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Les personnes âgées au volant, un sujet sensible

Les personnes âgées au volant, un sujet sensible

Le Parlement européen se prononce le mercredi 28 février sur la généralisation d'une visite médicale régulière pour la validation de son permis de conduire. Dans le viseur de cette réforme : les seniors. Des textes prévoient déjà des tests d'aptitude à la conduite. Mais ce vote remet en lumière un débat ancien, celui de laisser conduire les personnes âgées au-delà d’un certain âge. Ce débat sensible a vu le jour dans les années 1970.

Par Florence Dartois - Publié le 25.04.2023 - Mis à jour le 27.02.2024
Les vieux et la conduite - 1975 - 02:45 - vidéo
 

L'ACTU.

Le permis à vie français connait-il ses derniers jours ? Le Parlement européen étudie les mardi 27 et mercredi 28 février, la possibilité d'imposer aux conducteurs une visite médicale obligatoire tous les 15 ans pour conserver son permis. Cette mesure portée par la députée européenne écologiste Karima Delli ne fait pas l'unanimité en France. Ce vote européen remet en lumière un débat ancien, celui de laisser le volant aux personnes âgées. Une question délicate pour les conducteurs, y compris chez les acteurs de la sécurité routière. Selon les statistiques des assurances, les seniors restent moins dangereux que les jeunes conducteurs de 18-24 ans, même si rapporté à leur nombre, les plus de 75 ans provoquent plus d'accidents que la moyenne.

La question de la conduite prolongée des « anciens » apparaît dans les archives au milieu des années 1970, à une époque où la voiture prenait son essor dans la société et où le nombre de conducteurs augmentait sur les routes. Le 7 octobre 1975, après un accident au cours duquel un couple avait perdu la vie, le 20 heures de TF1 diffusait un sujet intitulé « Les vieux et la conduite ».

L’ARCHIVE.

Le commentaire soulignait que selon les statistiques, les « défaillances de certaines personnes âgées (...) expliquaient 20 à 30 % des accidents mortels de la route ». Le journaliste constatait que les personnes âgées reconnaissant la diminution de leurs réflexes ou la baisse de leur vue étaient rares. Un senior de 77 ans qui avait fait le choix d’arrêter de conduire s’exprimait également : « Le temps passant, je me suis aperçu qu’il était impossible et imprudent pour moi de continuer de conduire. Conduire sans voir de façon parfaite, à mon avis, est une grave erreur », expliquait-il.

Mais en 1975, comme aujourd'hui, la voiture représentait aussi un moyen de locomotion synonyme de liberté pour les personnes âgées. Une manière indispensable de conserver sa mobilité, de poursuivre une vie sociale, de faire ses courses ou de se rendre chez le médecin. Peu d'entre eux acceptaient de sacrifier leur liberté de circuler.

Contrôle de la capacité à conduire

Les autorités, conscientes de cette problématique, réfléchissaient néanmoins déjà à faire évoluer la loi. Le reportage donnait la parole à Christian Gérondeau, « Monsieur Sécurité routière », le premier délégué interministériel à la sécurité routière en France. Il avait déjà mis en place les limitations de vitesse sur route en 1973 et envisageait d'imposer « un contrôle médical au-delà d'un certain âge ». Cette mesure lui paraissait indispensable à une époque où les possesseurs de permis étaient de plus en plus nombreux : « jusqu’à présent, il faut bien reconnaître qu’il y avait peu de personnes âgées qui avaient le permis de conduire, puisque l’automobile est quand même une invention récente », soulignait-il. À l’avenir, le nombre des seniors au volant allait augmenter, constatait-il, il faudrait d'adapter.

En 1975, aux « Entretiens de Bichat », les médecins estimaient qu’un million de conducteurs, sur les 24 qui circulaient alors, n’étaient pas en « état de conduire ». Un médecin réclamait un examen médical étalé tout au long de la vie, puis à partir de 50 ans, tous les 5 ans, « c’est à partir de la cinquantaine que vont se déclarer les malaises cardiaques, l’hypertension, la baisse de l’acuité visuelle », soulignait-il. Utilisant des mots forts, il déclarait que monter dans un véhicule dans ces conditions devenait un « homicide volontaire ».

