C'était une nouvelle régression du droit des femmes qu’avait ordonné le chef suprême des talibans afghans. Samedi 7 mai 2022, Haibatullah Akhundzada a rendu obligatoire le port du voile intégral pour les femmes dans l’espace public, une mesure que les talibans avaient déjà imposée lors de leur premier régime, entre 1996 et 2001.
Le voile intégral, en Afghanistan, c’est le traditionnel tchadri, plus connu sous le nom arabe de burqa, qui ne laisse apparaître du corps des femmes que leurs mains et leurs pieds. Les femmes afghanes, principalement celles de l’ethnie pachtoune (l’ethnie majoritaire en Afghanistan, située principalement au sud-est du pays, et dont sont issus les Talibans) portent ce vêtement depuis de très nombreux siècles, sans que cette coutume ait été formellement rendue obligatoire. Au XXe siècle, une certaine occidentalisation des mœurs, surtout à Kaboul et dans les grandes villes du pays, avait fait reculer cette pratique. Mais avec la chute du régime pro-soviétique, en 1992, et le retour de la morale islamique la plus radicale, le port du tchadri s'est généralisé à nouveau parmi les femmes afghanes, jusqu’à être imposé pour toutes les femmes par les Talibans à partir de 1996.
Violence et discrimination
Témoignage de cette époque d’une dureté inouïe, l’un des nombreux reportages du journaliste Jérôme Bony, spécialiste de ce pays alors sous la coupe des Talibans, que nous présentons en tête de cet article. Un sujet diffusé sur France 2, le 8 mars 1998, et consacré à la condition des femmes, sans doute alors la plus dure au monde : « Rasant les murs, les femmes, sources de tentation impures, ne peuvent sortir de chez elles que couvertes de la tête aux pieds par le tchadri, le voile traditionnel afghan, qu’on avait un peu oublié à Kaboul ces dernières décennies », témoigne le journaliste. Alors qu’en ce début d’année 1998 les femmes sont déjà interdites d’étudier, de travailler, de circuler seules, elles se voient maintenant interdites de soins par le ministre de la santé.
Vivant logiquement « dans un climat entretenu de peur et de culpabilité, c’est seulement dans les camps de réfugiés, au Pakistan, que les femmes peuvent témoigner ». Une infirmière, Nouria, explique à la caméra de France 2 les raisons qui l’ont poussé à quitter son pays : « Un jour, je me rendais à un séminaire, je portais le tchadri. Je marchais dans la rue, et soudain quelqu’un m’a donné un coup de fouet sur la tête. C’est alors que j’ai décidé de quitter Kaboul. »
Cette violence des hommes contre les femmes, qui imprègne depuis si longtemps la société afghane, se voit renforcée encore par cette discrimination devant les soins, une mesure décidée durant l'automne 1997 par le ministère de la Santé taliban, qui décide que les femmes n’ont dorénavant plus le droit d’être soignées dans les mêmes hôpitaux que les hommes. Le visage flouté, un médecin afghan témoigne ainsi avoir dû refuser de soigner au seul motif que ses patientes étaient des femmes. De même, bon nombre d’infirmières ont été licenciées par le pouvoir taliban. L’exercice de la médecine, comme toute profession d’ailleurs, est réservé aux hommes.
Ce que Dieu dit
Dans leur exil pakistanais, devant la caméra de France 2, d’autres femmes témoignent. « Ici, explique Jérôme Bony, le tchador [vêtement traditionnel d'origine iranienne qui laisse visible le visage] est comme un signe de libération, découvrant les visages de l’incertitude, et de la douleur. » Pour cette jeune femme, Wana, la coutume du tchadri ne dérive pas des préceptes de l’islam : « Je fais ce que Dieu me dit, et Dieu me dit seulement de cacher les cheveux, pas le visage. »
En 2001, la chute du régime taliban marque une amélioration de la condition féminine, principalement dans les grandes villes d’Afghanistan. Le port du tchadri régresse à nouveau à Kaboul, mais les femmes qui s’engagent dans la société civile sont la cible des Talibans, toujours actifs dans les campagnes, et de tous ceux, nombreux, qui refusent l’évolution des mœurs : agressions, lynchages, meurtres, tel est le sort encore réservé à de nombreuses femmes par la société. Jusqu’au rétablissement au pouvoir des Talibans à l’été 2021, pour les femmes un retour aux pires heures de l'histoire afghane de ces dernières décennies.
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