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Linky : le compteur «trop intelligent» qui généra des craintes dès son apparition

Linky : le compteur «trop intelligent» qui généra des craintes dès son apparition

L’annonce faite par Enedis le 5 octobre de la possibilité, en cas de pic énergétique, de basculer l'alimentation de certains appareils énergivores, comme les ballons d'eau chaude, à des heures creuses de nuit à partir du 15 octobre, a relancé le débat qui existait depuis plusieurs années sur le caractère potentiellement intrusif du compteur Linky. Capable d'analyser la consommation électrique quotidienne des foyers, il a été sujet à polémique dès les premiers tests en 2011.

Par la rédaction de l'INA - Publié le 05.10.2022
Nouveau compteur électrique Linky - 2011 - 01:39 - vidéo
 

L'ACTU.

Le 5 octobre, les gestionnaires RTE et Enedis ont annoncé que pour éviter des pics de consommation électrique de la mi-journée, l'alimentation de certains appareils énergivores, tels les ballons d'eau chaude, pourrait chez certains clients être basculée vers les heures creuses de nuit, plutôt que sur la période méridienne. Il s'agit de la mise en place de dispositions publiées au Journal officiel le 22 septembre 2022. À l'AFP, Enedis a précisé les modalités de cette mesure : « cette disposition pourra prendre effet au maximum deux heures par jour, entre 11h et 15h30. Elle sera enclenchée par Enedis, via ses compteurs intelligents, à la demande de RTE (le gestionnaires des lignes à haute tension) et des pouvoirs publics ». Le groupe a ajouté qu'il ne s'agissait en aucun cas de coupures d'alimentation. Cette opération destinée à soulager le réseau s'achèvera le 15 avril 2023. L'économie attendue serait de 3% de la consommation nationale, soit l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires.

Cette opération est rendue possible grâce à l'installation du compteur intelligent Linky dans près de 35 millions de foyers. Cet outil permet de transmettre automatiquement les données de consommation et de suivre en détail l'utilisation des installations électriques en temps réel. Des capacités critiquées et craintes avant même son installation, durant sa période de test. C'est ce que décrit l'archive en tête d'article, un reportage diffusé dans l'édition du journal de France 3 Périgord le 12 mai 2011. Une époque où le Linky était testé dans la région.

LES ARCHIVES.

En 2011, Linky était déjà testé en Touraine et à Lyon. Ses opposants dénonçaient alors un « compteur mouchard ». Pour rassurer ses opposants, ERDF avait décidé d’en dire plus sur les performances de ce compteur qualifié d'« intelligent ». Parmi les avantages avancés à l’époque : sa capacité à transmettre automatiquement les données de consommation, à permettre une facturation plus précise et à suivre sa consommation en direct sur Internet. Interrogé sur les atouts de Linky, un directeur régional d'ERDF mettait en avant la possibilité pour les clients de mieux maîtriser leurs dépenses et de favoriser la maîtrise de l'énergie. Une rapidité d'intervention, de meilleurs diagnostics de pannes s'ajoutaient à ce tableau positif. Parmi les avantages annoncés, il y avait également une baisse de 5% à 15% de la facture des consommateurs. Mais le commentaire précisait que deux interrogations demeuraient. Pour la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), les données transmises par Linky étaient trop précises. La seconde interrogation portait sur le coût élevé de l'installation, répercuté sur la facture.

Adoption du Linky et amplification des contestations

Quelques mois plus tard, le 28 septembre 2011, le ministre de l’énergie, Eric Besson, annonçait la généralisation du Linky. Le 12/13 de France 3 diffusait un sujet sur le plan de déploiement qui prévoyait que les 35 millions de foyers seraient équipés du petit compteur jaune en 2018. 10 000 agents devaient être mobilisés, pour une facture totale estimée à 4,3 milliards d’euros. La méfiance à l’égard de cet « espion infiltré » dans tous les foyers, et qui connaîtrait « tout de nos consommations » continuait à enfler. La CNIL, quant à elle, s’inquiétait du risque de revente des informations collectées.

Lancé en décembre 2015, le déploiement allait amplifier les nombreuses peurs, tant du côté des abonnés que de leurs édiles, à l’image du maire de Varennes-sur-Seine qui craignait une crise sanitaire. En cause, les ondes émises par le compteur au moment du transfert des informations.

« En tant que maire, j’ai un devoir de protection » (Le maire)

« Les ondes émises par Linky sont 100 fois plus faibles qu’un téléviseur… » (le directeur territorial ERDF de Seine-et-Marne)

Le débat allait s'intensifier entre pro et anti Linky et la fronde s'organiser avec la création de collectifs de citoyens et une mobilisation de groupements de maires. C'est ce que montre très bien ce reportage de janvier 2018, filmé dans l’Aisne, où certains maires très actifs interdisaient le Linky sur leur territoire.

Enquête : le compteur Linky
2018 - 03:31 - vidéo

« Ça devrait être plus facile à gérer nos consommations, et il faut vivre avec son temps », «  le conseil municipal a voté une délibération contre la pose des compteurs...on va encore supprimer des emplois avec ce compteur », « on prend le temps de discuter avec les gens qui ont des doutes, la question du pari numérique est dans toute la société »

Intelligence ou surveillance ?

Polémiques et craintes n'étaient toujours pas éteintes en février 2020, alors que 24 millions de foyers étaient désormais équipés. Cette fois, la CNIL mettait en demeure les groupes d'énergie EDF et Engie de se mettre en conformité dans la gestion de la collecte des informations personnelles des consommateurs. Elle réclamait que les contrats stipulent un consentement pour les deux types de données recueillies (journalières et détaillées). Autant de données dont l’exploitation inquiétait, et qui risquait de transformer le consommateur en « chair à datas » et être monnayées selon ses détracteurs.

« Nombre de personnes au foyer, heure de mise en route de la machine à laver ou encore remplissage du ballon d’eau chaude… une mine d’or »

La mise en demeure de la CNIL a pris fin le 15 février 2021, sa présidente, Marie-Laure Denis, estimant dans son communiqué avoir reçu des éléments « démontrant que les manquements constatés » avaient cessé. L'instance de contrôle soulignait l'effort fait par EDF pour mettre en ligne un nouveau « parcours de consentement » où le client pouvait « consentir au souci de sa consommation quotidienne » et non à la demi-heure.

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