souvent réprimées avec violence.

En mai 1977, le magazine « Terroir » de FR3 Montpellier interrogeait des lycéens dans une émission titrée « Expressions d'une jeunesse sans interdit et sans autocensure ». Ce jour-là, les ados débattaient autour de la violence et du pacifisme.

Le premier lycéen à s'exprimer, jeune engagé dans l'armée, évoquait la violence liée à la guerre. À une époque où les jeunes se déclaraient plutôt antimilitaristes, il faisait exception. Une décision qu'il avait prise dès son plus jeune âge, sans avoir été influencé par ses parents, confierait-il plus tard.

Dans une France et une Europe en paix, son choix étonnait le journaliste qui l'interrogeait sur ses motivations et sur le rôle de l'armée en temps de paix : « Je pense qu'on a toujours besoin d'une armée. Premièrement pour se défendre, parce que je ne pense pas que la non-violence puisse aboutir. Ou alors, à ce moment-là, il faudrait démilitariser la France, à ce moment-là, il faut démilitariser le monde. », déclarait-il pour justifier son choix.

Un camarade visiblement pacifiste, prônait plutôt l'éducation, mais n'écartait pas le recours au combat en cas de crise : « Je ne sais pas du tout comment je réagirais en cas de conflit. En cas de conflit militaire, d'un conflit intérieur, dans notre pays, en France, je ne sais pas du tout comment j'agirais. Pour l'instant, j'essaie de m'éduquer. »

Non-violence et désobéissance civile

Le journaliste tentait d'orienter la conversation sur d'autres formes de violence comme « la violence administrative », « la violence contre les citoyens ». Pour évoquer ce sujet, un autre jeune qui avait renvoyé son carnet militaire à la suite de l'affaire du Larzac [en 1977 des agriculteurs et des écologistes s'étaient opposés à l'expropriation de leurs terres en vue de l'extension d'un camp militaire] donnait sa position.

Lui était plutôt un tenant de la désobéissance civile contre la violence d’État : « Moi, je trouve que la désobéissance civile est très valable (...) Nous sommes le troisième pays en armement et je trouve que c'est presque une honte. J'ai honte d'être dans ce pays qui vend des armes à n'importe qui, à tort et à travers. Alors c'est une des façons, la désobéissance civile non-violente, le refus de collaborer à l'armement. »

En évoquant la violence, ces jeunes pensaient immédiatement aux guerres et aux armes, l'un d'eux expliquait pourquoi : « Les armes ça correspond à des conflits. Il citait des exemples récents, « Quand on parle du Vietnam, on sait de quoi on parle. Quand on parle d'Algérie. Moi, je ne l'ai pas vécu, mais je sais qu'il s'est passé des atrocités là-bas, qu'on a torturé, etc., qu'on a perpétué les tortures du nazisme. C'est une violence, vraiment, ça crève les yeux et si vous avez ! »

Le même jeune homme, questionné sur la violence économique, la décrivait comme toute aussi barbare que la violence par arme, parlant d'aliénation. Le jeune militaire reprenait la parole sur ce sujet, évoquant la violence du « conditionnement général » où chacun devait obéir à des ordres supérieurs, sans vraiment de responsabilisation.

Leur professeur, en conclusion, soulignait que ces jeunes connaissaient « beaucoup moins encore la non-violence que la violence », et que son rôle était d'ouvrir leurs esprits, « Et je crois qu'il y a des possibilités nouvelles qui s'offrent dans la perspective de la non-violence. À partir de là, je dirais que c'est une fonction d'information qui peut être la mienne, dans la mesure où les circonstances m'ont amené moi-même à étudier ce problème et à m'engager dans cette perspective. »

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