L'ACTU.
L'annonce est tombée le 20 novembre 2023. Dans le nord Aquitaine, alors que depuis 1959 une cinquantaine de forages de pétrole sont déjà exploités sur le gisement de Cazaux (Gironde), huit nouveaux puits pourraient bien entrer en activité dans les années à venir. Au terme d'une enquête publique sur la faisabilité du projet, la commissaire enquêtrice Carole Ancla a rendu un avis favorable à la demande de la société canadienne Vermilion REP SAS de forer de nouveaux puits d'hydrocarbures dans la forêt usagère de La Teste-de-Buch, touchée en 2022 par d'importants incendies. Dans son rapport, la commissaire a souligné que « quasiment aucun riverain ne s’est manifesté pour émettre des remarques quant aux nuisances et pollutions susceptibles d’être engendrées par les travaux de forage ou encore par l’activité actuelle de la concession de Cazaux. »
Pour motiver son avis, la commissaire enquêtrice a ajouté que « les impacts générés par les travaux de forage, seront temporaires et de courte durée ». Quid de l'engagement de la France de mettre fin à la recherche et à la production d'hydrocarbures conventionnels et non conventionnels en France d'ici à 2040 ? « Même si je partage les inquiétudes formulées par les contributions du public, a déclaré la commissaire enquêtrice, j'ai tenté de faire abstraction des considérations générales sur le devenir de l'extraction pétrolière en France. »
Parmi les autres arguments évoqués, la commissaire a ajouté que dans la mesure où « le pétrole qui ne serait pas produit en France, serait certainement importé avec un coût environnemental bien plus élevé », il était préférable d'encourager « à court et moyen termes » la production de pétrole français. La commissaire a également balayé les arguments d'opposition au projet d'élus écologistes d'EELV, rappelant que « les forages pétroliers en exploitation pour la plupart depuis les années 60 n’ont pas empêché le classement de la forêt de La Teste en site Natura 2000, ni le développement touristique du Bassin d’Arcachon ».
La production pétrolière de la France représente 1 % de sa consommation, soit environ plus 77 millions tep (tonnes équivalent pétrole). Le premier gisement a été exploité au XVIIIe siècle à Péchelbronn en Alsace, mais l'exploration pétrolière ne s'est véritablement développée qu’après la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre d'un code minier rénové en 1956. Depuis cette date, le gouvernement français a délivré plus de 600 permis exclusifs de recherches d'hydrocarbures liquides ou gazeux, principalement dans le bassin parisien, le fossé Rhénan ou le bassin d'Aquitaine.
Au cours de cette période, la France a produit environ 100 millions de tonnes de pétrole répartis sur 4000 puits d’exploration et de production, soit plus de 6000 km forés.
Gisement de pétrole dans les Landes
1954 - 00:39 - vidéo
1954. À Parentis-en-Born dans les Landes, une nappe de pétrole a été découverte. Son exploitation a commencé et des wagons-citernes transitent chaque jour vers la région parisienne.
L'ARCHIVE.
Nos archives reflètent l'ampleur de l'exploitation pétrolière, notamment en Aquitaine. Pour illustrer cette ruée vers l'or noir, nous avons choisi de mettre en tête d'article une archive vraiment étonnante mêlant considérations touristiques et économiques. Son titre est déjà très évocateur « Tourisme, pétrole et huîtres » ! Tout un programme. Il s'agit d'un reportage diffusé dans le JT Aquitaine du 30 juin 1964. À l'époque, on réalisait des forages pétroliers d'exploration dans le bassin d'Arcachon et l'opinion publique s'inquiétait des conséquences de ces forages pour environnement et le tourisme qui commençait à se développer.
Ce reportage en noir et blanc débute comme un catalogue touristique vantant les beautés du bassin d'Arcachon, avec de magnifiques images de la côte, des plages, des villages de pêcheurs, des petits restaurants où l'on dégustait des huitres accompagnées d'un verre de vin blanc sec. Le sujet proposait également une description bucolique des ostréiculteurs « mi-marins mi-terriens » occupés à bichonner leurs huîtres sous le regard des « criquets », le surnom qu'ils donnaient aux touristes venus coloniser leurs plages.
À cette carte postale, il fallait désormais ajouter la présence des « prospecteurs de pétrole », moins attrayante. À force de forages et de prospections, ils avaient trouvé « de l'or noir sous la terre ferme et sous les eaux du bassin ». Les ostréiculteurs craignaient que le pétrole ne mette en péril la profession et manifestaient leur mécontentement, tandis que les estivants, eux, craignaient que le « bruit des derricks, la lueur des torches, les risques d'explosions » ne gâchent leurs escapades.
