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Mirapolis : le flop du premier parc d'attractions français

Mirapolis : le flop du premier parc d'attractions français

Vous souvenez-vous de Mirapolis ? Le premier parc à thèmes français inauguré près de Cergy-Pontoise en 1987. À peine quatre ans plus tard, en 1991, il fermait ses portes faute de succès et peut-être aussi à cause de la météo capricieuse de l'Île-de-France... Retour sur quelques dates clés de cet échec retentissant.

Par Florence Dartois - Publié le 05.04.2024
 

LE CONTEXTE.

Mirapolis est le nom du premier parc à thèmes français construit en France. Il était situé à Courdimanche, dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise). Inauguré le 20 mai 1987, il ferma définitivement ses portes le 20 octobre 1991, après cinq saisons seulement d'exploitation et de nombreux rebondissements.

Mirapolis était novateur en étant lancé cinq ans avant l'arrivée en Europe de l'Euro Disney Resort. Il est considéré comme le premier grand parc d'attractions français. L'idée d'un méga parc à thèmes, à l'américaine, a germé dans la tête de l'architecte Anne Fourcade au début des années 80 après une visite à Disneyland en Californie. Inspirée par le concept de royaume enchanté, elle se lançait dans la conception de son projet qui serait un parc à connotation culturelle, consacré aux légendes régionales. Dès 1984, le projet fut soutenu et financé en partie par un milliardaire, l'homme d'affaires saoudien Ghaith Pharaon.

LES ARCHIVES.

Les médias ont commencé très tôt à suivre le projet. En 1985, les premiers reportages décrivaient le domaine agricole de 55 hectares qui avait été choisi pour construire le parc. Dans les premiers communiqués de presse, il était prévu de l'étendre sur 90 hectares, avec 21 attractions, dont deux inédites en Europe et d'accueillir deux millions et demi de visiteurs la première année. Mirapolis devait être ouvert d'avril à octobre et employer 800 permanents.

L'archive disponible en tête d'article date de mai 1985, elle évoque le projet, le montant du budget et les différents investisseurs. Situé à proximité de Cergy-Pontoise, on promettait qu'il serait le premier parc relié par le métro, avec un accès facile au site grâce au RER A qui devait arriver « prochainement à Cergy ». En réalité, le RER n'a été achevé qu'en mai 1988, soit un an après l'ouverture du parc. Une fois arrivé à la gare, il fallait encore prendre une navette jusqu'au parc.

Le terrain était viabilisé et les travaux débutés dans les deux mois. De fait, les engins de chantier sont arrivés sur l'ex-terrain agricole le 15 juillet, à la fin de la dernière moisson.

Dans cette archive, devant le plan du projet, nous découvrons Anne Fourcade, l’initiatrice du parc. Elle relatait la genèse du projet, « un rêve d'enfant ». Ce parc d'attractions et de rencontres, elle l'envisageait comme un lieu « dans lequel tous les visiteurs, petits et grands vont pouvoir rêver, jouer, voir le fantastique et surtout avec des nouvelles technologies leur donner un espace de rêve et de fête... ».

Il n'y aurait pas de personnages de BD, mais un palais des merveilles et son théâtre de 1200 places, le voyage dans le futur, Gargantua, Dame Tartine et le jardin des sortilèges...

Un projet pharaonesque

Dans les mois qui suivirent, les JT relayèrent les étapes de la construction du parc avec intérêt. À l'image du reportage ci-dessous qui montre, par exemple, la plantation des quelque 20 000 arbres de la forêt de Brocéliande reconstituée en partie, ou l'avancée de la fabrication des attractions, comme le célèbre Gargantua de 35 mètres de haut et son ventre creux visitable en funiculaire, en haut duquel les visiteurs pourraient admirer le point de vue.

