Aller au contenu principal
Débat sur le droit de la guerre en 4 extraits sonores passionnants

Débat sur le droit de la guerre en 4 extraits sonores passionnants

Depuis l'Antiquité, ce que l'on appelle le droit de la guerre tente de limiter les effets dévastateurs et meurtriers des conflits armés. Cet ensemble de textes de lois, en général coutumiers, constituent le socle sur lequel s'entendent les nations ennemies lorsqu'elles sont en guerre.  Au fil des siècles, ce droit a dû évoluer pour prendre en compte la modernisation des pratiques guerrières, l'évolution des armes, le sort des combattants et des civils, désormais touchés par les conflits de masse. Le débat radio que nous vous proposons de découvrir décrit les grands principes du droit de la guerre et la difficulté de son application.

Par Florence Dartois - Publié le 25.10.2023
 

Nous partageons ci-dessous quelques archives radio extraites de l'émission d'Antoine Garapon « Le bien commun », diffusée le 23 mars 2003. Le thème de ce débat enregistré au salon du livre était : « Droit de la guerre et non droit de la paix ». Autour du micro se trouvaient Françoise Bouchet-Saulnier, juriste à Médecins sans frontières (MSF) qui évoquait la Cour internationale pénale (CIP). À ses côtés, Hervé Ascencio, professeur à l'université Paris XIII. Ce débat passionnant permet de préciser quelques points fondamentaux du droit de la guerre autour de quelques thématiques.

La première question débattue était de savoir comment déterminer si un objectif était civil ou militaire ? Dans ce premier extrait, à écouter en tête d'article, Françoise Bouchet-Saulnier et Hervé Ascencio répondaient d'un point de vue juridique à cette interrogation. La juriste évoquait les critères précis fixés par les Conventions de Genève dans le règlement juridique de la guerre : la légitimité de l'action, la contribution effective qu'une destruction, un pont par exemple, dans la conduite d'une guerre, mais aussi l'avantage militaire acquis. Autre point évoqué : comment déterminer si les dégâts faits aux civils sont proportionnels par rapport à cet avantage militaire supposé ?

D'autres aspects étaient abordés dans cette archive : l'importance des juristes dans les états-majors, le problème juridique de la question des frappes chirurgicales. Ils évoquaient aussi la question des « bombes intelligentes » et leur fiabilité technologique, pas toujours avérée. Une évolution qui avait mené à l'émergence de la notion de « dégâts non intentionnels » dans le droit.

Françoise Bouchet-Saulnier soulignait aussi l'importance du langage utilisé dans le droit pour définir les limites d'une guerre où « tous les coups sont permis. Elle déclarait : « Les mots ne sont jamais innocents dans la guerre. Et c'est pour ça que le droit est important. Parce que le droit, c'est aussi la guerre des mots. C'est-à-dire, c'est donner un sens juridique au mot bombe intelligente et frappes chirurgicales. »

Enfin, l'échange s'engageait sur le droit de la guerre du point de vue des attaqués, car la défense ne procure pas une immunité totale, mais elle implique aussi des obligations.

Toutes les armes sont-elles autorisées dans un conflit ?

Voilà la question débattue dans la suite du débat, avec une interrogation capitale : le droit n'est-il pas dépassé par la rapidité des avancées technologiques ? Françoise Bouchet-Saulnier et Hervé Ascencio exposaient des points de vue différents. Il était notamment question des armes qui perdurent après les conflits, comme les mines, qui sont, de ce fait, illégales.

Pour Françoise Bouchet-Saulnier, le droit était là pour « suivre les avancées humaines » en matière de conflit, avec un devoir de s'adapter : « C'est normal que le droit ne prévoie pas à l'avance les conneries que les gens vont faire ou inventer. L'imagination ça ne se réglemente pas, heureusement. Donc, par contre, le droit fixe toujours des règles. Après, on avance par analogie, c'est-à-dire qu'on étend l'interprétation ».

