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Rafle du «Vél d'Hiv» : la lente reconnaissance de la responsabilité de la France

Rafle du «Vél d'Hiv» : la lente reconnaissance de la responsabilité de la France

Les 16 et 17 juillet 1942, des policiers français ont arrêté 12 884 juifs, les ont enfermés au Vélodrome d'Hiver avant qu'ils soient déportés. Cette responsabilité de la France a mis du temps à être reconnue. Il aura fallu plusieurs commémorations officielles pour arriver au discours historique de Jacques Chirac en 1995.

Par Florence Dartois - Publié le 13.06.2022
Le Président de la République au Vel d'Hiv - 1992 - 02:22 - vidéo
 

Entre le 16 et le 17 juillet 1942, en une trentaine d'heure, la police parisienne a raflé 12 884 juifs et juives. Seuls les juifs étrangers et les hommes âgés de plus de 16 ans étaient officiellement visés, mais des femmes et des enfants (4051 enfants et 5802 femmes) allaient également tomber dans les filets de la police de Vichy. Incarcérés dans des conditions déplorables au Vel d'Hiv', la plus grande salle de sport de Paris de l'époque et située dans le 15e arrondissement, ils seront presque tous déportés et exterminés dans les camps.

Cette rafle, orchestrée par la police française, en soutien à la politique de déportation et d'extermination nazie, est restée une blessure béante dans l'histoire de la République française. A chaque commémoration, la communauté juive s'est retrouvé la plupart du temps isolée face au deuil et au devoir de mémoire, car il faudra attendre 50 ans pour qu'un président de la République s'incline devant la plaque établie en souvenir des victimes. Ce président, c'était François Mitterrand, le 16 juillet 1992, lors du 50e anniversaire. Une démarche critiquée et sifflée par certains proches des victimes lors de cette cérémonie.

L'archive en tête d'article est la réponse de Robert Badinter à ces huées, le président du Conseil constitutionnel laissant éclater sa colère à la tribune, invectivant les manifestants, « vous m'avez fait honte ! ». Sur un ton glaçant, l'ancien Garde des Sceaux ajoutait : « Je ne demande rien, aucun applaudissement. Je ne demande que le silence que les morts appellent. Taisez-vous ! Ou quittez à l'instant ce lieu de recueillement. Vous déshonorez la cause que vous croyez servir !»

Ce 16 juillet 1992, François Mitterrand avait fait un pas vers la réconciliation mais refusait toujours de demander des excuses jugeant que la République n'était pas responsable des actes « d'activistes » qui avaient profité de la situation pour prendre le pouvoir. Le 12 septembre 1994, se sachant malade et à 15 mois de la fin de son mandat, il avait clairement fait part de sa position au journaliste Jean-Pierre Elkabbach venu l'interviewer à l'Elysée pour France 2. Dans cet ultime entretien, il avait longuement été question de Vichy et de son amitié avec le très controversé René Bousquet, qui comme secrétaire général de la police, avait participé à l'organisation de la rafle en acceptant officiellement le 2 juillet 1942, de mettre les fonctionnaires de son ministère au service de l'occupant.

Rappel rafle Vel d'hiv
1995 - 02:11 - vidéo

« La République n'a rien à voir avec cela. Et j'estime moi, en mon âme et conscience, que la France non plus n'en est pas responsable, que ce sont des minorités activistes qui ont saisi l'occasion de la défaite pour s'emparer du pouvoir et qui sont comptables de ces crimes-là, pas la République, pas la France. Et donc je ne ferai pas d'excuses au nom de la France ».

Il faudra donc attendre le 16 juillet 1995, jour du 53e anniversaire, pour que le président de la République, Jacques Chirac, reconnaisse pour la première fois « la responsabilité de l'Etat français dans la déportation et l'extermination de juifs durant la Seconde Guerre mondiale ».

Dans ce discours historique, il reconnaissait « les fautes commises par l'Etat » et l'existence d'une « dette imprescriptible » à l'égard des victimes, appelant à la vigilance face aux extrêmes. Ses propos tranchaient avec l'attitude de François Mitterrand évoquée plus haut. L'archive ci-dessous présente les temps forts du discours prononcé devant les représentants de la communauté juive.

D'autres discours marquants

Celui que Simone Veil, elle-même rescapée des camps de concentration, avait prononcé le 16 juillet 1987, lors de la commémoration du 47e anniversaire de la rafle. Sur un ton ferme et poignant, elle appelait à rejeter la haine.

Anniversaire rafle Vel d'hiv
1987 - 01:44 - vidéo

« Il faut toujours rester strict sur les principes, ne pas accepter ce genre de négociation car on se met au même rang que ceux qui commettent les pires horreurs. Et aujourd'hui je crois que nous devons entendre cette leçon. C'est comme ça que nous resterons fidèles à la mémoire, fidèles au souvenir, en sachant que l'on doit refuser le mal dès qu'il se manifeste. On doit refuser toute haine entre les êtres humains. On doit refuser tout racisme. De petits compromis en petits compromis, on ne sait jamais quand on arrive au pire ». (Simone Veil)

Le discours prononcé par Lionel Jospin, alors Premier ministre de Jacques Chirac, le 20 juillet 1997, 55 ans après la rafle, rappelait le devoir de mémoire de l'Etat concernant la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. Il annonçait également un accès plus facile aux archives de cette période trouble pour les historiens.

Discours de Lionel Jospin sur le Vel d'hiv
1997 - 02:12 - vidéo

« Il s'agit seulement de reconnaître, comme le fit Jacques Chirac, qu'un gouvernement, une administration ont commis l'irréparable. » (Lionel Jospin)

Pour les enseignants et leurs élèves

L'équipe de Lumni enseignement a réuni dans un même article trois archives sur la rafle du Vel' d'Hiv'.

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