Aller au contenu principal
Les personnes âgées au volant, un sujet sensible

Les personnes âgées au volant, un sujet sensible

Samedi 22 avril, en pleine fête du cerf-volant de Berck-sur-Mer, un conducteur de 76 ans a perdu le contrôle de son véhicule et a percuté la foule, faisant douze blessés. Cet accident remet en lumière un débat ancien, celui de laisser conduire les personnes âgées au-delà d’un certain âge. Ce débat sensible a vu le jour dans les années 1970.

Par Florence Dartois - Publié le 25.04.2023
Les vieux et la conduite - 1975 - 02:45 - vidéo
 

L'ACTU.

Samedi 22 avril, un septuagénaire en situation de handicap a perdu le contrôle de son véhicule en pleine fête du cerf-volant à Berck-sur-Mer. Bilan : douze blessés, dont une femme avec son pronostic vital engagé. Le senior était accompagné de son épouse dans une voiture automatique. Il a expliqué avoir perdu le contrôle de son véhicule en confondant la pédale de frein avec celle de l'accélérateur.

Cet accident remet en lumière un débat ancien, celui de laisser le volant aux personnes âgées. Une question délicate. Selon les statistiques des assurances, les seniors restent moins dangereux que les jeunes conducteurs de 18-24 ans, même si rapporté à leur nombre, les plus de 75 ans provoquent plus d'accidents que la moyenne.

La question de la conduite prolongée des « anciens » apparaît dans les archives au milieu des années 1970, à une époque où la voiture prenait son essor dans la société et où le nombre de conducteurs augmentait sur les routes. Le 7 octobre 1975, après un accident au cours duquel un couple avait perdu la vie, le 20 heures de TF1 diffusait un sujet intitulé « Les vieux et la conduite ».

L’ARCHIVE.

Le commentaire expliquait que selon les statistiques, les « défaillances de certaines personnes âgées (...) expliquaient 20 à 30 % des accidents mortels de la route ». Le journaliste constatait que les personnes âgées reconnaissant la diminution de leurs réflexes ou la baisse de leur vue étaient rares. Un senior de 77 ans qui avait fait le choix d’arrêter de conduire s’exprimait également : « le temps passant, je me suis aperçu qu’il était impossible et imprudent pour moi de continuer de conduire. Conduire sans voir de façon parfaite, à mon avis, est une grave erreur », expliquait-il.

Mais en 1975, comme aujourd'hui, la voiture représentait aussi un moyen de locomotion synonyme de liberté pour les personnes âgées, un moyen simple de conserver une vie sociale, de faire ses courses ou de se rendre chez le médecin. Peu d'entre eux acceptaient de sacrifier leur liberté de circuler.

Les autorités, conscientes de cette problématique, réfléchissait à faire évoluer la loi. Le reportage donnait la parole à Christian Gerondeau, « Monsieur Sécurité routière », le premier délégué interministériel à la sécurité routière en France. Il avait déjà mis en place les limitations de vitesse sur route en 1973 et envisageait d'imposer « un contrôle médical au-delà d'un certain âge ». Cette mesure lui paraissait indispensable à une époque où les possesseurs de permis étaient de plus en plus nombreux : « jusqu’à présent, il faut bien reconnaître qu’il y avait peu de personnes âgées qui avaient le permis de conduire, puisque l’automobile est quand même une invention récente », soulignait-il. À l’avenir, le nombre des seniors au volant allait augmenter constatait-il.

En 1975, aux « Entretiens de Bichat », les médecins estimaient qu’un million de conducteurs, sur les 24 qui circulaient alors, n’étaient pas en « état de conduire ». Un médecin réclamait un examen médical étalé tout au long de la vie, puis à partir de 50 ans, tous les 5 ans, « c’est à partir de la cinquantaine que vont se déclarer les malaises cardiaques, l’hypertension, la baisse de l’acuité visuelle », soulignait-il. Utilisant des mots forts, il déclarait que monter dans un véhicule dans ces conditions devenait un « homicide volontaire ».

Des remises à niveau au code de la route

En attendant ces visites médicales obligatoires, la Sécurité routière allait lancer, en novembre 1975, « une campagne de recyclage des vieux conducteurs » intitulée « Conduite 75 », une opération destinée à remettre les conducteurs seniors à jour de leurs connaissances du code de la route. Dans l'archive ci-dessous, un reportage diffusé le 19 novembre 1975 dans le JT régionale de « Limousin Actualités », le directeur départemental de la Sécurité routière de Limoges expliquait au journaliste René-Jean Bonnenfant qu'il ne s’agissait pas de punir les « vieux conducteurs », mais de les remettre à niveau face « aux difficultés croissantes de circulation routière ». Pour toucher le plus grand nombre, la campagne était organisée dans des auto-écoles ou des salles publiques.

