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Qu'est-ce que c'est la force nucléaire tactique ?

Qu'est-ce que c'est la force nucléaire tactique ?

Vladimir Poutine a demandé le 27 février la mise en alerte de la force de dissuasion, impliquant l'éventualité d'une frappe nucléaire tactique en Ukraine. Il a réitéré ses menaces le 21 septembre. Ce type d'armement n'a jamais été utilisé dans un conflit mais représente la force de dissuasion ultime. Au début des années 1980, la télévision était autorisée à présenter l'arsenal tactique français.

Par Florence Dartois - Publié le 01.03.2022 - Mis à jour le 23.09.2022
Défense nucléaire française - 1983 - 05:00 - vidéo
 

« J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat », a annoncé, dimanche 27 février, Vladimir Poutine lors d’un entretien avec ses chefs militaires retransmis à la télévision. Cette décision de mise en alerte de sa « force de dissuasion » comprend une composante nucléaire que le président russe a justifié par les « déclarations belliqueuses de l'Otan ». Il a également dénoncé les sanctions économiques contre la Russie, « illégitimes », selon lui.

Cette dissuasion n'a jamais été utilisée dans un conflit et pourrait impliquer l’utilisation d’armes nucléaires tactiques. Ce type d'armement se limite (normalement) au champ de bataille. Il est destiné à frapper la ligne de front, à dégager des forces alliées du feu ennemi ou à stopper une avancée brutale. Cette dissuasion tactique ne doit pas être confondue avec les armes nucléaires stratégiques. La différence principale entre arme stratégique et tactique réside dans la portée de ce qu'on appelle leurs « vecteurs ». Une arme tactique est transportée par un vecteur ayant une portée inférieure à 5500 km, comme des bombardiers à courts et moyens rayon d’action, missiles balistiques et de croisière par exemple.

La vidéo en tête d’article date de juin 1983, elle concerne la force de frappe tactique française, alors que le financement de la loi de programmation militaire pour 84-88 allait être examinée au Parlement. A cette occasion, le journal Antenne 2 Midi décrivait la stratégie de défense nucléaire française entreprise depuis la sortie du commandement intégré de l’Otan, décidée par le Général de Gaulle en 1966. En sortant de l’Alliance atlantique, le général de Gaulle avait voulu extraire la France de la menace induite par la « stratégie de l’engagement gradué pouvant aller jusqu’à l’utilisation de l’arme nucléaire » menée par les deux blocs américain et soviétique. Mais pour ce faire, la France avait dû elle-même développer sa propre force de dissuasion nucléaire basée sur deux axes : une force stratégique et une force tactique, cette dernière devant être renforcée à l'occasion de cette nouvelle loi de programmation. Cette première archive présente les points forts de la force tactique française s'inscrivant entre le recours aux armes traditionnelles et le recours ultime aux armes stratégiques.

Frapper pour empêcher l'escalade

Dans ce sujet, le général Lacaze, chef d'état-major des Armées, expliquait pourquoi la France était dans l'obligation de développer sa force tactique et de pratiquer la dissuasion du « faible au fort », basée sur l’emploi d’une « force nucléaire tactique ». Il décrivait son usage privilégié, qui dans tous les cas ne pouvait intervenir qu'« après une période d’engagement » des forces classiques. Son objectif, comme aujourd'hui, était de faire comprendre à un agresseur éventuel que la France passerait « immédiatement à l’emploi des forces stratégiques s’il ne ralentissait pas son effort ». L'usage de la frappe tactique signifiant la « détermination d’aller jusqu’au bout ».

La suite du reportage inventoriait l'arsenal tactique de la France, à l'époque : 42 missiles Pluton d’une portée d’environ 120 km. Venaient ensuite les appareils de la force aérienne tactique, F.A.T.A.C., une trentaine d’avions Jaguar ou Mirage. Enfin, une dizaine de Super Etendards de l’aéronavale pouvant décoller des porte-avions français, « au total plus de 100 charges nucléaires représentant plus de 2 mégatonnes, soit la puissance de 100 Hiroshima ».

Cette force nucléaire tactique était couplée avec la force nucléaire stratégique, elle aussi décrite dans ce sujet, et qui représentait au total à l’époque, 85 MT, soit 4000 Hiroshima, « ou près de 30 fois le volume d’explosifs utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Le général Lacaze était formel. Selon lui ce « langage » devait être « clair pour tout agresseur éventuel ». Charge ensuite au « président de la République et au gouvernement » de décider « l’emploi de la force nucléaire stratégique si l’agresseur ne stoppe pas son effort ».

Simulation de frappe nucléaire tactique

L'archive proposée ci-dessous, également datée de 1983, plonge le téléspectateur dans une simulation réaliste de ce qui se passerait si le Président de la République, depuis le PC Jupiter situé sous l'Elysée, donnait l'ordre d'employer la force nucléaire tactique. En l'occurrence ici, « des missiles Pluton d'une portée de 120 km et d'une puissance équivalente à la bombe d'Hiroshima ». Le journaliste Albert du Roy, installé dans le PC Jupiter, précisait que si cet avertissement ne suffisait pas, le président pouvait « en quelques minutes faire intervenir les forces stratégiques pour porter au coeur du territoire ennemi le feu nucléaire» . Ajoutant que « tout le principe de la dissuasion repose sur la crédibilité de cette escalade terrifiante ». Il précisait que l'armée préparait déjà d'autres armes tactiques plus puissantes encore, capables de frapper en Europe centrale.

Force nucléaire tactique
1983 - 06:09 - vidéo

« Ce serait l'ultime avertissement du chef de l'Etat annonçant à l'agresseur le lancement inéluctable de l'armement stratégique si celui-ci persistait dans son entreprise ».

A l’époque, les Etats-Unis et l’URSS possédaient une force estimée dans ce sujet à 8 000 MT. Il faut noter que contrairement à l'armement nucléaire stratégique (Accords Salt I et II, en 1971 et 1979 et Start I et II en 1991 et 1993), les armes nucléaires tactiques ne sont pas contrôlées.

Dans les années 1991/1992, les Président Bush et Gorbatchev avaient pourtant tenté de les diminuer et de détruire certains types d’armes tactiques, notamment les munitions d’artillerie de très courte portée, dans le cadre du texte « Presidential Nuclear Initiatives (PNIs) », mais il n’y a jamais eu de vérifications postérieures.

Quant au SORT (traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs) de 2002, conclut entre les États-Unis et la Russie sur la réduction progressive de leurs arsenaux nucléaires stratégiques, il ne concernait pas non plus les armes tactiques dont le nombre est aujourd'hui difficilement estimable.

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