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La crise du canal de Suez

La crise du canal de Suez

Le 29 octobre 1956 débutait la crise du canal de Suez, avec l'intervention militaire d'Israël et des Franco-Britanniques contre l'Egypte de Nasser. Une victoire militaire vite suivie d'une déroute diplomatique.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 29.10.2006 - Mis à jour le 25.10.2019
 

Egypte, 1956. Sous-développé, le pays connaît une forte croissance démographique. A sa tête : Gamal Abdel Nasser. Après avoir renversé le roi Farouk, le 26 juin 1956, il a besoin de conforter sa position et son prestige auprès des Egyptiens et des autres pays arabes. Pour stimuler la croissance économique de son pays, il annonce le 26 juillet de la même année la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez. Son objectif : financer la construction d'un barrage qui favoriserait l'irrigation des terres égyptiennes : « La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est. Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres et ce canal est la propriété de l'Egypte », annonce-t-il. Mais la Compagnie du canal de Suez, détenue en majorité par des capitaux franco-britanniques, est une voie commerciale vitale, et les gouvernements respectifs de ces deux pays ne peuvent accepter la nationalisation.

Les intérêts de chacun

Pour les Britanniques, le commerce dépend essentiellement de la libre navigation sur le canal. Ils peuvent ainsi conserver leur influence sur de nombreux Etats de la région, tels que la Jordanie ou l'Irak, riches en pétrole. Les Français, en plus des questions commerciales, sont engagés dans la guerre d'Algérie et ne voient pas d'un bon œil l'influence de Nasser sur les rebelles du FLN. Les deux gouvernements franco-britanniques ont donc des intérêts politiques majeurs à défendre. D'autre part, la tension monte entre l'Egypte et Israël, que Nasser refuse de reconnaître. Les raids menés par les combattants égyptiens se multiplient et Nasser choisit de fermer le canal de Suez aux navires israéliens. Pour l'Angleterre et la France, Nasser apparaît donc comme une menace évidente à la stabilité en Orient.

Un scénario secret

Au cours des mois suivant la nationalisation de Suez, un plan secret est signé entre le Royaume-Uni, la France et Israël : c'est l'accord de Sèvres (du 21 au 24 octobre). L'Etat hébreu est autorisé à attaquer l'Egypte. Profitant de cet assaut « inattendu », la France et le Royaume-Uni lanceront un ultimatum aux deux belligérants pour qu'ils se retirent de la zone du canal. Si l'Egypte refuse, les troupes franco-britanniques entreront en action. Le 29 octobre, comme prévu, Israël envahit la Bande de Gaza et le Sinaï. Comme convenu lors de l'accord de Sèvres, le Royaume-Uni et la France proposent d'occuper la zone et de séparer les belligérants. Nasser rejette la proposition et donne ainsi un prétexte aux forces européennes de s'allier à Israël pour reprendre le contrôle du canal et renverser le régime en place. Le 31 octobre, la France et le Royaume-Uni entament une vague de bombardements sur l'Egypte, afin de forcer la réouverture du canal. Les forces européennes se rendent maîtresses de la zone de Suez : la défaite de Nasser semble inéluctable. Mais c'est sans compter sur la menace grandissante de l'Union soviétique qui, dès le 5 novembre, se propose d'intervenir militairement en faveur de l'Egypte.

La puissance soviétique change la donne

C'est la première fois que l'Union soviétique évoque ouvertement une possibilité d'offensive armée. Jusqu'alors, la politique de Staline a consisté à éviter de se confronter directement aux Occidentaux. L'URSS était parvenue diplomatiquement et par une aide militaire à se rapprocher de l'Egypte de Nasser et des autres pays arabes, au nom d'une lutte commune contre le colonialisme occidental. C'est pourquoi, dans la crise de Suez, la puissance rouge n'hésite pas à utiliser le « bluff » : elle menace la France, le Royaume-Uni et Israël d'employer la force nucléaire. Devant la montée des tensions de part et d'autre, les Etats-Unis, jusqu'alors passifs, entrent en jeu. Vexés de ne pas avoir été consultés au préalable, ils somment la France et le Royaume-Uni d'évacuer leurs forces. Pour accentuer leur pression, ils envisagent une vente massive de la livre sterling, ce qui provoquerait un effondrement de la monnaie britannique. Le Premier ministre Antony Eden renonce à maintenir ses troupes. Il en fait part à Guy Mollet, Président du conseil en France. Les Etats-Unis et l'URSS exigent alors l'envoi de Casques Bleus : c'est la première mobilisation des forces de l'ONU. Elles prennent en charge la remise en état du canal, qui sera rouvert à la navigation en avril 1957.

Conséquences géopolitiques

A l'issue de cette guerre, la France et le Royaume-Uni sont humiliés. La preuve est faite qu'elles ne sont plus les puissances dominantes dans cette région. Elles ne sont plus capables d'agir en toute liberté, sans l'aval des Etats-Unis. Désormais, ni les Russes ni les Américains ne les soutiennent dans leur politique de la canonnière, dont le but est de défendre des intérêts nationaux. Nasser, lui, triomphe. Même s'il n'a pas réussi à s'imposer militairement, il a su faire preuve d'habileté politique et diplomatique. Il gagne ainsi en prestige auprès des Etats arabes, tout comme l'URSS. L'« ours soviétique » deviendra un élément essentiel dans le jeu politique complexe du Proche-Orient...


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