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Selon la police ou les organisateurs, comment compte-t-on les manifestants ?

Selon la police ou les organisateurs, comment compte-t-on les manifestants ?

Selon la CGT, 400 000 manifestants ont défilé dans les rues de Paris contre la réforme des retraites le 7 février. Le ministère de l'Intérieur a, quant à lui, comptabilisé 57 000 personnes. Mesurer l'affluence d'une manifestation, c'est politique et un enjeu à chaque mouvement social. Explications en archives. 

Par Romane Sauvage - Publié le 01.02.2023 - Mis à jour le 07.02.2023
 

L'ACTU.

Les manifestants étaient-ils 400 000 ou 57 000 mardi 7 février dans les rues de Paris pour protester contre la réforme des retraites ? À chaque mouvement social, le même difficulté émerge : qui des syndicats ou du ministère de l'Intérieur compte juste ? Ces évaluations, jauges de l'ampleur de la protestation, sont d'autant plus importantes qu'elles peuvent ensuite servir un propos politique.

LES ARCHIVES.

Entre les organisateurs et la police, les décomptes de manifestants vont parfois du simple au double. En 1998, à l'occasion d'une manifestation contre le PACS à Paris, France 2 avait tenté de comprendre comment ces chiffres étaient évalués. « J'ai posé la question aux organisateurs de la manifestation sur quoi ils se fondaient pour annoncer des chiffres aussi importants, expliquait le journaliste, On m'a expliqué que la place Vauban, où se sont rassemblé les manifestants, a une surface de 31 400 mètres carrés et compte une densité de 2,5 à 3,5 manifestants au mètre carré. Ce qui donne une fourchette de 90 000 à 110 000 personnes ». Un calcul plutôt simple en somme. Et pourtant.

André-Michel Ventre, secrétaire général du syndicat des commissaires de police, commentait de son côté l'affluence de la manifestation. « Nous avons à faire à une manifestation dite immobile, où les gens manifestement sont arrêtés et ne bougent plus. La méthode est relativement simple », disait-il également. Et poursuivait : « Nous prenons en compte la superficie des lieux où se déroule l'événement et nous imaginons le nombre de personnes qui peuvent se trouver par mètre carré à cet endroit-là. Or, sur les images que vous présentez, il y a une à deux personnes par mètre carré, sans doute pas deux mais légèrement plus d'une. »

En analysant les images sur une télévision cathodique, André-Michel Ventre montrait son désaccord sur le postulat de départ des organisateurs : « entre deux et jusqu’à trois personnes par mètre carré, les gens ne peuvent plus bouger. Or, manifestement, sur ces images, les manifestants (...) peuvent encore bouger et sont assez libres de leur mouvement. » Un autre angle de la caméra sur la foule donnait une densité moindre. « Dans les premiers rangs, on peut compter une densité plus élevée, mais au milieu et sur le périmètre, on est obligé de constater que la densité est très faible. »

Un comptage manuel

Autre technique, en 2010, lors des manifestations contre une réforme des retraites. « Les deux camps donnent des chiffres très différents quant à la mobilisation », de 997 000 selon le ministère de l'Intérieur à 3 000 000 selon la CGT. « Du côté de la police, deux fonctionnaires des renseignements généraux se placent dans un appartement. Et clique sur ce compteur chaque fois que 10 manifestants passent sous leur fenêtre », expliquait le commentaire de l'archive ci-dessous. « Côté syndicats, deux méthodes, une similaire à celle de la police, mais le comptage se fait sur la chaussée à l’aide de bâtonnets. » Était aussi utilisée la technique suivante : multiplication du nombre de manifestants par rang et de la longueur du cortège.

Mais, malgré tout, disait la journaliste, ces chiffres « servent les intérêts de chaque camp. » Alors pour y pallier, un comptage indépendant avait été mis en place en 2017 à l'initiative de médias. Le cabinet Occurrence, filiale de l'Ifop, devait faire appel à une nouvelle technologie pour compter avec plus d’efficacité les manifestants. Comme on le voit dans l'archive ci-dessous, l'idée était de se passer du compteur manuel, « procédé dépassé » et d'utiliser un capteur intelligent. Il devait comptabiliser les manifestants. « Majoritairement on est entre les deux » comptages de la police et des manifestants, expliquait-on.

Depuis, le débat n'est pas tout à fait clos puisque c'est justement les décomptes d’Occurrence qui font aujourd'hui débat, avec seulement 55 000 personnes détectées le 31 janvier, contre 500 000 selon les syndicats et 87 000 selon la police.

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