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«On manifeste coude à coude avec les salariés» : les jeunes au cœur du conflit social en 1995

«On manifeste coude à coude avec les salariés» : les jeunes au cœur du conflit social en 1995

L'adoption par le 49.3 de la réforme des retraites a relancé la mobilisation contre un texte jugé injuste. Les jeunes jusqu'alors discrets ont pris part au mouvement en bloquant lycées et universités. Ils sont de plus en plus présents dans les manifestations, ce qui n'est pas sans rappeler leur participation au mouvement social de fin 1995 contre le plan Juppé. À l'époque, leurs propres revendications avaient trouvé un écho dans les cortèges.

Par Florence Dartois - Publié le 28.03.2023
Maniestations à Paris - 1995 - 01:49 - vidéo
 

L'ACTU.

Les jeunes qui étaient plutôt discrets au début du mouvement de contestation de la réforme des retraites commencent à manifester. Ils sont de plus en plus nombreux à bloquer leurs lycées et les facultés. La mobilisation de cette frange de la population est l'une des inquiétudes de l'exécutif.

LE CONTEXTE.

En 1995, lors du mouvement social contre le plan Juppé sur les retraites et la Sécurité sociale, les jeunes, notamment les étudiants, ont grandement pesé dans la contestation. À l'époque, le contexte social était très tendu, avec un déficit budgétaire massif obligeant le gouvernement Balladur à faire des coupes dans les services publics, notamment pour maîtriser des dépenses de l’assurance maladie.

Depuis deux ans, aucun secteur n'échappait à la rigueur, et surtout pas l’Éducation nationale. Si les jeunes ont massivement rejoint la contestation sociale en décembre 1995, c'est parce qu'ils étaient personnellement sensibilisés aux conséquences des coupes budgétaires. Ils manifestaient depuis le début de l'année 1995 aux côtés de leurs professeurs pour réclamer plus de moyens.

Dans les I.U.T., ils s’opposaient à la réforme portée par le rapport Laurent et la circulaire dite Bardet qui prévoyait notamment de remplacer les bourses par des prêts d’honneurs obtenus auprès des banques. L'ambiance dans les manifestations de février 1995 est à découvrir ci-dessous : « S'il y a du monde aujourd’hui, c’est que les gens se sont sentis pris pour des imbéciles. »

La tension allait encore s'amplifier à partir d'octobre 1995 avec une crise universitaire transformant les amphis surchargés en assemblées générales. En novembre, la majorité des universités étaient occupées. L’insuffisance de moyens financiers, de professeurs et des conditions matérielles désastreuses mobilisaient étudiants et enseignants. Le 9 novembre 1995, alors qu’à l’Assemblée nationale se jouait le sort du budget de l’Éducation, professeurs, étudiants défilaient déjà au son d’un même slogan : « Bayrou, Chirac, des sous pour la fac ! ». Une manifestation filmée dans l’archive ci-dessous.

LES ARCHIVES.

Tout poussait à la convergence des luttes. Un pas franchi le 5 décembre 1995. Ce jour-là, la contestation étudiante rejoignait définitivement le mouvement de grève générale. C'est ce que montre l'archive en tête d'article, un sujet du Soir 3 consacré à la manifestation d’union des salariés et des étudiants qui avait regroupé entre 130 000 et 160 000 personnes sur les boulevards parisiens.

« Tous ensemble contre le plan Juppé ! Tous ! Tous ! ». La solidarité entre les salariés et étudiants était le credo du cortège. Une union symbolisée devant les caméras par le tandem Louis Viannet, le secrétaire général de la CGT et Pouria Amirshahi, le président de l’Unef-Id, le syndicat majoritaire étudiant. Plus loin, cheminots, postiers et enseignants fermaient la marche de ce rassemblement unitaire.

Du côté des étudiants, sous la banderole « Étudiants, salariés, luttons contre la politique d’austérité », on se réjouissait de l'union, tout en contestant toujours les propositions de François Bayrou, comme l’expliquait Marie-Pierre Vieu présidente de l’Unef : « on manifeste aujourd’hui coude à coude avec les salariés, ce qui ne veut pas dire qu’on noie nos revendications dans les revendications du mouvement social, mais qu’on fait naître encore plus de convergences. Et c’est unique », reconnaissait-elle. Consciente du poids de la jeunesse, elle concluait : « on remportera tous le morceau » !

Convergence des luttes

Même unité en région, comme le montrait ces images de France 3 glanées dans les différentes manifestations locales. À chaque fois, des jeunes dans les cortèges, qui « marchaient au milieu des poubelles, en raison de la grève des éboueurs », avec des banderoles appelant à une « grève générale définitive ». Un défilé à regarder dans l'archive ci-dessous.

Derrière la contestation, l'inquiétude

La participation des étudiants grévistes aux manifestations exprimait une inquiétude partagée avec les travailleurs, face à l'avenir, au manque de perspectives d'emploi et au déclin du système social. Pour certains, l'action ne s'arrêtait pas là. Ils participaient à des blocages. Ainsi, le 19 décembre 1995, les étudiants de la faculté des Lettres de Nantes, toujours en grève contre le plan d'urgence annoncé par le ministre de l’Éducation et de l'enseignement supérieur François Bayrou, se retrouvaient en gare de Nantes aux côtés des cheminots SNCF pour bloquer les voies.

« C’est le service public qu’on essaye de bafouer en ce moment et que le gouvernement attaque de différentes manières, sous tous ses angles, que ce soit les universités, les cheminots, EDF. Et c’est ça qu’on demande un véritable engagement de l’État dans le service public ». (Un étudiant de Nantes)

Après trois semaines de grève générale, le gouvernement abandonnait le plan Juppé. À la suite du mouvement social de fin 1995, certains étudiants créèrent les premiers syndicats étudiants (SUD Étudiant), dans une volonté d'être rattachés à l'Union syndicale Solidaires dont ils estimaient partager les valeurs. Quant à la réforme Bayrou, elle allait être conservée, puis poursuivie par son successeur Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale de la recherche et de la technologie (1997-2000).

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