L'ACTU.
Depuis le 16 septembre 2024 et pour six mois, l'Allemagne a rétabli des contrôles à ses frontières avec la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et le Danemark. Ils s'ajoutent à ceux qui étaient déjà effectués aux frontières avec la Pologne, la République tchèque, l'Autriche et la Suisse. Ce sont donc toutes ses frontières allemandes qui font désormais l'objet de contrôles.
Berlin a justifié ces mesures par « la protection de la sécurité intérieure contre les menaces actuelles du terrorisme islamiste et de la criminalité transfrontalière », quelques semaines après l'attentat de Solingen revendiqué par le groupe État islamique. L'immigration est aussi un thème porteur dans un pays où le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) affiche des scores électoraux en hausse.
Cette reprise temporaire des contrôles aux frontières est autorisée dans l'espace Schengen et plusieurs autres pays l'ont déjà fait. La Commission européenne a réagi en rappelant que « de telles mesures doivent rester strictement exceptionnelles » et plaidé pour qu'elles soient « proportionnées ». En effet, le code frontières Schengen stipule que ces mesures ne doivent être prises qu'en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure.
LES ARCHIVES.
« Le 13 juillet 1984, la France et la République fédérale d'Allemagne signaient un accord sur la suppression des formalités douanières. Aujourd'hui, cet accord a été étendu aux pays du Benelux. » Le 14 juin 1985, réunis sur un bateau de plaisance luxembourgeois, le Marie-Astrid Bernhard, dans la petite ville de Schengen, les représentants de cinq pays de la Communauté européenne signaient un accord pour supprimer progressivement les contrôles à leurs frontières. Ces accords faisaient suite à une série de grèves des douaniers ou des routiers mécontents, entre autres, du manque d'efficacité des passages aux frontières malgré le principe de libre circulation des travailleurs institué par la Communauté européenne. Le lieu de signature, qui a donné son nom à l'espace Schengen, est hautement symbolique : il est à la frontière du Luxembourg, l'Allemagne et la France.
Le commentaire de l'archive en tête d'article y voyait les prémices d'une Europe renforcée.« Et si l'Europe commençait à exister ?, demandait le commentaire. Plus de frontières, de Brest à Copenhague, de Munich à Lisbonne. Cette Europe là, elle a commencé à voir le jour avec la suppression à partir d'aujourd'hui des contrôles de police et de douane entre cinq pays du marché commun, les trois du Bénélux, l'Allemagne et la France. »
D'une Europe économique à une « Europe des citoyens »
La secrétaire d'État chargée des affaires européennes, Catherine Lalumière, se réjouissait d'une plus grande intégration européenne. « C'est un symbole de la volonté des gouvernements et notamment du nôtre, de faire progressivement, mais de faire l'Europe des citoyens, c'est-à-dire faire en sorte que les habitants de l'Europe touche du doigt ce qu'est véritablement la présence dans le Marché commun, avec des facilités de franchissement des frontières beaucoup plus grandes que dans le passé. »
Cette volonté, défendue par la ministre française, fut moins facile à mettre en œuvre. Ce n'est que cinq ans plus tard, le 19 juin 1990, que fut signée la convention de Schengen, « l'aboutissement de cinq années de négociations difficiles », qui organise concrètement l'ouverture des frontières. C'est notamment ce texte qui met en place l'échange d'informations sur les personnes recherchées, via le système d'information Schengen, ou SIS.
Cee-Schengen
1990 - 02:10 - vidéo
À la télévision, cette nouvelle signature était accueillie positivement, comme on l'entend ci-dessous. On annonçait même la libre circulation des personnes « dès 1992 ». Et le présentateur de préciser : « En fait, c'est une répétition générale à cinq de l'Europe sans frontières que les douze pays de la CEE, eux, ont l'ambition, vous le savez, de mettre en place en 1993. » Avec cet accord intergouvernemental, les cinq états s’engageaient « à favoriser la libre circulation des citoyens à l'intérieur de leur pays en reportant les contrôles aux frontières extérieures ». Le principal changement, selon, le négociateur français : le système de demande d'asile.
