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28 décembre 1967 : vote de la loi Neuwirth sur la contraception

28 décembre 1967 : vote de la loi Neuwirth sur la contraception

Adoptée le 19 décembre 1967, la loi Neuwirth était votée le 28 décembre 1967. Cinq ans plus tard, le 8 mars 1972, le décret sur la contraception légalisant la vente de la pilule et autres méthodes anti-conception entrait en vigueur en France. Retour sur l'un des plus importants acquis féminins du XXe siècle.

Par Florence Dartois - Publié le 28.12.2022
 

L'ANNIVERSAIRE.

Parce que « la contraception empêche le train de partir alors que l'avortement le fait dérailler », le député Lucien Neuwirth propose en 1967 une loi légalisant la contraception médicalisée. Malgré bon nombre d'opposants, cette loi est adoptée le 28 décembre de la même année. Il faut dire qu'à cette époque, la question de la maîtrise de la procréation est épineuse. Son principal obstacle étant la loi de 1920 qui limitait l'accès à la contraception et réprimait l'avortement. Mais l’indicible et l'illégalité étaient de moins en moins acceptés par des femmes qui revendiquaient ouvertement le droit d'avoir « un enfant si je veux, quand je veux ». C'est ainsi que, porté par ce mouvement d'opinion, Lucien Neuwirth plaida le dossier sur la contraception auprès du général de Gaulle. L'archive à découvrir en tête d'article revient sur cette date importante pour les femmes.

L'ARCHIVE.

Dans cette rétrospective, Lucien Neuwirth évoquait notamment son entretien avec le général de Gaulle à ce sujet décrivant leur dialogue : « Vous avez donné le droit de vote aux femmes, maintenant il faut leur donner le droit de maîtriser leur fécondité ». Le général lui avait répondu favorablement, lui laissant carte blanche : « Oui, transmettre la vie, c’est quelque chose d’important, il faut que ce soit un acte lucide. »

L'ancien parlementaire racontait avoir découvert l'existence de la contraception en Angleterre pendant la Seconde Guerre mondiale alors qu'il appartenait aux Forces Françaises Libres, puis à la fin de la guerre aux États-Unis. De retour en France et participant à la commission d'aide sociale pour les divorces, il s'était rendu compte que les grossesses non désirées étaient l'une des causes des conflits familiaux et s'était étonné que la contraception n'existe pas dans l’hexagone. C'est à cette époque qu'il avait pris connaissance de la loi de 1920 qui faisait « un amalgame entre la contraception et l'avortement », expliquait-il dans cet entretien. Cette loi « réprimait fortement la contraception, interdisait même d'en parler et aller plus loin, puisqu'en France, en formation médicale, on ne parlait pas de la contraception », ajoutait-il. Partant de ce constat, il s'était promis que le jour où il en aurait les moyens, en devant parlementaire, il supprimerait la loi de 1920.

Le Président de la République allait ordonner que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour. Mais les débats à l'Assemblée seraient houleux. Certains parlementaires regrettant « qu'un tel projet ne puisse pas être discuté à huis clos comme aux Assises quand il s'agit d'une affaire de mœurs » et affirmant que « les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilité féconde et les femmes ne seront plus que des objets de volupté stériles ».

Quoiqu'il en soit la loi Neuwirth fut votée et scella la libéralisation de la contraception en France. Il faudra attendre le 4 décembre 1974 pour que la contraception soit véritablement libéralisée et remboursée par la Sécurité Sociale, sept ans après son autorisation. Et attendre la loi Veil de 1975 pour que l'IVG et la publicité sur les moyens de contraception soient légalisées.

En France, selon les chiffres Statista de décembre 2021, la pilule représente aujourd'hui la méthode contraceptive préférée des Français et la plus utilisée par les femmes. Mais 8% des personnes interrogées affirment encore n'utiliser aucun moyen de contraception, tandis que la pilule combinée avec le préservatif n'est utilisée que par environ 4 % des Françaises.

Le dossier de la pilule

Dans cette seconde archive d'avril 1967, le député Lucien Neuwirth est interrogé par Pierre Dumayet dans l'émission « Lectures pour tous » à propos de son livre Dossier de la pilule, qui décrit en détail sa proposition de loi, relative à la régulation des naissances, visant autoriser et à libéraliser le recours à la contraception. Il revient sur le contexte de son texte qui s'inscrit en opposition à la loi de 1920.

Pilule : une menace pour les hommes ?

Malgré la loi, il fallait encore changer les mentalités, surtout celle des hommes que la pilule effrayait. L'archive ci-dessous date de 1973, soit cinq ans après le vote de la loi autorisant la contraception. Dans le documentaire « Les femmes en colère » diffusé dans le magazine d'actualité « Magazine 52 », le contraste était frappant entre la volonté des femmes de reprendre le contrôle de leur fertilité et la peur des hommes de perdre leur pouvoir sur leurs compagnes. Ainsi, un mari se déclarait contre la pilule par « peur que sa femme le trompe ». Plus étonnant, même réticence du côté des jeunes. Un jeune garçon déclarait : « Moi, je suis contre la pilule parce que je pense que le mari et la femme doivent savoir se restreindre s'il le faut. Et pour les jeunes filles qui ne sont pas mariées, elles aussi elles doivent se restreindre jusqu'à ce qu'elles soient mariées. » Du côté du corps médical, un médecin du planning familial déplorait que peu de femmes de sa région aient alors recours à la contraception.

Avis sur la contraception
1973 - 02:47 - vidéo

Le carcan de la loi de 1920 :

Au sortir de la Première Guerre mondiale, cette loi « anti-avortement » de 1920 s'affiche comme une mesure de circonstance, censée relancer la natalité, mais aussi interdire toutes informations sur les méthodes contraceptives. Le seul moyen alors pour les femmes est de recourir à l'avortement clandestin. Une solution aux conséquences trop souvent funestes. Face à ce constat, le Dr Marie-Andrée Lagroua-Weill-Hallé va tenter de diffuser en France les principes du « Birth Control » américain. Elle fonde en 1956 la « Maternité heureuse » qui deviendra en 1960 le Mouvement français pour le planning familial. Outre la diffusion de l'information sur les moyens anticonceptionnels, l'association fournit clandestinement les femmes en contraceptifs.

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