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Daniel Deschâtres, celui qui avait construit un stade olympique miniature dans son jardin

Daniel Deschâtres, celui qui avait construit un stade olympique miniature dans son jardin

Pierre de Coubertin, le père des Jeux olympiques modernes, pensait que pour populariser le sport, il fallait l'internationaliser. Un siècle plus tard, un ancien athlète et admirateur du grand homme suivait ses traces en créant le stade d'Olympie dans son propre jardin. Il fit les belles heures de la télé. Portrait.

Par Florence Dartois - Publié le 17.04.2024
Auffargis : l'antre du chantre de l'olympisme - 1988 - 00:00 - vidéo
 

« Les Grecs n’ont qu’à bien se tenir, Olympie, c’est aussi ici, à 40 bornes de Paris… ». En 1988, le magazine « Drevet vend la mèche » consacrait un reportage étonnant à Daniel Deschâtres, 63 ans. Ce retraité sportif, ancien athlète marcheur, vivait à Auffargis dans les Yvelines, avec sa femme Denise. Le couple aurait pu profiter d’une retraite paisible mais c’était sans compter la passion dévorante de Daniel pour l'olympisme, et surtout pour Pierre de Coubertin, son modèle.

LES ARCHIVES.

À la soixantaine, Daniel conservait un corps d'athlète et cultivait sa passion en accumulant tout ce qui touchait de près ou de loin à son mentor, aux Jeux en général et à l'athlétisme en particulier. L'archive en tête d'article nous présente ce personnage incroyable qui accueillait ce jour-là l'équipe de télé en costume d'athlète grec ! Dans le petit jardin rebaptisé « Olympie », il avait reconstitué un stade olympique de poche. Une entreprise qu'il avait débutée dans un coin de son potager en 1962 et qui, au moment du reportage, occupait quasiment tout son jardin entre les laitues et les pieds de tomates.

Mais son amour du sport ne s'arrêtait pas là, sa maison aussi était un mausolée dédié à la gloire de l'olympisme.

L'important pour Daniel était de partager sa passion et dans son Olympie, les enfants étaient rois. Chaque année, les primaires de l’école du village y organisaient des jeux dignes des vrais. De quoi réjouir parents et enfants. Profitant de sa retraite, il s'avouait « heureux comme Ulysse », même si lui ne voyageait que dans son jardin.

1996 : un concours très couru

L'attachant Daniel Deschâtres fut le « chouchou » des médias durant de nombreuses années et à chaque nouvelle olympiade, les caméras de FR3 ne rataient pas une occasion de lui rendre visite dans son stade miniature.

« Les dieux du stade sont tombés dans le jardin ». En 1996, FR3 Île-de-France consacrait un nouveau sujet au septuagénaire, désormais âgé 71 ans. Marcheur invétéré, tout dévoué à l'esprit de Coubertin - et dans une forme olympique - il aurait pu concourir à un marathon, mais c'était dans son stade privé qu'il organisait des compétitions toujours très prisées des écoles locales. Des olympiades assorties d'un concours de connaissances générales sur l'histoire de l'olympisme.

Devant les caméras, T-shirt et mini-short bleu, il démontrait une nouvelle fois ses talents de lanceur de poids ou de basketteur. Son « jardinium stadium » de 1000 m² n'avait pas beaucoup changé, entre piste d'athlétisme et pieds de tomates. Daniel, accroc à l'effort, avait aussi monté une petite salle de sport fermée où il pouvait continuer à s'exercer l'hiver. Mais ce qu'il préférait, c'était, depuis 1972, l'organisation de son concours de culture générale sur les Jeux. « Surtout pour faire connaître l’esprit de Coubertin », dont il déplorait le peu de notoriété.

Cette année-là, il donnait évidemment rendez-vous en l’an 2000 pour les JO de Sidney.

Auffargis et le jardin Olympie
1996 - 00:00 - vidéo

2000 : Olympie désertée

Promesse tenue. En août 2000, un mois avant le début des JO de Sydney, une équipe du JT régional de FR3 s'était une nouvelle fois rendue à Auffargis chez Daniel Deschârtres. L'ancien athlète était toujours dans une forme insolente, à 75 ans. C'est d'ailleurs dans son petit short bleu, mais torse nu cette fois, qu'il recevait les journalistes pour le traditionnel tour de piste de son stade où chaque discipline de base était représentée.

Évidemment, il était une nouvelle fois question de Pierre de Coubertin, son idole, dont le château n'était qu'à quelques kilomètres. Une fois encore, il regrettait qu'il soit resté un « homme fort méconnu dont on ne parle qu’à l’approche des JO ».

Mais sa fierté à lui, c'était que 20 000 scolaires étaient venus chez lui pour s’initier à l’athlétisme et apprécier les performances. Mais cette année-là, Daniel était déçu car l’Éducation nationale n’avait pas renouvelé son agrément, les enfants ne pourraient plus venir à ses olympiades. Une vie de service qui s'achevait tristement, « servir, ça a été un peu mon dada pendant toute mon existence », confiait-il visiblement peiné.

La triste fin d'Olympie

Nous n'avons pas retrouvé d'autres reportages télévisés sur Daniel Deschârtres, mais la presse, elle, a continué à en parler, à l'image du journal Le Parisien qui lui avait consacré un reportage en octobre 2004. À l'époque, il allait à nouveau ouvrir sa maison-musée pour deux jours et racontait que certains des enfants qui étaient venus à ses Olympiades étaient devenus des profs d'EPS. Une belle récompense pour ce passionné, qui conservait, selon l'article, un corps d'athlète !

Qu'est devenue Olympie et les archives du musée ? Daniel Deschârtres est mort en 2012, à l'âge de 87 ans. En 2016, à quelques jours de l'ouverture des Jeux de Rio, l’Écho républicain s'était rendu devant la maison d'Auffargis désormais close et abandonnée, faute d'héritiers. Un article empreint de nostalgie lançait un appel à récupérer les trésors de Daniel : « Portail et volets clos, la végétation finit par envahir le terrain de l'Olympie (...) Sans héritiers directs, la maison est vide. "Et, à l'intérieur, il y a des centaines d'archives, des films super 8, notamment, que nous aimerions sauver de l'oubli ", raconte Olivier Chagot, un athlète formé en 1971 par l'illustre propriétaire de l'Olympie. »

En mars 2022, la maison a été détruite. L'annonce fut faite par ces quelques lignes dans un bulletin local : « Maison démolie (...) Rue Creuse à droite en descendant, juste après "La vie au grand air", il y avait Olympie, la maison de M. et Mme Deschâtres. Maison abattue, affichage de quatre permis de construire sur une surface de 1147 m2… »

Ainsi s'achève la belle mais triste histoire de Daniel Deschâtres, l'athlète épris d'olympisme, qui avait construit son Olympie à lui, dans son petit bout de jardin des Yvelines.

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