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Le «Poma 2000» de Laon : un téléphérique urbain avant-gardiste, mais trop coûteux

Le «Poma 2000» de Laon : un téléphérique urbain avant-gardiste, mais trop coûteux

En quête de nouveaux modes de transports urbains, plus écologiques, de nombreuses villes font le pari du téléphérique urbain. Plusieurs projets sont à l’étude à Toulouse, Grenoble ou Ajaccio. En France, Laon, située dans les Hauts-de-France, fut une pionnière en la matière et la première à se lancer dans ce nouveau type de transports en commun. En 1989, l'agglomération inaugurait l'unique prototype jamais utilisé en France. Une aventure au goût amer qui durerait 27 ans, à découvrir en archives.

Par Florence Dartois - Publié le 29.12.2022
POMA 2000 démarrage des travaux à Laon - 1983 - 01:40 - vidéo
 

L'ACTU.

En quête de modes de transport écologiques, pratiques et peu onéreux, de nombreuses villes font le choix du téléphérique urbain. Plusieurs projets sont à l’étude en France à Toulouse, Grenoble ou Ajaccio, mais également dans le monde comme en Amérique du Sud ou à Madagascar. Le leader du transport par câble est français, l’entreprise iséroise Poma, fondée dans les années 1930 par Jean Pomagalski. Elle est à l’origine des « œufs » et télécabines bien connues des skieurs. Dans une interview accordée à nos confrères de France info le 29 décembre, Fabien Felli, le président de Poma décrit les nombreux avantages de ces télécabines innovantes déclarant, « il est évident que ce mode de transport répond aux enjeux de mobilité d'aujourd'hui » car il est « bas carbone, électrique » et il « survole les obstacles, c'est-à-dire descendre une montagne mais, ajoute Fabien Felli, survoler les obstacles, c'est aussi survoler les autoroutes, une voie de chemin de fer, un fleuve ».

Un transport d’avenir qu’une ville de l’Aisne d’environ 30 000 habitants, Laon, avait adopté dès 1989 ! Il s'agissait du « Poma 2000 », un nom qui affichait bien son avant-gardisme. En 1979, le projet avait été imaginé pour remplacer l’ancien tramway abandonné en 1971. Cette unique ligne relierait la ville basse, où se trouvait la gare et la ville haute médiévale, toutes deux séparées d'un dénivelé de 100m. L’objectif était de fluidifier et de diminuer la circulation, et de rendre piétonnière une partie des rues de la ville haute. En novembre 1980, ministère des transports donnait son feu vert au lancement.

LES ARCHIVES.

Nous allons suivre l'avancée de ce chantier innovant à travers quelques archives glanées dans les JT de FR3 régions au fil des années. L’archive en tête d’article a été diffusée sur FR3 Picardie en janvier 1983 à l’occasion du démarrage des travaux. Ce sujet présentait le « transport en commun révolutionnaire de Laon » et montrait les premières images du chantier, les travaux de renfort et de soutien des ouvrages d’art préexistants. Le commentaire rappelait que le projet était parrainé par le ministère des Transports dans le cadre de sa politique de développement des transports en site propre, et notamment des transports urbains, avec les sociétés Creusot-Loire entreprise et la société Pomagalski, le constructeur grenoblois de remontées mécaniques. Le coût estimé « à 62 millions de francs en 1979 » était désormais chiffré à « 100 millions de francs en 1983 ».

« Poma 2000 » était en avance sur son temps, il était présenté comme entièrement automatique, sans conducteur. Le câblage de « l’œuf » garantissait une sécurité intégrale et une rapidité de déplacement. Pour les usagers, il n’y avait que des avantages en termes de ponctualité, de régularité et de fréquence.

En janvier 1981, le député-maire de Laon, Robert Aumont signait le marché du « Poma 2000 » qui relierait la gare à l’hôtel de ville en 3 minutes (contre 20 pour l’ancien tramway) à une vitesse de 36 km/h. Pour le préfet Hubert Husson c’était un pari et une vitrine, car ce téléphérique urbain était un prototype unique.