Elle abordait le travail du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en la matière. Son rôle étant principalement de déterminer la compatibilité d'une nouvelle arme avec les textes existants, sorte de procédure d'homologation. Les deux intervenants évoquaient les questions légales concernant le statut des armes tactiques nucléaires, les « cluster bombes » utilisées par les USA (bombes qui contiennent d'autres mini-bombes dispersées), ou la E-bomb (Electromagnetic Bomb par micro-ondes).

Règles communes et respect du droit international dans un conflit

L'une des difficultés du droit de la guerre est d'être parfois émis par différentes sources et de ne pas être reconnu par tout le monde. Comment concevoir un droit des conflits accepté de tous et appliqué ? Hervé Ascencio soulignait que les Conventions de Genève, par exemple, étaient entrées dans le droit coutumier, tout en reconnaissant que les protocoles additionnels du 8 juin 1977, relatifs à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, étaient davantage contestés.

Au cours du débat Françoise Bouchet-Saulnier expliquait la différence entre le droit de la guerre et la notion de crime de guerre : « Le droit de la guerre, c'est quand on peut encore faire quelque chose. Le crime de guerre, c'est quand les gens sont morts (...) Mais le droit de la guerre ne se limite pas à la sanction des crimes de guerre parce que quand c'est commis, c'est trop tard ». Désormais, avec la Cour Pénale Internationale, il est devenu possible, sur la base de ces textes ratifiés de contester l'arbitraire des armées en campagne ou des super-puissances. Le Statut de la CPI est entré en vigueur le 1er juillet 2002, après la ratification de 60 États, dont la France.

Hervé Ascencio soulignait un autre point juridique important, celui de la responsabilité individuelle des combattants, car le crime de guerre engage leurs actes individuels et leur responsabilité pénale : « J'ai une responsabilité personnelle qui peut être engagée, c'est-à-dire que chaque décision que je prends peut être contestée, éventuellement engager ma responsabilité pénale, à un moment ou un autre, devant une juridiction interne ou internationale. Et ça, c'est modifier, je crois, entièrement la compréhension du conflit armé de la façon dont on doit agir. »

La surveillance et les secours lors d'un conflit

Le droit de la guerre change-t-il réellement quelque chose sur le terrain ? Quels mécanismes efficaces peut-on concevoir pour l'application d'un droit pendant le conflit ? Telles sont les questions posées dans l'archive ci-dessous, toujours extraite du débat diffusé le 23 mars 2003 dans l'émission « Le bien commun » sur france culture.

Sur ce point, Françoise Bouchet-Saulnier, juriste chez MSF, soulignait qu'il était important qu'il y ait d'autres acteurs que les belligérants sur les champs de bataille pour permettre les secours et l'assistance, mais aussi pour assurer une fonction d'observateur privilégié. Ces acteurs étaient en priorité les associations humanitaires, à l'image du CICR, le Comité international de la Croix-Rouge. Pendant les conflits, c'était à lui, et à d'autres organisations de secours, que revenait la mission de trianguler cette relation entre les belligérants et la protection des civils, tout en assurant une surveillance, une contestation et une limitation des agissements de l'armée si besoin. Hervé Ascencio insistait sur un autre point, l'obligation de neutralité du CICR qui lui paraissait indispensable pour que les différents acteurs acceptent de faire visiter les camps de prisonniers, de donner accès à certains lieux et de rendre des comptes le cas échéant.

L'échange se terminait par l'évocation du poids des opinions publiques sur l'évolution d'un conflit et sur les acteurs de terrain et sur le rôle déterminant des organisations humanitaires ou des journalistes présents sur le terrain sur cet aspect. Charge à eux d'effectuer un véritable travail de clarification de l'information pour ne pas subir de désinformation. « Je pense qu'aujourd'hui, il est très important de savoir sur quelle base on conteste. On limite l'usage de la force parce qu'on est là. On a aussi atteint des capacités de destruction qui sont majeures et qui, comme elles sont faites au nom de l'opinion publique et de plus en plus au nom de valeurs très nobles : la démocratie, les droits de l'homme, la justice, la paix. Il est très important que les opinions publiques rentrent dans ce débat sur la fin et les moyens », concluait la juriste.

À quoi sert le droit de la guerre ? Petite histoire juridique des conflits

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.