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Ces «résistants» du maquis de Montmartre qui ont vaincu des promoteurs dans les années 90

Ces «résistants» du maquis de Montmartre qui ont vaincu des promoteurs dans les années 90

Le Clap (Club Lepic Abbesses Pétanque) est sommé par la ville de Paris de quitter le boulodrome qu'il occupe depuis près de 50 ans avenue Junot dans le quartier de Montmartre à Paris. En 1991, déjà, les boulistes avaient évité l'expulsion et gagné une bataille contre des promoteurs qui voulaient construire un parking. Récit en archives.

Par Florence Dartois - Publié le 22.04.2024
Affaire du parking à Montmartre - 1987 - 01:36 - vidéo
 

L'ACTU.

La « guerre des boules » est de retour à Montmartre, et plus précisément dans une parcelle nichée avenue Junot dans le 18e arrondissement de Paris. En effet, la mairie centrale veut récupérer le site transformé en terrain de pétanque que des boulistes occupent (sans titre) depuis 1971. La mairie veut confier l'endroit à un hôtel de standing qui moyennant une redevance a promis de le végétaliser et d'en faire un « espace vert accessible » à tous. Le Clap (Club Lepic Abbesses Pétanque) qui est présent depuis 52 ans ne l'entend pas de cette oreille et occupe le maquis comme on l'appelle depuis toujours.

LES ARCHIVES.

Ce lieu typique du vieux Montmartre avait déjà fait l'objet de convoitise comme le montre les archives. En effet, en 1987, les boulistes avaient déjà dû s'opposer à des promoteurs qui souhaitaient réaliser un parking de plusieurs étages, comme le montre la vidéo disponible en tête d'article et qui date du 5 juin 1987.

« Ici on est bien, c'est presque un village, on est attaché à son mode de vie », décrivait le commentaire sur des images, effectivement bucoliques. Ce projet datait de plusieurs années, mais cette fois, face à la menace imminente, les riverains, dont de nombreux boulistes, s'étaient organisés en association. Ils luttaient contre ce parking inutile et même dangereux en raison de la nature des sols de la butte, « un véritable gruyère ». D'autres projets avaient déjà perturbé le sous-sol et les cours d'eau sous-terrains et destabilisés des immeubles du quartier. Ce nouveau projet de parking inquiétait, il signifiait l'abattage des derniers érables qui donnaient un air de campagne à la place ou du rocher de la sorcière qui conférait une aura de mystère au maquis. Les Montmartrois y voyaient « la fin de Montmartre », la mairie, de son côté, justifiait les travaux par une demande croissante de places de parking.

Bras de fer des boules en fer

En novembre 1987, la crise s'amplifiait. Le projet de parking sur cinq niveaux prenait corps, alors que les riverains et boulistes ne décolléraient pas. L'heure était à la résistance. Alors qu'à la mairie, on affirmait que toutes les précautions seraient prises et que les sondages effectués écartaient tout danger, les riverains de l'avenue Junot craignaient que ce projet n'ouvre la voie à d'autres, plus destructeurs encore. C'était l'avis d'un célèbre acteur de l'époque, Jacques Fabbri, habitant du quartier et amoureux du maquis et de ses arbres centenaires. Avec eux, c'est l'âme du quartier qu'on voulait arracher.

« Un beau matin, ils vont venir avec les tronçonneuses, ils vont couper tout ça, amener les bulldozers et les 21 derniers arbres de Montmartre vont disparaître d'une manière parfaitement illégale. C'est ce qu'on appelle la politique du « coût parti ». (Jacques Fabbri)

La complainte du maquis de Montmartre

En mars 1990, une centaine de Montmartrois, soutenus par quelques artistes, se réunissaient, au son de l'accordéon, dans un square de la butte, vestige du maquis de Montmartre. Dans son lancement, le journaliste expliquait que les « amoureux de la Butte refusaient le béton au pays de Bruant ». Ils protestaient toujours contre le projet de construction du parking dont la construction entraînerait la disparition d'une vngtaine d'érables du « coeur de Paris ».

Inconnus et célébrités baptisaient ces arbres et accrochaient à chacun d'eux des plaques portant les noms d'artistes montmartrois du passé. Les acteurs Pierre Richard et Roland Giraud s'associaient à cette action symbolique.

Le ton monte sous les feuillages

Le 6 août, au petit matin, les riverains qui n'étaient pas en vacances avaient été réveillés par le bruit des tronçonneuses envoyées en catimini par les promoteurs pour abattre les derniers érables. Une action qui avait suscité la colère des habitants, à l'image de Daniel Bangalter (papa de Thomas Bangalter, moitié des Daft Punk et auteur de tubes tels Le Bal masqué, D.I.S.C.O. de la Compagnie créole) , de l'association des Riverains du Maquis de Montmartre, qui critiquait vertement l'abattage des arbres et dénonçait les risques d'effondrement des carrière. FR3 filmait une altercation dans laquelle il prenait à partie - et à défaut - Roland Denelle, directeur technique adjoint de la ville de Paris.

Un classement du maquis

Après plusieurs années de lutte juridique, les associations apprenaient une bonne nouvelle fin novembre 1991 le classement du site du maquis et sa protection. L'occasion pour FR3 Île-de-France de retrouver quelques « combattants » de la première heure comme Jacques Fabbri, résident de la Butte Montmartre depuis 26 ans, heureux de voir subsister un certain esprit du village montmartrois. Et bien-sûr, de se rendre sur le terrain de pétanque, victime collatérale de cette guerre.

« Mais gagner une bataille n'est pas gagner la guerre » avertissait le commentaire, sur les images des restes des neuf victimes, ces troncs d'arbres qui autrefois offraient l'ombre de leurs feuillages aux boulistes. Ce que réclamaient les associations, c'était bien le classement du maquis, mais aussi un statut protecteur pour tout Montmartre, « en proie à n'importe quelle opération promotionnelle et financièrement intéressantes... », déplorait la présidente du comité de sauvegarde de Montmartre.

À la suite de la décision prise par le Conseil de Paris en juillet 2023, la quiétude du maquis et l'existence du club de pétanque de Montmartre sont à nouveau menacées. Maxime Liogier, porte-parole du Clap (Club Lepic Abbesses Pétanque), a promis de résister jusqu'à la date butoire fixée par le Conseil d'Etat, qui a ordonné au club de partir. « Donner 15 jours à un club de sport de 300 licenciés pour faire ses valises, c'est un coup de massue pour les adhérents : on va planter des tentes, c'est un acte de désobéissance civile » a-t-il déclaré à France Bleu Paris. La guerre des boules aura bien lieu.

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