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Pourquoi l'interdiction de vendre à perte a été décidée en 1963 ?

Pourquoi l'interdiction de vendre à perte a été décidée en 1963 ?

Élisabeth Borne a annoncé la réintroduction de la vente à perte pour le carburant, afin de contrer l'inflation des prix. Une pratique qui était interdite en France depuis 1963. Retour en archives sur un dispositif chargé au départ d'éviter la concurrence des grandes surfaces sur les petits commerçants.

Par Romane Laignel Sauvage - Publié le 18.09.2023
M. Fourcade au sujet du contrôle des prix - 1970 - 02:59 - vidéo
 

L'ACTU.

Avec l'inflation, le prix des carburants continue d'augmenter. Gazole et SP95-E10 atteignaient mi-septembre 2023 près d'1,93 euro en moyenne par litre. Pour réduire la pression de cette augmentation sur le portefeuille des Français, le gouvernement d'Élisabeth Borne a annoncé le 16 septembre qu'il permettrait aux distributeurs de vendre le carburant à perte, c'est-à-dire de vendre à un prix inférieur à leur prix d'achat. Et ce, dans l'espoir de faire baisser les prix à la pompe. Cette mesure sera effective à partir du 1er décembre pour une durée limitée de six mois.

L'interdiction de vendre à perte en France date de juillet 1963, lorsque le développement des magasins de grande distribution, qui pouvaient se permettre des prix bas, pesait sur la concurrence, et notamment sur les plus petites enseignes.

LES ARCHIVES.

« En ce qui concerne la vente à perte, vous savez que dans la législation française, depuis 1963, il est interdit à un commerçant de revendre un produit moins cher qu'il ne l'a acheté. » Dans l'archive de 1970 en tête d'article, l'ORTF faisait le point sur le renforcement de la législation sur les prix avec Jean-Pierre Fourcade, directeur général du commerce intérieur et des prix au ministère de l'Économie et des finances. Quelques années plus tôt, les premiers éléments de l’interdiction de la vente à perte avaient été instaurés via la loi de finances de 1963. À partir de cette date, la vente d'un produit à un prix inférieur à son prix d'achat par un commerçant était puni d'une amende.

Le développement de cette pratique, considérée par le droit français comme déloyale, avait suivi celui des hypermarchés. « Or, ces magasins de grandes surfaces, grâce à leur taille, et grâce à la diversité des produits qu'ils vendent ont la possibilité de pratiquer une concurrence très dure et parfois déloyale à l'égard des petits commerçants », expliquait Jean-Pierre Fourcade. L'idée était de pratiquer des prix qui « valent le déplacement ». En 1970, le gouvernement tentait donc de renforcer le dispositif en rendant plus efficace la constatation du délit de vente à perte.

L'espoir d'une réduction sur l'ensemble des prix

Il poursuivait : « C'est un délit, et nous estimons que c'est une condition de base de l'égalité dans les conditions de concurrence et de loyauté de cette concurrence. Nous allons à la fois intensifier le contrôle des ventes à pertes (...), nous allons rétablir l'égalité des chances entre toute forme de distribution et améliorer l'information et la protection des consommateurs. » Selon lui, aucune augmentation générale des prix n'était à prévoir : au contraire, il espérait qu'en « interdisant les ventes à perte du paysage commercial français qu'il y ait davantage de réduction sur l'ensemble des prix ».

Malgré son renforcement au fil du temps, la loi de 1963 pouvait être contournée, du fait d’imprécisions, notamment sur la notion de prix d'achat. En 1996, la loi Galland permettait de clarifier ce point et augmentait le montant des amendes payées en cas de non-respect de la loi.

La loi Galland
1997 - 03:39 - vidéo

Pourquoi vendre moins cher est parfois stratégique pour les distributeurs

En 1974, une opération sur les prix était proposée dans le Loiret pour combattre l'inflation. Il ne s'agissait pas de vendre à perte, mais simplement de proposer des produits à des prix plus bas qu'à l'ordinaire, à un « prix décroché ». Un propriétaire de supermarché dévoilait pourquoi ce type d'opération pouvait être avantageuse pour les commerçants : « On dit "l’îlot de perte dans un océan de profits". C'est un peu prétentieux de dire ça dans un petit magasin comme le mien, mais si ça nous impose un certain sacrifice sur ces articles-là, le consommateur lui prend cet article-là, mais prend également autre chose. Nous arrivons quand même à compenser notre marge. »

Opération commerciale "Je suis Franc"
1974 - 03:28 - vidéo

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