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Maryse Condé : «Le combat va durer bien plus longtemps que ma vie»

Maryse Condé : «Le combat va durer bien plus longtemps que ma vie»

L’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé est morte dans la nuit du 1er au 2 avril 2024. L'autrice plusieurs fois pressentie pour le prix Nobel de littérature était considérée comme une figure majeure de la littérature francophone. Son œuvre abordait l’Afrique, l’esclavage et les multiples identités noires.

Par Florence Dartois - Publié le 03.04.2024
Gros plan : Maryse Condé - 1984 - 00:00 - vidéo
 

L'AUTEURE.

L’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé, morte le 2 avril 2024, avait vécu en Afrique, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis avant de s'établir en France métropolitaine. Plusieurs fois pressentie pour le prix Nobel de littérature, elle était considérée comme une figure majeure de la littérature francophone.

Née à Pointe-à-Pitre le 11 février 1934, elle avait abordé, dans une trentaine de livres, des thématiques récurrentes telles l’Afrique, l’esclavage et les multiples identités noires. Elle était également très connue aux États-Unis, où elle avait fondé et dirigé un centre d’études francophones à l’université de Columbia.

Maryse Condé avait entamé sa carrière d'auteure tardivement, à 42 ans grâce à son nouveau compagnon - et traducteur - Richard Philcox. Elle avait d’abord publié Hérémakhonon, en 1976, puis Ségou (1984-1985), un best-seller sur l’empire bambara au XIXe siècle au Mali ou Moi, Tituba sorcière noire de Salem (1986). En 2018, elle avait reçu le « nouveau prix de littérature » créé par le comité suédois du Nobel en pleine crise #MeToo.

L'ARCHIVE.

L'archive disponible en tête d'article est un reportage consacré à Maryse Condé et diffusé dans « RFO Hebdo » le 10 juin 1984, alors que paraissait Ségou. Il permet de suivre l'écrivaine dans son quotidien : au marché, en train de cuisiner, lors d'un repas avec ses filles et de découvrir ses centres d’intérêts personnels et littéraires.

Dans son dernier ouvrage historique, il était déjà question d'esclavage (un thème récurrent dans son œuvre) et des Antilles, comme elle l'expliquait très bien : « Elle se passe dans le royaume de Ségou, mais elle concerne des Antillais, bien-sûr, parce qu'elle concerne le passé des Antillais avant la grande cassure, évidemment l'esclavage. Nous étions peut-être des Bambaras, nous étions peut-être dans toute cette région, nos ancêtres y étaient peut-être. Donc, elle nous touche. »

Cet ouvrage, elle l'envisageait aussi comme un motif à réflexion pour la communauté noire : « Il faut que les Antillais, les Africains, les noirs en général réfléchissent un peu sur l'évolution de leur peuple. À savoir comment, de bâtisseurs d'Empire à la fin du XVIIIᵉ siècle, ils sont maintenant devenus les sujets de pays sous-développés, de pays traumatisés par beaucoup de maux » et qu'on ait tendance à oublier la culture africaine et « toute la richesse du patrimoine spirituel, des Maliens, des Bambaras ».

Cultivée, mais pas intellectuelle

La suite du reportage se poursuivait dans les studios de RFI, l'occasion pour elle de donner sa définition de la culture antillaise, une « culture composite et tout à fait originale, une création d'Africains dans un univers différent, soumis à des influences diverses qui donnait à ses yeux une culture à part entière ».

Au terme du reportage, Maryse Condé était filmée lors d'une conférence de rédaction pour le mensuel Africa édité à Dakar pour lequel elle collaborait alors. C'était une autre manière de partager son avis sur les problèmes du moment liés à l'Afrique, mais elle réfutait le terme d'« intellectuelle pure », une expression qu'elle réservait aux « hommes isolés dans leurs cabinets ». À ses yeux, la femme ne pouvait pas être qualifiée - ou réduite à cela - elle précisait que la femme qui écrivait devait être polyvalente, comme c'était son cas, et devait aussi assurer la gestion du quotidien. Le lot de toutes les femmes : « Le matin, elle fait ses courses, elle va au marché et puis elle fait aussi la lessive... Je ne crois pas qu'une femme ne soit jamais une intellectuelle pure. Ça, c'est une idée d'homme. Alors moi, je crois que je suis simplement une femme qui fait beaucoup de choses. Et comme la plupart des femmes d'ailleurs. »

« En croyant fuir, je me suis retrouvée »

Voici d'autres archives où Maryse Condé s'exprime et revient sur son parcours.

Comme par exemple dans l'archive ci-dessous, extraite d'« Itinéraires » en novembre 1985, où elle revient sur ses origines guadeloupéennes, sa vie en Afrique et aux États-Unis.

Maryse Condé : des Antilles à l'Afrique
1985 - 00:00 - vidéo

« Je cherchais un régime où le peuple africain serait en harmonie pour lui-même... je suis allée de déception en déception... le combat va durer bien plus longtemps que ma vie ».

Ci-dessous, voici un dialogue entre Manu Dibango et Maryse Condé, en 1986, à propos de Moi, Tituba, sorcière noire de Salem :

Manu Dibango : lecteur de Maryse Condé
1986 - 00:00 - vidéo

Enfin, Maryse Condé évoque son expérience américaine dans « Encre noire », sur RFA en 1994. Le climat politique qui lui a déplu en tant que femme de gauche. La grande liberté qu'elle y a éprouvé. L'enseignement à l'université de Virginie et la curiosité des étudiants américains pour la culture antillaise.


 

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