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1990 : Roland Castro dénonce la ghettoïsation des banlieues comme le terreau du racisme

1990 : Roland Castro dénonce la ghettoïsation des banlieues comme le terreau du racisme

L’architecte Roland Castro est mort à l’âge de 82 ans. Celui qui voulait « remodeler » les cités bétonnées fut aussi l’une des grandes figures de Mai 68 et un urbaniste militant qui rêvait de désenclaver les banlieues.

Par Florence Dartois - Publié le 10.03.2023
Roland Castro, sur les ghettos urbains - 1990 - 01:28 - vidéo
 

L'ACTU.

De la Bourse du travail à Saint-Denis à la Cité internationale de la bande dessinée à Angoulême, Roland Castro a été l'un des grands architectes et urbanistes des dernières décennies. Disparu le 9 mars, à l'âge de 82 ans, il laisse derrière lui, non seulement, une œuvre architecturale immense mais aussi un engagement social considérable. Cet architecte n'a cessé de mêler son activité professionnelle à son engagement militant personnel. Né en 1940 à Limoges, Roland Castro était entré aux Beaux-Arts en 1958. Étudiant communiste, il deviendra maoïste et défenseur de la lutte révolutionnaire en Mai 68.

Cet esprit militant ne l'a jamais quitté. En 1983, il fut l'un des cofondateurs de « Banlieues 89 », avec l'urbaniste Michel Cantal-Dupart, initiative qui lui vaudra d’être remarqué par François Mitterrand, ce dernier lui confiant une mission interministérielle. Malgré plus de 200 projets, mais faute de moyens financiers, son association disparaîtra en 1991.

En 2007, on le retrouve briguant la présidence de la République, l’architecte avait alors créé un parti politique, MUC (Mouvement pour l'Utopie concrète). Une candidature avortée faute de parrainages suffisants. Plus récemment, Roland Castro a soutenu Emmanuel Macron. Le chef de l’État lui a d’ailleurs rendu un vibrant hommage sur Twitter.

LES ARCHIVES.

Aux yeux de Roland Castro, un urbanisme accueillant et ouvert devait être une clé d’intégration des immigrés et une porte de sortie du racisme. À travers son association « Banlieues 89 », il luttait contre ce qu’il appelait la ghettoïsation des banlieues, comme il l’expliquait dans l’archive à regarder en tête d’article.

Le 21 mai 1990, invité des Actualités régionales Île-de-France, il réagissait à l'expulsion des squatters africains de la place de la Réunion à Paris et leur refus d'être relogés en banlieue, et pratiquait déjà le « en même temps » : « les gens de la place de la Réunion doivent être contents de savoir qu’ils vont être relogés, et en même temps, il faut savoir que c’est justement comme ça qu’on constitue des ghettos », déclarait-il gravement.

Roland Castro affirmait sa conviction qu’il fallait supprimer ce qu’il qualifiait de « ghettos », en prenant l'exemple de ce qui s'était passé à Saint-Denis dans le 93, où une décision préfectorale avait retardé la destruction d'un habitat insalubre et le relogement de ses habitants dans des conditions décentes. Il prônait plutôt pour une redistribution des logements dans l'ensemble des villes, pointant l’absence de solidarité et l'hypocrisie des mairies riches, « j'aurais préféré que la ville de Neuilly en accueille, que la ville de Paris en accueille », ajoutant, « il y a un problème en France, il ne faudrait pas que la charge de l’accueil s’accumule toujours sur les mêmes. Et puis, pendant ce temps-là, on se lave les mains, y compris, on peut même se payer des délires racistes ».

Un « apartheid urbain »

En parlant de « délires racistes », l'architecte engagé faisait référence à un autre fait d’actualité. Le maire de Sartrouville venait de décider de ne plus accueillir d’étrangers sur sa commune. Pour le fondateur de « Banlieues 89 », il s’agissait clairement d’une discrimination du maire UDF de Sartrouville qui avait refusé de délivrer des certificats d'hébergement aux parents de résidents immigrés.

Roland Castro appelait à mettre la question de cette ghettoïsation des banlieues comme priorité absolue du gouvernement et à la une des médias. Pour marquer les esprits et partager son inquiétude, il allait utiliser un terme lourd de sens pour dénoncer le danger inhérent à la ghettoïsation : « le terreau sur lequel Le Pen fait son fromage, c’est en partie et pour l’essentiel, la construction en France d’un véritable apartheid urbain ».

Roland Castro poursuivait en décrivant la politique urbaine qui, selon lui, éviterait l’écueil de la montée du racisme, qui serait « une bonne politique qui accueille tout le monde partout. Une bonne politique qui ne fasse plus des villes pauvres et des villes riches, et des villes dans lesquelles on manipule, comme à Sartrouville, la présence des immigrés. Ça permettrait, en effet, de faire reculer le racisme. »

Roland Castro, sur un apartheid urbain
1990 - 01:44 - vidéo

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