L'ACTU.
Le président de la Conférence des évêques de France a révélé le 7 novembre que onze évêques ou anciens évêques avaient été « mis en cause » devant la justice civile ou celle de l'Église, après des signalements de violences sexuelles. Parmi eux, le cardinal Jean-Pierre Ricard, a avoué dans une lettre qu'il s'était « conduit de façon répréhensible » avec une mineure, il y a 35 ans, alors qu'il était prêtre à Marseille. Après ces révélations, le parquet de la cité phocéenne a ouvert une enquête préliminaire.
Ces nouveaux événements interviennent un an après la publication du rapport Sauvé qui estimait à au moins 200 000 le nombre de victimes d'agressions sexuelles ou de viols de la part de prêtres et religieux depuis 1950. Ce rapport décrivait le « phénomène des violences sexuelles dans l’Église catholique en France de 1950 à nos jours » comme étant « massif, en diminution dans le temps, mais toujours présent » et reposant « sur des mécanismes pluriels, clairement identifiés et présentant un caractère systémique. »
L'ARCHIVE.
Jean-Pierre Ricard est l'une des grandes figures du catholicisme en France. Cardinal depuis 2006, il fut président de la Conférence des évêques de France entre 2001 et 2007. Il est également l'ancien archevêque de Montpellier (1996-2001) et de Bordeaux (2001-2019) et a participé au conclave de 2013 qui a abouti à l'élection du pape François. Ses aveux sont d'autant plus marquants qu'il avait pris des positions claires sur les abus sexuels dans l'Église et avait notamment participé au signalement de l'ex-évèque de Dax Hervé Gaschignard qui avait eu des gestes inappropriés avec des jeunes adolescents.
Dans l'archive en tête d'article, Monseigneur Jean-Pierre Ricard était invité à s'exprimer sur son parcours et sur l'Église catholique alors qu'il prenait sa retraite. Parmi les questions que lui pose le journaliste de France 3 Bordeaux, plusieurs concernent la question des abus sexuels dans l'Église. Cette année-là, en 2019, l'archevêque de Lyon, Philippe Barbarin avait été condamné en première instance à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation des actes pédocriminels du prêtre Bernard Preynat.
« Les affaires de pédophilie qui ont été révélés ces derniers mois ont eu quels effets sur l'Église catholique, sur les prêtres et sur les fidèles ? » demandait le journaliste. Jean-Pierre Ricard répondait : « Sur les prêtres, cela a eu un effet extrêmement profond, parce qu'ils se sentaient stigmatisés, je crois qu'il a fallu soutenir les prêtres et en même temps, leur dire d'être extrêmement vigilant dans cette relation avec les enfants et jeunes. » Et ajoutait plus tard : « Après le choc, on a réfléchi sur les causes. »
Le journaliste poursuivait : « Dans votre carrière, avez-vous été confronté à la loi du silence ? ». Le prélat précisait : « Oui, je ne dirais pas cela comme ça (...) je dirais que c'est une prise de conscience progressive. » À la question de sa responsabilité en tant que hiérarchique (« Avez-vous avez dû étouffer certaines affaires ? Est-ce que vous eu connaissance de certaines affaires que vous n'avez pas pu révéler ? »), il répliquait et renvoyait à la responsabilité des autres sphères de la société : « Non. Étouffé, non. Mais je crois que nous réagissions il y a 25 ans comme réagissait l’Éducation nationale, les clubs sportifs, (...) éventuellement on le mutait. »
Pour le cardinal, il s'agissait d'une prise de conscience progressive « dans la société et dans l'Église depuis les années 1995 » de la dangerosité de certains prêtres, véritables « prédateurs », et de la souffrance des victimes.
Les évêques face à la pédophilie
2001 - 02:08 - vidéo