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Le tri des poussins : l'incroyable savoir-faire japonais jalousement gardé

Le tri des poussins : l'incroyable savoir-faire japonais jalousement gardé

Le broyage des poussins mâles est désormais interdit. Un décret publié le 6 février 2022 laisse jusqu'à la fin de l'année aux couvoirs pour mettre fin à leur broyage. Jusqu'aux années 80, le tri entre mâles et femelles était l'apanage des Japonais, même en France.

Par Florence Dartois - Publié le 07.02.2022
Alex Wiltzer sur le sexage des poussins - 1974 - 01:24 - vidéo
 

Dans la filière des poules pondeuses, chaque année quelques 50 millions de poussins mâles sont sacrifiés peu après leur naissance, parce que non rentables. Seules la femelle, future poule pondeuse, est gardée. Les poussins mâles sont broyés ou gazés. Des méthodes dénoncées depuis plusieurs années par des associations comme L214, au nom du bien-être animal.

Selon un décret paru le 6 février 2022 au Journal officiel, le gouvernement interdit le broyage des poussins et laisse aux couvoirs jusqu’à fin 2022 pour changer leur pratique et arrêter d’éliminer ces poussin jugés sans intérêt économique puisqu’ils ne pondent pas. La France est le premier pays au monde à interdire cette pratique.

Mais pour séparer les poussins femelles des mâles, les élevages doivent les trier. Depuis les années 30, les Asiatiques, en particulier les Japonais, étaient les seuls à savoir pratiquer ce « sexage ». Une technique très spécifique, mais surtout un monopole qui suscitait beaucoup de convoitise.

L’archive visible en tête d’article présente cette technique telle qu'on la pratiquait au début des années 1970. En 1974, dans le magazine « Les animaux du monde », Alex Wiltzer, chercheur en aviculture, expliquait en quoi consistait cette manipulation des poussins d’un jour. Il décrivait la procédure et pourquoi on faisait appel à des Japonais pour réaliser cette opération délicate : « Nous sommes de mauvais sexeurs parce que nous avons les mains trop fortes et trop lourdes. Il faut des toutes petites mains parce qu’autrement, on abîme l’anus. Parce qu’à chaque fois, on ouvre l’anus pour voir le sexe ».

Un monopole onéreux

Ces hommes de l’art étaient rares et donc très bien payés, au poussin trié. Pour faire des économies, dès le début des années 1970, des chercheurs commençaient à modifier génétiquement les poules pour qu’elles soient reconnaissables plus facilement. C’est ce que l’on découvre dans le reportage ci-dessous. En 1972, au domaine du Magneraud dans l'Orne, on mettait au point des souches de pondeuses « autosexables », grâce à une technique associant les gênes sexuels à ceux qui déterminaient la couleur des plumes. L'objectif : faciliter le triage des poussins selon leur sexe pour faire des économies conséquentes.

« C’est simple, le futur coq est blanc et les plumes de la future pondeuse sont rousses. Tout le monde peut maintenant faire la différence. »

Avec la génétique, la filière des poules pondeuses allait peu à peu employer les deux méthodes de tri. Mais à Bernède dans le Gers, en 1983, on faisait encore appel aux précieuses mains d'un expert japonais. Démonstration ci-dessous :

Dans les années 1980, la maîtrise du tri donnait parfois naissance à des conflits larvés. Dans l’archive ci-dessous, datée de 1983, une entreprise bretonne tentait de briser ce monopole du sexage toujours détenu par les Japonais et les Coréens. Jean Marlot, dirigeant de l’entreprise Inter Avic, tentait de développer ce savoir-faire sur place. Une gageure, précisait-il : « Les sexeurs japonais ou coréens ne vendent pas ce secret, leur technique ». Même en les payant cher, les sexeurs instructeurs n’étaient pas faciles à trouver car cet art s'apparentait presque à un secret industriel. Le journaliste les décrivait comme des « mercenaires » travaillant « au plus offrant » mais risquant « les pires ennuis en enseignant leur science ».

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