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La réhabilitation d'un condamné, une procédure rare en France

La réhabilitation d'un condamné, une procédure rare en France

Jeudi 15 décembre, la Cour de révision a annulé la condamnation pour viol et agressions sexuelles de Farid El Haïry. Il avait été jugé coupable en 2003. Il rejoint la courte liste des réhabilités français depuis 1945, parmi lesquels Rida Daalouche et Jean Deshays. Une procédure rare en France.

Par Romane Sauvage - Publié le 15.12.2022
Révision du procès de Rida Daalouche - 1999 - 01:26 - vidéo
 

L'ACTU.

Farid El Haïry, condamné pour viol et agression sexuelle sur mineure en 2003, a été réhabilité par la Cour de révision, jeudi 15 décembre. Il avait été accusé par une lycéenne en 1998, qui avait retiré son témoignage en 2017. Il a passé un peu moins d'un an en prison. Cette procédure, dont furent l'objet de cas médiatiques comme celui d'Omar Raddad sans que que sa révision soit acceptée, est rare.

LES ARCHIVES.

« Dans l'actualité aujourd'hui, cet événement exceptionnel en matière de justice, un homme dont la condamnation à 14 ans de prison pour meurtre avait été annulée est rejugé. » Le 6 mai 1999, le journal de 13h sur France 2 suivait la procédure dont faisait l'objet Rida Daalouche. Il avait été condamné le 12 avril 1994 à 14 ans de prison par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône. Il était accusé d'avoir égorgé à coup de tessons de bouteille un vendeur de drogue, dans le cadre d'une bagarre survenue dans un bar marseillais en 1991.

Le condamné clama son innocence. Néanmoins, ses propos étaient contradictoires et l'alibi qu'il donna, faux. En réalité, et c'est ce que sa famille et son avocat découvrirent pendant sa détention, l'homme, toxicomane, avait été hospitalisé pour désintoxication au moment du meurtre. Suite à la découverte d'un document prouvant ce nouvel élément, il fut alors libéré et de nouveau jugé.

Le commentaire de cette archive, en tête d'article, évoquait une affaire « cas d'école qu’étudieront les futurs étudiants en droit. » En effet, « en général les verdicts des cours d'assises sont définitifs, mais Rida Daalouche est l'un des rares à être jugé deux fois pour le même crime. » Son avocat, Frédéric Monneret, expliquait : « c'est la première fois qu'un verdict de cour d'assise a été cassé par la cour de révision. »

Un moment historique, comme le précisait l'archive : « quel que soit le verdict de la cour d'assise de Montpellier, l'affaire Daalouche constitue une brèche qui peut ouvrir la voie à la révision d'autres procès. »

La procédure de révision, un parcours du combattant

La révision d'une condamnation pénale est depuis longtemps possible dans le système judiciaire français. Elle était apparue en 1670, puis disparut à la Révolution française pour être rétablie en 1800. Dans l'archive de 1955 ci-dessous, l'un des premiers réhabilités après la seconde guerre mondiale était reconnu innocent.

« Jean Deshays avait avoué être l'auteur d'un crime qu'il n'avait pas commis. On l'avait un peu sollicité il faut le dire... » Pour cette erreur judiciaire et les 4 ans de travaux forcés effectués, il obtint 5 millions de francs d'indemnités (environ 115 000 euros).

En 2010, à l'occasion d'annulation des condamnations pour meurtre d'Abdelkader Azzimani et Abdelrrahim El Jabri, France 3 s'attachait dans l'archive ci-dessous à décrire le fonctionnement de la cour de révision. « Obtenir une révision en France est un parcours du combattant. Un accusé doit justifier d'un élément nouveau, par exemple un nouveau témoin. »

Ces révisions peuvent être demandées par le ministre de la Justice lui-même, le procureur général près la Cour de cassation, le condamné ou, en cas d'incapacité, par son représentant légal. Selon la possibilité de débattre de la culpabilité du requérant, il peut être renvoyé vers une juridiction du même ordre, comme dans le cas de Rida Daalouche.

La magistrate Odette-Luce Bouvier, ancienne membre de la cour de révision, jugeait cette procédure lourde : « le requérant doit mener l'enquête, avec ses propres moyens pour établir cet élément nouveau. (...) Tandis que dans un système par exemple britannique, il y a un service du procureur qui mène l'enquête, l'instruction de cette révision. »

Un changement de mentalité nécessaire

Quelques cas emblématiques et rare, furent médiatisés, « comme celui de Patrick Dils, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de deux enfants en 1986. Après avoir passé 16 ans derrière les barreaux, il est acquitté en 2002. » Mais au-delà, la justice française éprouvait du mal à se déjuger, selon le reportage.

Jean-Yves Le Borgne, grand avocat, témoignait : « dans la loi tout est déjà en place pour que des révisions aillent à leur terme. Il faut surtout que les mentalités changent. Il faut surtout que le juge appelé à reconnaître éventuellement l'erreur commise par d'autres juges n'est pas le sentiment qu'il insulte ainsi la justice. »

Une institution qui doit être encore perfectionnée, donc.

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