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Le couronnement d'Elizabeth II, c'était (aussi) le sacre de la télé en direct

Le couronnement d'Elizabeth II, c'était (aussi) le sacre de la télé en direct

Le couronnement d'Elizabeth II a eu lieu le 2 juin 1953 en l'abbaye de Westminster lors d'une cérémonie fastueuse. Il s'agit du premier événement majeur à avoir été diffusé internationalement à la télévision.

Par Cyrille Beyer - Publié le 01.06.2022 - Mis à jour le 02.05.2023
 

La reine Elizabeth II, décédée le 8 septembre 2022 à l'âge de 96 ans, aura régné 70 ans. C'est le 2 juin 1953 qu'elle a été couronnée reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en l’abbaye de Westminster. Reine depuis la mort de son père, le roi George VI, le 6 février 1952, la jeune femme de 27 ans devenait lors de cette solennelle cérémonie religieuse une personne sacrée, la 6e femme à ceindre la couronne d’Angleterre et le 40e monarque depuis Guillaume le Conquérant.

Au début des années 1950, le Royaume-Uni commence tout juste à se relever après les dures années de la guerre. Certains produits alimentaires de base sont encore rationnés. Le couronnement de la jeune Elizabeth est alors vu comme un symbole de renouveau pour tout le pays. Le Premier ministre Winston Churchill, de retour au pouvoir en 1951, veut croire que s’ouvre une « nouvelle ère élisabéthaine », en référence à l’âge d’or que connut l’Angleterre à la seconde moitié du XVIe siècle.

Mais c’est bien un tout nouvel outil qui va permettre à cette cérémonie ancestrale de rencontrer la modernité : la télévision. Le couronnement du 2 juin 1953 est le premier événement majeur à être diffusé internationalement à la télévision. En direct, au Royaume-Uni bien sûr, mais aussi dans quatre autres pays européens : France, Danemark, Pays-Bas et RFA. En différé, le temps que les avions emmènent dans leurs soutes les bobines de films, au Canada, aux Etats-Unis et en Australie. On estime ainsi à 277 millions le nombre de personnes dans le monde qui l’ont vu en direct, en différé, ou retransmis au cinéma.

De la télévision ensemble

Pour arriver à cette innovation, il a d’abord fallu faire accepter aux plus conservateurs l’idée même de la retransmission. Selon Marc Roche, ancien correspondant du Monde à Londres et auteur de Elizabeth II une vie, un règne (La Table ronde, 2012), « la nouvelle reine veut une rupture : sa première décision est d’imposer la retransmission télévisée de son couronnement. Seul l’octroi de l’onction, qu’elle considère comme une affaire privée, restera à l’abri des regards. D’un seul coup, elle résiste à deux des hommes les plus puissants d’Angleterre : le Premier ministre et l’archevêque de Canterbury ». Winston Churchill finit par se rallier à la retransmission télévisée, comptant sur « cet événement grandiose pour faire oublier l’austérité et les restrictions de l’Après-guerre ».

Paradoxalement, cette retransmission d’une cérémonie typiquement britannique, projetant au-delà de ses frontières la splendeur de la monarchie et la ferveur de tout un peuple, est le fruit d’une collaboration politique et technique avec d’autres pays européens, au premier rang desquels la France.

La retransmission en direct du couronnement est même l’un des symboles, explique l’historien Robert Frank dans la préface de l’ouvrage collectif Les lucarnes de l’Europe (Publications de la Sorbonne, 2008), d’un « couple franco-anglais » qui se « prolonge dans les années 1950 » : « Au moment même où ils se tournent vers les Allemands pour parler charbon et acier [avec le traité de la CECA en 1951, NDLR], les Français acceptent les avances des Anglais pour faire de la télévision ensemble, pour établir une coopération étroite entre la Radio télévision française (RTF) et la British broadcasting company (BBC). »

Un succès comme un tremplin

Dès « août 1950, avec "l’expérience de Calais", une première liaison télévisée internationale est établie à travers la Manche à partir de la France en direction de l’Angleterre. Au cours de l’été, la diffusion devient bilatérale, avec des programmes communs vus dans les deux pays », écrit encore l’historien spécialiste des relations internationales. Grâce à cette ébauche de télévision franco-britannique voulue par les deux dirigeants de télévision, Jean d’Arcy et Cecil McGivern, et avec la coopération du Danemark, des Pays-Bas et de la RFA, le couronnement d’Elizabeth II est vu en direct par des millions d’Européens qui, faute de foyers encore peu équipés en téléviseurs, le regardent de façon collective. Au Royaume-Uni, qui compte alors 2 millions de télévisions pour une population de 36 millions d’habitants, on estime que 27 millions étaient ce jour-là devant une télévision.

Pour la télévision française, le commentaire est assuré en direct depuis l’abbaye de Westminster par le journaliste Léon Zitrone, dont c’est le premier grand reportage. Selon Marc Roche, qui rapporte les propos d’un journaliste de France-Soir, « les Français ont découvert à cette occasion la télévision, achetant en prévision plus de 100 000 postes, dont l’un par Pierre Lazareff, le directeur de France-Soir, qui l’a fait installer dans la salle de rédaction ».

Le succès de cette retransmission en direct à l’échelle européenne servira de tremplin pour la création de l’Eurovision en juin 1954. Ce réseau de pays membres de l’Union européenne de radio-télévision (UER, créée en 1950) a pour ambition « de contribuer à faire l’Europe », comme l’explique Robert Frank : « Par l’émotion d’une part, grâce à la retransmission en direct des cérémonies, de mariages princiers, de funérailles ou de compétitions sportives. Par la culture d’autre part, grâce à des programmes se proposant d’aider les pays européens à mieux se connaître entre eux à travers l’opéra, le théâtre et le folklore. »

Si les archives de l'INA ont bien conservé les images du direct de la cérémonie (un document de 47 minutes, en noir et blanc de mauvaise qualité), il n'y a pas le son de ce direct, avec le commentaire du journaliste Jacques Sallebert. L’archive que nous présentons en tête de cet article est le résumé de la cérémonie, proposé par les « Actualités françaises », le surlendemain, 4 juin 1953, et commenté par un autre journaliste.

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