Ces initiatives de remises à niveau existaient déjà dans certaines régions. Comme on le constate ci-dessous dans ce reportage réalisé à Dijon en 1973, et dans lequel des personnes âgées avaient participé à « un cours de recyclage de permis de conduire pour vétérans ». Au programme : les nouvelles signalisations, l’alcoolémie, la ceinture de sécurité… Certains «élèves» avaient connu les tractions avant et le démarrage à la manivelle !

En 2001, 2/3 des seniors possédaient une voiture et considéraient la conduite comme une partie essentielle de leur vie comme on le constate dans l'archive ci-dessous et les régions.

En 2004, un rapport sur l'aptitude médicale à la conduite des personnes âgées rédigé par Henri Hamard de l’Académie de médecine était examiné par l'exécutif. L’instauration de ce contrôle médical devait concerner tous les conducteurs pour éviter toute discrimination. Une liste de contre-indications très limitative venait d’être dressée par les experts (insuffisance cardiaque, acuité visuelle inférieure à 5/10e ou des problèmes moteurs divers ou psychologiques), mais il ne s'agissait que de préconisations, affirmait-on dans les JT.

Des « papys drivers » stars des JT

Quel que soit leur état de santé, les seniors restent nombreux à conduire à des âges très avancés, parfois même au-delà de 90 ans. La profusion des portraits diffusés dans les JT en est une preuve. Nous vous proposons de découvrir l'un d'eux. Le sémillant Marcel Dehors, 88 ans, qui en 1996 avait obtenu deux trophées : la légion d'honneur et la Palme du meilleur conducteur.

En 70 ans de conduite, il n'avait jamais eu ou causé d'accident, affirmait-il, à peine « une bricole ou un accrochage ». Son permis un peu passé, il l’avait obtenu le 21 mai 1926. Au volant de sa voiture Peugeot 203 « achetée d'occasion il y a 20 ans », Marcel évoquait le passage de son permis de conduire et donnait quelques conseils de conduite.

La conclusion à peine teintée d’ironie, donnait le ton de ce reportage : « le secret d'une telle compétence au volant ? Sans doute la prudence et l'expérience. À moins qu'il ne s'agisse de chance. Car pendant des années, Marcel a été maréchal ferrant et il en a touché des fers à cheval. »

70 ans sans accident
1996 - 02:28 - vidéo

Que dit la loi ?

En Europe, certains pays ont adopté la solution d’un contrôle médical régulier pour conserver son permis de conduire. C’est le cas en en Finlande, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suisse, et aussi en Italie, en Espagne et au Portugal. Dans ces pays membres de l’UE, les conducteurs seniors sont appelés dès 70 ans à passer un contrôle médical obligatoire portant notamment sur la vue ou les réflexes. On semble l'oublier, mais en France, ce type d'examen existe aussi. Il est inscrit depuis 2012 l’article 1- R221-11 du code de Sécurité routière qui établit la périodicité du contrôle médical obligatoire, périodique ou occasionnelle.

Selon le texte de 2012, la visite médicale devait être réalisée tous les 5 ans jusqu'à 60 ans, puis 2 ans jusqu'à 76 ans et 1 an maximum dès 76 ans. Une modification a été réalisée le 24 août 2022 concernant la périodicité des visites temporaires pour le groupe léger (motos, voitures) : maximum 5 ans quel que soit l'âge (même à 90 ans).

Peu appliqué, l'examen médical concerne pourtant tous les titulaires de permis de conduire des catégories A1, A2, A, B1, B et BE. Ce contrôle médical est obligatoire pour récupérer un certificat d'aptitude à conduire dans certains cas : à la suite d'une invalidation, d'une suspension ou d'une annulation.

S'orienter dans la galaxie INA

Vous êtes particulier, professionnel des médias, enseignant, journaliste... ? Découvrez les sites de l'INA conçus pour vous, suivez-nous sur les réseaux sociaux, inscrivez-vous à nos newsletters.

Suivre l'INA éclaire actu

Chaque jour, la rédaction vous propose une sélection de vidéos et des articles éditorialisés en résonance avec l'actualité sous toutes ses formes.