Mirapolis Cergy Pontoise
1985 - 00:00 - vidéo

Le jour de la pose de la tête de Gargantua, 11 mètres de haut et 38 tonnes, FR3 est présente. Sur le chantier, on aperçoit déjà le chapiteau, le château des sortilèges, avec les inventions de Léonard de Vinci, ou encore un bâtiment consacré aux légendes bretonnes avec les chevaliers de la table ronde ou les mystères de la ville d’Ys. Au total 35 attractions, sans oublier les manèges et les buvettes. Le billet d’entrée était établi à 85 francs (environ 26 euros).

Dossier Mirapolis
1986 - 02:33 - vidéo

En février 1986, Guy de Boisgrollier a été désigné directeur général de Paris-Parc, il n'a pas peur de la concurrence de Disney : « La concurrence est quelque-chose qui va nous mobiliser pour essayer d’être meilleurs. Je ne pense pas que le fait d’aller chez Disney passer deux jours empêchera les gens de venir passer un jour ou deux chez nous. »

Des débuts mouvementés

Mirapolis devait ouvrir au public en mai 1987. Un mois avant apparaissaient les premières déconvenues, avec une énorme difficulté à recruter le millier de personnels prévus (800 pour l'animation, la restauration, la vente et 200 permanents pour la maintenance, la sécurité, le nettoyage).

Une semaine avant l'inauguration, FR3 Île-de-France présentait les premières images des attractions. L'occasion de découvrir en avant-première la « vue imprenable » depuis le sommet de la tête Gargantua.

Mirapolis
1987 - 00:00 - vidéo

Le 20 mai, le premier ministre Jacques Chirac se déplaçait en personne pour inaugurer le parc. Le 21 mai, Mirapolis ouvrait enfin au public. Mais tout n'allait pas se passer comme prévu. C'était sans compter sur le coup de colère des forains menés par Marcel Campion venu dénoncer une concurrence déloyale. En effet, lors des pourparlers pour l'implantation d'Euro Disneyland, l'État avait concédé une baisse du taux de la TVA à 7 % pour les parcs de loisirs, alors que les forains payaient une TVA à 18,60 %.

Près de 200 forains débarquèrent donc dans le parc, armés de barres de fer. Ils cassèrent et saccagèrent les installations flambant neuves. Ils jetèrent du sable et de la lessive dans les mécanismes, puis s'en prirent au groupe électrogène, aux canalisations d'eau, aux câbles électriques. Rien ne leur échappèrent. Suivront des rixes avec des membres du personnel de sécurité, et plus tard, avec les forces de police appelées en renfort. Un fiasco !

Des mauvais bilans dus à la météo !

Le coût de ces incidents sera estimé à 650 000 francs (environ 190 000 euros) à ajouter au préjudice commercial d'un million de francs dû aux annulations de visites. Le reste de la saison ne fut pas meilleur. À la mi-octobre, à la clôture, le parc n'avait pas atteint ses objectifs. Le public n'était pas au rendez-vous : 600 000 touristes rendirent visite à Gargantua, soit moins du tiers qu'attendu.

Deux mois après l'ouverture, le bilan était mitigé. Le 25 juillet 1987, après la diffusion d'un reportage particulièrement humiliant et très critique, Guy de Boisgrollier, le directeur de Mirapolis, présentait son bilan. S'il reconnaissait la faiblesse du nombre de visiteurs, il l'attribuait, de manière très étonnante, à la pluie abondante tombée cette année-là. Il bottait en touche lorsque la journaliste qui l’interrogeait sur le manque d'attractivité du personnage de Gargantua ou des légendes régionales. Le PDG se montrait toutefois optimiste tout en expliquant (tranquillement) qu'ils ne faisaient rien de particulier « pour remonter la barre », comptant sur le soleil !

