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Le casse-tête du chômage des seniors

Le casse-tête du chômage des seniors

Emploi des seniors : patronat et syndicats se retrouvent lundi 8 avril pour une ultime négociation avant le lancement par le gouvernement d'une nouvelle réforme de l'assurance chômage. Le recul de l'âge de départ à la retraite se heurte à une réalité : le taux d'emploi des 55-64 ans est plus faible que celui du reste de la population. En 1983, deux demandeurs d'emplois témoignaient de leurs difficultés.

Par Romane Sauvage - Publié le 12.01.2023 - Mis à jour le 08.04.2024
 

L'ACTU.

Avec sa nouvelle réforme des retraites, le gouvernement a reculé l'âge de départ à 64 ans. Et allongé la durée de cotisation requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Celle-ci devrait ainsi atteindre progressivement 43 ans d'ici à 2027. Cette réforme concerne toutes les personnes nées après le 31 août 1961.

Les syndicats signataires de la convention d'assurance chômage de novembre 2023 (CFDT, FO et CFTC) et les trois organisations patronales doivent signer un avenant sur l'indemnisation des seniors. Il s'agit de relever de deux ans les limites d'âge pour bénéficier d'une indemnisation plus longue, ouvrant la voie à la validation de l'accord paritaire par le gouvernement.

LES ARCHIVES.

« Je peux vous dire que ces derniers mois, c'est le découragement le plus complet », avouait Madame Magne, ancienne cadre commercial dans l’archive en tête d’article. En 1982, alors que François Mitterrand était président, l'ordonnance Auroux acta le départ à la retraite à partir de 60 ans. Malgré tout, les travailleurs les plus âgés rencontraient déjà des difficultés à retrouver un poste. Dans cette archive de 1983, deux demandeurs d’emplois témoignaient de leurs difficultés, auprès de FR3 Rhône-Alpes.

« Je me trouve au chômage, dans une situation qui n'est pas désespérée parce que j'ai la volonté de m'en sortir. Mais que je trouve un peu, à l’heure actuelle, injuste », poursuivait Madame Magne. « Parce que, comme beaucoup de mes collègues et de mes confrères, j'ai quand même passé une existence à travailler et à travailler avec amour. Parce que je considère que c'est la seule façon pour un être humain, de vivre. Et aujourd'hui, privée d'un travail que j'aimais et dans lequel je réussissais, je me trouve avec une perspective de retraite très triste. »

Elle avait été licenciée le 23 novembre 1978 selon le commentaire et avait dû faire appel à la justice pour percevoir ses indemnités. Après quoi, elle avait tenté de créer sa propre entreprise : « avec un autre licencié, elle essaie de monter une société de matériel médical, mais doit capituler faute de financement. »

Les perspectives n'étaient alors pas très réjouissantes selon le reportage. D’autant que, rappelait la journaliste, « à l'humiliation d'être sans travail s'ajoute souvent la solitude, la maladie et les difficultés financières. » Et au fil des années, la lassitude atteignait ces actifs trop âgés pour être embauchés : « je ne pense pas avoir été plus orgueilleuse qu'une autre. Mais je vous assure que ce que j'ai essuyé en cherchant du travail, je n'ai pas l'intention de continuer », commentait Madame Magne. « Il vous arrive de craquer ? », demandait la journaliste. La réponse était fatiguée : « Certainement. »

« Je m'en tire comme je peux »

François Nadjarian, ancien boucher, vivait sa troisième année de chômage, licencié pour raisons économiques le 1er mars 1979. Pour faire face à la précarité, il avait obtenu le soutien de sa commune de la région lyonnaise. « Depuis que j'ai mille francs, j'ai l'aide de la mairie de Saint-Fons, j'ai la compréhension de l'assistante sociale et de certains amis aussi. Et puis je m'en tire comme je peux. » Il avait reçu l’autorisation de manger dans un foyer, où un repas gratuit lui était offert. Enfin, François Nadjarian recevait « un bon d'alimentation de 70 francs par semaine » Et de préciser : « je paie une partie de mes loyers, le restant m'étant payé par l'Assédic. »

Malgré ses recherches, un seul emploi lui avait été proposé : « il fallait que je travaille aux pompes funèbres en tant qu’ordonnateur de cérémonie. Et je me suis retrouvé à mesurer des cadavres à la morgue (...). Je n'ai pas pu tenir ce travail, j'ai des problèmes de santé. » Une situation sans issue, qui le poussait à baisser les bras. « J'ai l'impression d'avoir tout fait, je ne sais pas si refaire autre chose... »

Le chômage des seniors, un chômage inéluctable ?

Réformer le système des retraites a été et reste régulièrement un sujet au cœur de l'actualité. En 2008, il était questions d'allonger la durée de cotisation de 40 à 41 ans. France 2 consacrait son reportage, disponible ci-dessous, aux premiers touchés par cette mesure. « Le paradoxe, le voici : le taux d'emploi des plus de 55 ans est inférieur à 38% en France alors qu'il est de 50 % chez nos voisins allemands et de 58 % en Grande-Bretagne. Les seniors sont toujours les premiers sacrifiés en cas de plan social », annonçait David Pujadas.

L'emploi des séniors
2008 - 04:30 - vidéo

La caméra de France 2 se rendait dans les locaux d'une entreprise de téléphonie mobile. Là-bas, « sur 90 salariés, pas un seul de plus de 50 ans (...), la moyenne d'âge est de 30 ans. ». Un service avait la chance de disposer d'un employé plus expérimenté : « Au niveau du contrôle de gestion, une population aussi jeune, mais supportée par un senior. Senior pour nous, c'est quand même moins de 50 ans. » Pour le responsable, les entreprises n'étaient pas incitées à embaucher des travailleurs plus âgés.

Chômeur de 58, Nicolas de Prunele disait à France 2 sa frustration quant à l'impossibilité de retrouver un travail, bien que disposé à effectuer tout type de missions : « Au début, j'étais furieux, après j'étais déprimé. Aujourd'hui, je dis, c'est une connerie noire. Des gens comme moi, je suis en bonne santé, j'ai encore des neurones, j'ai sûrement quelque chose à faire. »

15 ans plus tard, le gouvernement Borne veut allonger encore la durée de cotisation. Si le taux d'emploi des seniors est actuellement le plus élevé jamais atteint en France (56%) depuis 1975 selon la Dares, il reste bien en dessous de la moyenne européenne (60,5%) et de celui des 25 à 49 ans (81,8 %). Après cette nouvelle réforme, les actifs les plus âgés trouveront-ils seulement un emploi ?

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