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17 août 1951 : vent de folie inexpliqué à Pont-Saint-Esprit

17 août 1951 : vent de folie inexpliqué à Pont-Saint-Esprit

Que s'est-il passé dans la tranquille bourgade de Pont-Saint-Esprit dans le Gard en ce mois d'août 1951 ? Car le 17 août, les salles d'attente des médecins sont soudainement pleines. Ainsi débute l'incroyable histoire du "pain maudit".


Par la rédaction de l'INA - Publié le 13.08.2021 - Mis à jour le 20.08.2021
L'affaire du pain maudit de Pont Saint Esprit - 1960 - 04:59 - vidéo
 

Nous sommes à la mi-août dans la cité médiévale de Pont-Saint-Esprit. De manière inexpliquée une grande partie des habitants commencent à souffrir de douleurs atroces, de coliques. A ces symptômes déjà inquiétants s'ajoutent bientôt des crises de démence et des décès. Les trois médecins de la ville, les Docteurs Gabbaï, Vieu et Chavac se réunissent pour tenter de comprendre ce qui se passe. Tous trois constatent les mêmes maux : vomissements, coliques, violents maux de tête, picotements, et même hallucinations… Leur conclusion : il s'agit d'une intoxication alimentaire. Oui mais provoquée par quoi ? Leurs doutes se portent rapidement sur Roch Briand, le boulanger de la Grand'Rue. 

L'archive que nous vous proposons en tête d'article date de 1960, soit neuf ans après les faits. Des témoins directs relatent cette affaire qui défraya la chronique. Le docteur Vieu d'abord, qui raconte avoir très vite alerté le boulanger que son pain devait être toxique : "Effectivement ce pain rendait fou. On reparlait du mal des ardents". Vient ensuite un Spiripontain qui raconte commente il a vécu ses crises de folie : "J'ai été 21 jours sans dormir… Mes nuits, je les ai passées à compter, à murmurer le mot de "saxophile", ce qui ne veut strictement rien dire." Heureusement, il lui restera assez de conscience pour ne pas se jeter dans sa cage d'escalier. A ses côtés, sa fille, 5 ans à l'époque, avait souffert elle aussi d'hallucinations, "voyant du sang qui tombait du plafond…".

Mais tout le monde ne s'en sortira pas aussi bien qu'eux. La première mort survient trois jours plus tard. On cherche des responsables. Le boulanger ? Le meunier ? Le 20 août, Albert Hébrard, le maire, fait fermer les boulangeries de la ville, où l'on doit désormais manger des biscottes. La nuit du 24 août est terrible, la ville de 3400 âmes perd littéralement "la boule" : "On était fadas". Les scènes d'hallucinations et de violences se multiplient. Certains battent leur conjoint, d'autres se jettent par la fenêtre, se brisant les jambes, un autre plongera dans le Rhône pensant échapper à des serpents… Les animaux domestiques aussi sombrent dans la démence. Des chats hirsutes font des bonds jusqu'au plafond tandis que des chiens attaquent des arbres…

En 1960, date de l'archive, après 9 ans de procédures, les victimes n'ont toujours pas été indemnisées : "Jamais je n'ai reçu la visite d'un policier…" déplore Monsieur Delaquis, de l'Association des victimes, atterré par les nombreux dysfonctionnements dans l'enquête. A l'époque, le boulanger vendait toujours son pain mais on ne savait toujours pas clairement ce qui avait été à l'origine de l'intoxication. 

Les hypothèses : ergot de seigle contre LSD

Il faudra attendre des années pour obtenir un début d'explication. Pour les spécialistes, l'ergot de seigle, un champignon parasite des céréales, aurait été responsable de ce drame. Au Moyen-âge, on l'appelait "le mal des ardents". Une hypothèse privilégiée en 1985.

En 2010, on en parlait encore ! Un journaliste américain avançait une nouvelle hypothèse tout à fait étonnante. D'après Hank Albarelli, cette démence collective aurait été provoquée par une expérience menée par les services secrets américains et qui serait à l'origine de cette intoxication. Une révélation que aurait été faite par deux anciens agents des services secrets : "Ils auraient pulvérisé par voie aérienne une mixture hallucinogène à base de LSD…"

Quoi qu'il en soit, faute de preuves concrètes, le mystère plane toujours sur cette affaire décidément hallucinante. Au total, il y a eu 7 morts et 250 personnes intoxiquées dans cette affaire de "pain maudit".

Florence Dartois

Pour aller plus loin :

Grand format : le mystère de Pont-Saint-Esprit. (30 mars 2010)


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