En mer, loin de ces considérations, on effectuait déjà des carottages. Un reporter du JT avait interrogé un responsable d'Esso REP (Esso Recherches et Exploitation Pétrolières) sur l'avancée des forages. Sa société en avait déjà réalisé 13 ou 14. Il l'assurait, ils avaient pris d'extrêmes précautions et avait respecté « avec rigueur les règles de sécurité ». Il ne pensait pas que les forages aient entraîné le moindre dommage chez les ostréiculteurs. L'homme se voulait également rassurant pour le tourisme, expliquant qu'à la pointe du Cap, ils avaient insonorisé le site « pour que le bruit du forage ne gêne pas les estivants ». Il promettait aussi de laisser le site net après la prospection : « Nous enterrerons les têtes de production contrairement à ce que vous avez vu à Parentis ou à Cazaux. Après la disparition du derrick, il ne restera même pas une tête de production visible, elles seront enterrées dans des caves recouvertes de dalles de béton et comme ça nous abîmerons le moins possible le paysage »
C'était une promesse, le bassin d'Arcachon ne serait pas défiguré.
Aquitaine : Eldorado de l'or noir
Dans les décennies suivantes, l'Aquitaine est devenue la région de France la plus pétrolière. C'est ce que montrait bien le reportage de 1973 à découvrir ci-dessous. Il dressait la liste des principaux sites et gisements de pétrole et de gaz de la région. Cette archive résume l'évolution de l'exploitation pétrolière, avec des sites comme Parentis (Landes) ou Pauillac (Gironde), la plus grande raffinerie d'Europe, l'une des principales raffineries d'Aquitaine, reliée par un pipeline de 100 km de long à l'appontement pétrolier du Verdon. On découvre aussi la plateforme Neptune Gascogne capable de forer sous 60 mètres d'eau ou la plateforme Pinta 81 qui devait forer sous 200 mètres d'eau. Le reportage dévoile aussi des images du plus grand forage d'Europe, celui de Berenx (Nouvelle-Aquitaine) ou de l'agrandissement de la vieille raffinerie d'Ambès (Gironde).
À la fin du sujet, le député de la Gironde Jacques Valade (1930-2023), un proche de Jacques Chaban-Delmas, expliquait que le raffinage sur l'estuaire de la Gironde avait atteint ses objectifs et qu'il était désormais possible d'envisager de se lancer dans la chimie ou la pétrochimie. « Le problème est de savoir maintenant s'il est raisonnable d'en faire ? Est-ce que les nuisances, les atteintes à l'environnement ne vont pas provoquer des inconvénients supérieurs aux avantages que l'on pourra tirer de cette transformation du pétrole, voire du gaz ? », s'interrogeait-il, avant de donner une réponse rassurante. Le député promettait que tout serait fait pour protéger les sites prestigieux de la région et que cela n'interdisait pas de développer l'industrie pétrochimique sur l'estuaire de la Gironde, et plus au sud, dans le bassin de Lacq (important gisement de pétrole et de gaz).
À propos des objectifs du développement de la pétrochimie en Aquitaine, il concluait sur un ton sentencieux : « Chimie, pétrochimie, mais croissance contrôlée, croissance programmée, avec comme impératif essentiel, qu'à aucun moment, il n'y ait interaction de cette industrialisation avec la beauté des sites et la recherche des terroirs et naturellement, la joie et le plaisir de vivre dans notre région. »
Pétrole en Aquitaine
1973 - 08:16 - vidéo
Aujourd'hui, 64 gisements pétroliers et gaziers sont toujours en exploitation sur une superficie totale de 4000 km2 (dans le bassin aquitain et dans le bassin parisien). La plupart de ces gisements ont été mis en production au début 1980. Ces gisements (exploration et production) sont majoritairement exploités par des petites ou moyennes entreprises françaises ou étrangères (Vermilion, Lundin, Geopétrol, Petrorep, SPPE), associées à de nombreux sous-traitants (forage, géophysique, génie civil, gestion de l'eau et des déchets, sécurité, matériel d'exploitation...)
Le chiffre d'affaires du secteur est estimé à environ 35 milliards d'euros, la filière exploration et production de pétrole et de gaz (E&P) rassemble environ 64 000 emplois.
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