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Milan Kundera, son envie de «voir la littérature autonome»

Milan Kundera, son envie de «voir la littérature autonome»

Le romancier Milan Kundera est mort à l'âge de 94 ans. Il était né le 1er avril 1929. En 1984, il était sur le plateau d'« Apostrophes » pour répondre aux questions de Bernard Pivot sur « L'Insoutenable légèreté de l'être » qui venait d'être publié en France.

Par Romane Sauvage - Publié le 12.07.2023
 

L'ACTU.

Milan Kundera est mort à Paris mardi 11 juillet. Il avait 94 ans. Le romancier était mondialement connu pour son œuvre, traduite dans une quarantaine de langues. Né en Tchécoslovaquie en 1929, il s'était installé en France au milieu des années 1970 et obtenue la nationalité française en 1981.

L'ARCHIVE.

« Est-ce que vous êtes d'accord avec cette formule de Claude Roy dans le Nouvel Observateur, qui rendant compte de votre livre dit ceci : "L'amour sans joie, l'histoire sans espoir" ? » En 1984, l'un des ouvrages les plus connus de Milan Kundera, L'Insoutenable Légèreté de l'être, était publié en France. Le romancier se rendait sur le plateau de l'émission « Apostrophes » pour répondre aux questions de Bernard Pivot.

« L'histoire sans espoir, oui, oui », confirmait Milan Kundera dans l'extrait en tête d'article, à propos de la critique de Claude Roy. « Et l'amour sans joie ? » Réponse elliptique et experte : « Vous savez, je suis sûr que chaque roman pourrait avoir plusieurs lectures. Étant donné que les personnages sont, je l'espère, très complexes, très ambigus. »

Et, Bernard Pivot de poursuivre sur cette complexité de l'œuvre du romancier : « C'est le roman de l'occupation des esprits par des apparatchiks, des collaborateurs et c'est l'occupation des corps de femme par un Dom Juan. (...) C'est ça qui est intéressant dans vos livres, au fond, on ne sait pas trop... (...) Les critiques sont un peu embarrassés pour en rendre compte, on ne sait pas par quel bout tirer. »

« Il y a trop de bouts », répondait ironiquement l'écrivain. Alors, le critique littéraire Maurice Nadeau, également invité de Bernard Pivot, tentait d'analyser : « Je crois qu'il a voulu faire le roman de la totalité. Ce n'est pas pour rien qu'il admire Hermann Broch. On y trouve l'influence des Somnambules, de cette différence de ton, de variations, d'envie d'intégrer l'Histoire aux histoires d'individus... »

Dans le second extrait ci-dessous, Milan Kundera se montrait plus loquace. « Une constante de vos livres est l'érotisme, la sexualité. Ce qui est curieux, c'est qu'il semble que le romancier que vous êtes s'intéresse moins à l'acte charnel, que vous racontez rarement, que ce qu'il se passe avant ou après », relevait l'hôte de l'émission.

L'érotisme comme supplément d'information

Ce à quoi le littéraire répondait en deux temps. « Vous ne vous trompez pas. Surtout dans le fait qu'il y a beaucoup d’érotisme dans beaucoup de romans que j'ai écrit (...) Dans notre époque qui est caractérisée par le fait que tout est permis. Vous pouvez dire n'importe quoi sur n'importe qui. L’indiscrétion est non seulement permise, mais elle est devenue une vertu. (...) Nous vivons dans une époque, où l'intimité qui, jadis était une valeur, n'est plus une valeur. C’est-à-dire, qu'est-ce que c'est la personnalité humaine sans intimité ? Quand la vie privée n'est plus privée, la personnalité humaine s'évapore. (...) Cette grande invasion de la sexualité, de l'érotisme dans la littérature, je dois dire que j'ai quelques réserves. »

« Malgré cela, expliquait-il, je suis très attiré par les situations érotiques, mais seulement dans le cas où cette situation dit quelque chose en plus, est révélatrice. (...) Par exemple des rapports de force entre la femme et l'homme, ou bien du caractère des personnages. »

Voir la littérature autonome

Enfin, interrogé sur Orwell, l'auteur de 1984, Milan Kundera donnait sa vision de la littérature. Dans l'extrait ci-dessous, il racontait son appréhension première vis-à-vis de ce type de littérature. « J'ai une telle aversion à l'égard de la littérature politique, à thèse, didactique, qui nous donne des leçons (...) que depuis toujours, j'avais une allergie a priori contre Orwell. Ce qui est injuste. » En le connaissant mieux, il avait « commencé à apprécier son extraordinaire lucidité » malgré son envie de « voir la littérature autonome ».

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