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Suicide dans la police : 1996, l'année noire

Suicide dans la police : 1996, l'année noire

Selon une étude réalisée par le baromètre de la Mutuelle des forces de sécurité, 24 % des policiers auraient déjà été confrontés à des pensées suicidaires. Manque d’écoute, manque de moyens, le malaise s’exprime depuis des décennies, depuis les années 70.


Par la rédaction de l'INA - Publié le 07.06.2021 - Mis à jour le 07.06.2021
Mal de flic, mal chronique - 2020 - 02:40 - vidéo
 

Selon cette enquête réalisée auprès de 6000 agents et menée en début d’année, les résultats sont diffusés ce lundi par franceinfo et Le Monde sont inquiétants, puisque 40% des forces de l’ordre avouent souffrir de "détresse psychologique". En 2019, la police nationale s'était retrouvée face à une vague inédite de suicides. Christophe Castaner, en charge à l'époque, avait même lancé une cellule "alerte prévention suicide" et mis un numéro de téléphone d'assistance en service. En décembre 2020, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait lui reçut les syndicats de police venus exprimer le ras-le-bol des forces de l’ordre à Beauvau, dans un contexte de défiance de la part de la population.

"Nous sommes des hommes avant d’être des policiers"

Les forces de l'ordre avaient déjà connu une année noire en 1996, avec 70 suicides avérés. La France sortait d’une vague d’attentats meurtriers. Le plan Vigipirate mobilisait alors les policiers sur tout le territoire. Épuisement, découragement… Au total : 70 suicides soit, un mort tous les cinq jours. Le 27 janvier, à Beauvais. Ce premier suicide dans un commissariat en sous-effectif révélait le malaise de toute une profession, comme le déclarait Bruno Painvain du Syndicat Alliance : "On constate sur Beauvais que la délinquance n’est pas une délinquance de province. (…) On a à faire à des gens à problèmes, on règle les maux de la société. Il est évident que ça a des répercussions psychologiques sur l’individu. Nous sommes des hommes avant d’être des policiers." Un manque de suivi psychologique, des conditions de travail dégradées, ou les deux. Dans tous les cas, ce que dénoncent les agents, c’est un manque d’écoute de la hiérarchie, un manque de considération : "Si on a des problèmes de dépression, pratiquement de suite, on est aménagé, on se retrouve de "marcher à dans la voie publique" à "assis dans un bureau à garder des détenus", et ça, c’est quelque chose qui suit durant toute la carrière." Les cas s’accumulent. Après un double suicide à Montbéliard, le 18 mars 1996, ministre de l’Intérieur Jean-Louis Debré se rend sur place pour écouter le malaise des policiers : "Nous voulions voir comment faire en sorte d’éviter ces drames, si c’est possible, et de mettre toute notre activité, notre passion, notre volonté pour faire en sorte que ça se renouvelle le moins possible." Renforts d’effectif, cellules d’écoute, des solutions d’urgences sont déclenchées à l’échelle locale dans les commissariats touchés. Le ministère de l’Intérieur a créé un dispositif dans la foulée, le Service de soutien psychologique opérationnel, basé à Paris, encore en service aujourd’hui. Le 26 février 1997, Lionel Brieude, le directeur du centre déclarait qu'il y avait, "le stress professionnel du policier, il y a les problèmes de rythme de travail. Et tout cela entraîne donc une tension importante qu’il ne peut pas évacuer. Le seul endroit pour évacuer, c’est le milieu familial et le milieu familial est déjà perturbé par le rythme horaire atypique."

En juin 2021, le constat est toujours aussi glaçant. Si cette étude révèle que ¼ des forces de l'ordre s'est déjà posé la question du suicide, elle souligne que ce sont les jeunes recrues (entre 30 et 34 ans) qui sont les plus exposées, car elles ont souvent du mal à cumuler vie professionnelle et vie privée. Depuis le 1er janvier 2021, il y a eu 16 suicides dans les rangs de la police nationale.

Tarik Khaldi, Florence Dartois

Pour aller plus loin : 

Une ligne d'écoute est disponible pour les policiers victimes d'agressions ou de menaces au 0800 95 00 17, 7/7j, de 5 heures à 23 heures.

La cellule de soutien psychologique est  disponible  24h/24 au 0805 230 405.


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