Remise à niveau au code de la route

En attendant ces visites médicales obligatoires, la Sécurité routière lançait, en novembre 1975, « une campagne de recyclage des vieux conducteurs » intitulée « Conduite 75 ». Cette opération était destinée à remettre les conducteurs seniors à jour de leurs connaissances du code de la route. Dans l'archive ci-dessous, un reportage diffusé le 19 novembre 1975 dans le JT régionale de « Limousin Actualités », le directeur départemental de la Sécurité routière de Limoges expliquait au journaliste René-Jean Bonnenfant qu'il ne s’agissait pas de punir les « vieux conducteurs », mais de les remettre à niveau face « aux difficultés croissantes de circulation routière ». Pour toucher le plus grand nombre, la campagne était organisée dans des auto-écoles ou des salles publiques.

L'opération « Conduite 75 » lancée dans le Limousin.

Ces initiatives de remises à niveau existaient déjà dans certaines régions. Comme on le constate ci-dessous dans ce reportage réalisé à Dijon en 1973, et dans lequel des personnes âgées avaient participé à « un cours de recyclage de permis de conduire pour vétérans ». Au programme : les nouvelles signalisations, l’alcoolémie, la ceinture de sécurité… Certains «élèves» avaient connu les tractions avant et le démarrage à la manivelle !

En 2001, les deux tiers des seniors possédaient une voiture et considéraient la conduite comme une partie indispensable à leur vie comme on le constate dans l'archive ci-dessous.

Nouveauté en Lorraine. Stage de capacité à la conduite pour des personnes de plus de 60 ans.

Mise en place du contrôle médical

En 2004, un rapport sur l'aptitude médicale à la conduite des personnes âgées rédigé par Henri Hamard de l’Académie de médecine était examiné par l'exécutif. L’instauration de ce contrôle médical devait concerner tous les conducteurs pour éviter toute discrimination. Une liste de contre-indications très limitative venait d’être dressée par les experts (insuffisance cardiaque, acuité visuelle inférieure à 5/10e ou des problèmes moteurs divers ou psychologiques), mais il ne s'agissait que de préconisations, affirmait-on dans les JT.

Un contrôle : 12 contre-indications à la conduite.

Les fascinants « papys drivers » des JT

Quel que soit leur état de santé, les seniors restent nombreux à conduire à des âges très avancés, parfois même au-delà de 90 ans. La profusion des portraits diffusés dans les JT en est une preuve. Nous vous proposons de découvrir l'un d'eux. Le sémillant Marcel Dehors, 88 ans, qui en 1996 avait obtenu deux trophées : la légion d'honneur et la Palme du meilleur conducteur.

En 70 ans de conduite, il n'avait jamais eu ou causé d'accident, affirmait-il, à peine « une bricole ou un accrochage ». Son permis un peu passé, il l’avait obtenu le 21 mai 1926. Au volant de sa voiture Peugeot 203 « achetée d'occasion il y a 20 ans », Marcel évoquait le passage de son permis de conduire et donnait quelques conseils de conduite.

La conclusion à peine teintée d’ironie donnait le ton de ce reportage : « le secret d'une telle compétence au volant ? Sans doute la prudence et l'expérience. À moins qu'il ne s'agisse de chance. Car pendant des années, Marcel a été maréchal ferrant et il en a touché des fers à cheval. »

70 ans sans accident
1996 - 02:28 - vidéo

Que dit la loi ?

En Europe, certains pays ont adopté la solution d’un contrôle médical régulier pour conserver son permis de conduire. C’est le cas en en Finlande, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suisse, et aussi en Italie, en Espagne et au Portugal. Dans ces pays membres de l’UE, les conducteurs seniors sont appelés dès 70 ans à passer un contrôle médical obligatoire portant notamment sur la vue ou les réflexes. On semble l'oublier, mais en France, ce type d'examen existe aussi. Il est inscrit depuis 2012 l’article 1- R221-11 du code de Sécurité routière qui établit la périodicité du contrôle médical obligatoire, périodique ou occasionnelle.

Selon le texte de 2012, la visite médicale devait être réalisée tous les 5 ans jusqu'à 60 ans, puis 2 ans jusqu'à 76 ans et 1 an maximum dès 76 ans. Une modification a été réalisée le 24 août 2022 concernant la périodicité des visites temporaires pour le groupe léger (motos, voitures) : maximum 5 ans quel que soit l'âge (même à 90 ans).

Peu appliqué, l'examen médical concerne pourtant tous les titulaires de permis de conduire des catégories A1, A2, A, B1, B et BE. Ce contrôle médical est obligatoire pour récupérer un certificat d'aptitude à conduire dans certains cas : à la suite d'une invalidation, d'une suspension ou d'une annulation.

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