Guy de Boisgrollier directeur de Mirapolis
1987 - 00:00 - vidéo

« Mirapolis peut tenir le coup longtemps... »

Malheureusement, le soleil ne fut pas un partenaire très fiable. Dès la saison suivante, en 1988, Guy de Boisgrollier quittait la direction et le Club Med était désigné à la tête de Mirapolis par les investisseurs. L'optimisme était revenu à grand renfort de campagne de pub et de communication. Les people conviés à tester les attractions se succédaient dans le looping de 900 tonnes. Carlos et Johnny Hallyday furent les premiers à tester le tout nouveau « Roller coster, Mira-looping». Le rocker y perdra d'ailleurs ses lunettes.

Johnny Hallyday Mirapolis
1988 - 01:59 - vidéo

Les Campion rachètent le parc

Le Club Med réussit à faire venir un million de visiteurs, une première pour un parc d'attractions français. Malgré cette augmentation de la fréquentation, l'équilibre fixé à 1,1 million fut encore raté. Un accord fut donc signé en décembre 1988 entre le directeur Marc Tombez et Marcel Campion, à la tête d'un collectif d'une douzaine de familles de forains, charge à eux de reprendre le parc. Ils participèrent aux investissements en installant leurs manèges dans le parc.

À la fin de la saison 1989, la fréquentation accusait une baisse de 30 % et les investissements des forains ne suffisaient pas à maintenir le parc à flot. En décembre 1989, le tribunal de commerce de Pontoise nommait un nouvel administrateur judiciaire. Le bilan d'activité du parc d'attractions était toujours aussi mauvais, avec à peine 600 000 visiteurs. « Gargantua a vu plus gros que son ventre » ironisait un journaliste dans un sujet de FR3. De fait, avec un déficit de plusieurs millions et un dépôt de bilan. Gargantua le dépensier se retrouvait effectivement sur la paille. Après une période d'observation, il fut décidé que l'administrateur fraîchement nommé devrait décider d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation.

Le 7 avril 1990, les forains accueillaient les premiers visiteurs alors que la décision de justice concernant l'avenir du parc n'était pas encore tombée. En mai, le tribunal de commerce leur accordait la reprise du parc. Une fois de plus, le JT de FR3, annonçait la nouvelle et dressait le portrait des Campion, forains depuis cinq générations. Marcel Campion expliquait qu’il voulait prouver que des professionnels pouvaient relancer le parc.

Les forains achètent Mirapolis
1990 - 01:46 - vidéo

« Le saccage du Mirapolis c'étaient eux, ironie du sort aujourd'hui, ils investissent 70 millions de francs pour reprendre le parc déclaré en faillite ».

Pour pouvoir racheter Mirapolis, le groupe Campion-Concorde s'était associé au milliardaire Ghaith Pharaon (75% pour les forains et 25% pour Pharaon). Mais début juillet 1990, il annonçait son désistement et laissait les forains seuls propriétaires de Mirapolis, alors que leur reprise était conditionnée à sa caution financière. Par la suite, Mirapolis a été progressivement délaissé, des restaurants, des attractions régulièrement fermés. Ce laisser-aller accéléra la fin du parc.

En décembre 1991, Marcel Campion annonçait la faillite de Mirapolis. Les forains, derniers repreneurs en date, ne souhaitaient pas poursuivre cette coûteuse aventure à la veille de l'ouverture d'Eurodisney. Sur les deux millions de visiteurs attendus chaque année, ils n'avaient été que 400 000. En deux ans, Marcel Campion avait perdu 350 millions de francs cumulés.

Pantagruel décapité...

Fermé fin 1991, le géant bedonnant est resté seul dans les ruines du parc oublié de tous, jusqu'à 1995. En août de cette année-là, laissé à l'abandon, le parc d'attractions de Mirapolis allait être définitivement supprimé et rasé. Dans quelques jours, la tête de Gargantua serait dynamitée. Il ne resterait bientôt plus rien du parc de 50 hectares.

Depuis sa destruction, le parc de Mirapolis est régulièrement occupé par les gens du voyage. Il est aussi le théâtre d'exercices de la gendarmerie, de la police et des pompiers.

Mirapolis démolition programmée
1995 - 00:00 - vidéo

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