Des débuts prometteurs

Les premiers essais se déroulent en juillet 1984. C’est un succès. Le « Poma 2000 », mi-tramway mi- téléphérique, est inauguré en grande pompe en février 1984, en présence du président de la République, François Mitterrand. Mais les Laonnois ne testent les petites cabines bleues et blanches pour la première fois que le 26 mars 1983. À l’arrivée, les avis sont partagés.

Le 4 février 1989, après 10 ans de mise au point, la mise en service définitive s’opère avec « trois cabines, trois stations et 3,40 minutes de trajet » entre la gare et l’hôtel de ville. Un reporter de FR3 Picardie monte à bord en compagnie des passagers. Les images sont impressionnantes. À une fréquence de 2,30 minutes et 34 km/h « grâce à Poma, Laon entre dans le XXIe siècle » s’enthousiasme-t-il. Ce mini-métro ne fait pas que des heureux, des associations d’habitants dénoncent déjà des nuisances sonores, alors que d’autres espèrent un sursaut touristique. Les Laonnois, eux, se bousculent dans les cabines, entre railleries et émerveillement, l'ambiance est au beau fixe.

Des budgets explosés

10 ans plus tard, en 1999, le bilan du « Poma 2000 » est amer pour la municipalité. À l’usage, l’installation est un véritable gouffre financier. Jugé peu pratique par les habitants, les cabines ne transportent qu’un tiers des passagers prévus. Les coûts sont « 60% supérieurs à ce qui était prévu ». Un dépassement déjà dénoncé par la Cour des comptes en 1994. « La ville rembourse toujours des emprunts et devrait en plus combler un déficit », précise le commentaire du sujet ci-dessous, « 5 millions de francs par an, soit l’équivalent de cinq bus neufs », ajoute-t-il. Des contraintes subies et qui devaient encore augmenter avec le temps, car le Poma était un prototype unique qu’aucune autre ville n’avait adopté. De ce fait, la moindre pièce à changer coûtait extrêmement cher. On lui prêtait encore une dizaine d’années, « il risque de s’arrêter avant d’avoir été totalement payé » concluait le commentaire.

Pour ses 20 ans, en février 2009, FR3 Picardie revient à Laon. 500.000 personnes l'empruntent chaque année et apprécient sa sécurité, sa rapidité et sa fréquence. Les polémiques, vives à l'époque de sa création, sont loin. Désormais, l'engin sur rail faisait partie du paysage local et même de la carte postale touristique de la ville. Reste que son exploitation coûte toujours trop cher. Les recettes couvrant seulement 25 % des frais, mais le service est plus performant que celui d'un bus. Apparemment convaincus de son intérêt, les décideurs l'avaient fait rénover de fond en comble l'année précédente.

En mai 2016, le « Grand format » de FR3 consacre un long reportage au « Poma » qui fonctionne depuis près de 30 ans. Au fil du temps, il s'est imposé et fait maintenant partie de la carte postale touristique de la ville. Il a même ses passionnés comme Ronan qui le photographie régulièrement et partage sa passion sur Internet. Certains s'interrogent toujours sur l'intérêt de l'équipement. Son avenir est menacé, la fréquentation est en berne et plusieurs millions de travaux sont aussi à prévoir. L'agglomération réfléchit à ranger le Poma au garage, ce qui ravive les discussions.

Le POMA de Laon
2016 - 08:05 - vidéo

Le dernier voyage

Quelques mois plus tard, le 27 août 2016 à 20h00, le « Poma 2000 » effectuait son ultime trajet sous l'objectif des caméras de FR3 Picardie. Après 27 ans de bons et loyaux services, le téléphérique urbain, qui transportait entre 1000 et 1500 passagers par jour, disparaissait de la vie des Laonnois. Un chamboulement pour les habitants dont la tristesse se lisait sur les visages. Désormais ils devraient reprendre le bus, un mode de transport plus long et plus polluant. En prenant cette décision, la municipalité espérait économiser 700 000 euros chaque année.

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