Une très (très) longue mise en place
La France ratifia la Convention en juin 1991. Mais l'entrée en vigueur des accords pris du retard. D'abord, en décembre 1992, un rapport du sénateur RPR Gérard Larcher s'inquiétait de l’insuffisance des contrôles du trafic de stupéfiants dans certains pays concernés par les accords. En conséquence, le ministre de l'Intérieur Paul Quilés annonçait un report des accords à courant 1993 au lieu du 1er janvier. Quelques mois plus tard, c'était au tour d'Alain Lamassoure, ministre délégué aux affaires européennes, d'annoncer un nouveau report de date dans la mise en œuvre de Schengen. De nouveau, on s'inquiétait notamment de la trop faible lutte contre le trafic de drogue aux Pays-Bas.
« Dimanche zéro heure, ce sera donc l'heure d'été et l'heure de Schengen. Les frontières s'ouvrent entre les sept pays signataires de cet accord. » Finalement, cette mise en œuvre devait avoir lieu le 26 mars 1995, comme l'annonçait l'archive ci-dessous. Les accords impliquaient désormais l'Espagne et le Portugal.
Mode d'emploi des accords de Schengen
1995 - 01:14 - vidéo
Sauf qu'aux frontières françaises, la libre circulation des personnes ne fut effective qu'encore quelques mois plus tard. Pour le premier anniversaire des accords de Schengen, le 20h de TF1 faisait le point. « La France vient de décider en effet aujourd'hui de lever des contrôles des frontières avec l'Espagne, avec l'Allemagne, en revanche, ils restent maintenus, ces contrôles avec la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, en attendant que soit trouvé des solutions pour mieux lutter contre les trafics de drogue. Un an après Schengen, la France n'a pas pu, n'a pas voulu appliquer la libre circulation des personnes. Alors pourquoi ? »
La lente application des accords de Schengen
1996 - 00:00 - vidéo
Déjà réticente, expliquait-on, à suspendre ses contrôles, la France fut l'objet d'un attentat meurtrier le 25 juillet 1995, dans la gare Saint-Michel du RER B à Paris. Revendiqué par le Groupe islamique armé (GIA) algérien, il impliqua le déclenchement du plan Vigipirate. Et le renforcement des contrôles aux frontières jusqu'à la mi-janvier 1996. Et le journaliste de TF1 de conclure : « Contrôles de police, vérifications douanières, rien n'a bougé. On a vécu comme avant ».
L'élargissement
En parallèle, la construction européenne avait bien avancé puisque le traité de Maastricht, entré en vigueur en novembre 1993, établissait l'Union européenne. Sa première grande modification, en 1997, via le traité d'Amsterdam, permettait l'intégration de Schengen aux règles communautaires. C'est ce que détallait le sujet ci-dessous : « Le traité d'Amsterdam intègre pleinement le traité de Schengen qui instaure la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne et abolit donc les frontières entre les États membres. Il va même plus loin. La législation sur le contrôle des visas, l'immigration et le droit d'asile, jusqu'ici considérée comme l'expression même de la souveraineté d'un Etat, passent sous la compétence du Conseil de l'Europe ». Et de poursuivre sur la coopération que cela impliquait : « Un passage qui devrait se faire progressivement sur cinq ans pour aboutir à une politique commune à tous les États membres, avec des contrôles effectués uniquement aux frontières de l'Union. En même temps, les États s'engagent à mettre en place des mesures très étroites en matière de coopération policière et de justice pénale ».
Encadré traité Amsterdam
1999 - 01:55 - vidéo
« C'est ça l'Europe sans frontières ». Malgré les difficultés dans sa mise en place l'espace Schengen s'est régulièrement élargi. D'abord en 2001, comme on l'entend ci-dessous avec l'arrivée du Danemark, de la Suède, la Finlande, la Norvège et l’Islande. En 2007, c'était au tour neuf pays de l'Est et du centre de l'Europe. En 2024, 29 États étaient réunis dans Schengen : 25 des 27 États membres ainsi, donc, que la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein.
Explication Schengen nouveaux pays
2001 - 01:25 - vidéo
Depuis les années 2010, l'espace Schengen qui avait trouvé son équilibre, est mis à l'épreuve par les enjeux migratoires.